On ne guérit jamais de ce qui nous manque, on s'adapte, on se raconte d'autres vérités. On vit avec nous-même, avec la nostalgie de la vie.
{Margaret Mazzantini}
Un petit "cling-cling" retentit. La porte se referme derrière moi. J'inspire comme si j'étais enfin en sécurité. Ce cling-cling et l'odeur de café de cet endroit -mélangée à celle du vieux bois- arrivent à me faire relâcher les nerfs et sourire un minimum. Je connais ce petit café par cœur. J'y viens chaque jour depuis des années. C'est l'unique endroit qui m'accueille à bras ouverts et heureusement, sans moi, leur café aurait coulé. Je fais six pas. Je m'assieds sans vraiment regarder les gens autour de moi. Je suis habitué à la plupart d'entre eux, et eux, à moi. Il y a la vieille femme de l'autre bout du café. Elle s'assied toujours près de la porte. Elle prend son journal quotidien, une tasse de café et son chat la suit partout. La petite bête est amicale -contrairement à sa vieille amie- et vient réclamer des caresses à tous. Deux hommes que je situerai dans la centaine chacun -ayant réellement 84 et 86 ans- aiment se donner rendez-vous, ici, 7h21 pétante pour jouer aux échecs. Ils le font depuis quinze ans. Sans ce café, tous les deux ne se connaîtraient pas. Ils se taquinent mutuellement, ils se provoquent, ils perdent et gagnent et ils pimentent la vie de chacun. Ils s'adorent et ne l'avoueront pour rien au monde. Des meilleurs-amis qui se sont rencontrés tardivement. Deux pépères qui râlent et rient ensemble. Cet endroit n'attire que les habitués. Parfois, une ou deux têtes curieuses que nous ne connaissons pas rentrent et se commandent un café. Des têtes que nous ne revoyons pas.
Je pose mon sac entre le mur et le pied de ma chaise. Je regarde un peu autour de moi pour chercher le patron de l'endroit mais il n'est pas là. Je m'accoude sur la table et laisse tomber ma tête dans le creux de ma main. Les yeux rivés sur l'extérieur qui vit encore. Je prends une pause lorsque j'entre dans cet endroit. Cette vie à l'extérieur qui me fait entrer dans un monde noir et effrayant est difficile à vivre alors je me permets quelques pauses lorsque je viens ici. Cet endroit chaleureux est un refuge. Il est intemporel. Le temps, ici, s'est arrêté en 1934. Les murs, les photos, les peintures en témoignent. Je préfère cette époque à celle que je vis lorsque je suis à l'extérieur. Ce rush me tue alors je viens penser tranquillement ici. Je viens faire une pause le temps d'un café. Je me suis lassé d'admirer le café depuis déjà longtemps, en revanche je ne me lasse pas de l'ambiance unique qu'il dégage. Une aura qui appelle les marginaux à se rassembler ici sans jamais se parler, sans jamais se regarder. Le silence et le café sont l'or noir du Colossal Coffee. Les gens aiment contempler leur solitude au travers de celle des autres. Je me suis habitué à cet étrange sentiment. Il est confortable.
Je me souviens de la première fois où le cling-cling a annoncé ma venue après avoir franchi la porte. J'étais resté une bonne heure dehors sous la pluie sans savoir quoi faire. Attendant un parent qui n'est jamais venu. J'ai croisé, à travers cette grande vitre qui me donne la vue sur le monde en vie, le regard saphir et pure d'une jeune femme. Elle m'a sourit. Et d'un signe de la main, elle m'a invité à rentrer à l'intérieur. Méfiant, je suis resté dix minutes de plus sous la pluie mais j'étais frigorifié. J'étais complètement trempé. J'ai foutu mes doutes de côté et je suis rentré. "Cling-cling". Elle m'a regardé. Elle m'a fait signe de venir m'asseoir à l'une des seules places libres de l'endroit, face à elle. J'ai fait mes quelques pas et je me suis assis sous ses yeux d'un bleu étrangement déstabilisant. Des yeux parfaits. J'étais un gamin paumé, seul et elle m'a apporté du réconfort sans même que je le réalise. Son sourire était fatigué mais réel. Elle a commandé à ma place : "Un chocolat chaud et un double expresso sans sucre" a-t-elle demandé au serveur qui nous a sourit et est parti pour nous apporter la commande. Je n'ai rien dit. Elle n'a rien dit.
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Bʀᴏᴋᴇɴ Bᴏʏs
FanfictionEt ils me cognent. Ils me bousculent et m'empoisonnent. Ils m'abîment et me corrompent. Ils me pourrissent. Ils pullulent et me pervertissent. Ils s'accrochent à moi, ne me laissent pas. Ils me soufflent des mots noirs, des mots tentant. Ils me chan...