Bʀᴏᴋᴇɴ Bᴏʏs

✉Lettre N°1.

Je me demande ce que le passé nous réserve.

{Françoise Sagan}

«Bonjour petit-frère,

Je viens d'arriver chez notre oncle. Le vol a été long mais tout s'est bien passé. Tu pourras donc m'envoyer de nouveau tes réponses. L'adresse de Kenny est au dos de cette lettre, je ferai bien attention à ce qu'il sépare mon courrier du sien afin qu'il ne lise pas nos petits échanges. New-York est un rêve. La ville est gigantesque. Je ne me suis pas encore lancée dans l'aventure de la découvrir mais je suis certaine que tu aimeras lorsque tu viendras me voir. Pour le moment, le décalage horaire a eu raison de moi. Je passe mon temps à me plaindre et dormir. D'ici la semaine prochaine, j'entamerai mon premier jour de stage. Je crois que le jet lag sera encore présent ! Je suis à la fois nerveuse de ce premier jour qui approche rapidement et impatiente de découvrir ce que tout cela me réserve.

Je t'ai donné de mes nouvelles, à toi de me dire comment tu vas. Comment va Maman ? Est-ce que tu as pu parler à ce garçon que tu évoquais dans ta dernière lettre ?

A ce propos, je pense que je le connais. Te souviens-tu de mon stage d'il y a deux ans dans ce lycée en ville ? Sur la côte, le nom de la ville était Shiganshina. J'y suis restée trois mois en tant que stagiaire assistante pour un professeur d'anglais. Un British bien dans sa peau, très amusant et quelque peu extravagant. Je te parlais souvent de lui, au téléphone. Quoi qu'il en soit, je crois que je le connais de là. Le prénom que tu m'as donné m'a fait tilt et je me suis souvenue de cette époque. La ville était belle. Une ville portuaire au soleil de plomb. La brise était la seule manière de sentir un peu d'oxygène frais. J'avais regretté y être allé durant le début de l'été.

Enfin, j'imagine que tu t'en souviens.

Cet Eren dont tu me parles, je le connaissais de part les autres professeurs. Le British ne l'avait pas en cours, par conséquent moi non plus. Un petit gars doué, plein de ressources et bagarreur. Beaucoup de professeurs parlaient de lui aussi bien en bons termes qu'en mauvais. Il était un gamin bosseur mais à problèmes. Lorsque la conversation allait un peu plus profondément, elle remontait jusqu'à sa mère. Les critiques étaient sévères à son propos et franchement, je ne comprenais pas tout. L'un des professeurs de maths, celui qui s'occupait de sa classe, semblait les connaître un peu mieux que tous les autres. Lorsque les ragots apparaissaient à propos de la mère de ce petit gars, il les calmait et leur demandait de s'occuper de leurs affaires. Il détestait vraiment ça. Le British bien dans sa peau m'a plusieurs fois dit qu'il ne serait pas étonné d'entendre des allégations à propos de sa mère et du prof de maths. Le genre de propos qui me décevaient parfois de cet homme qui ne voyait aucun problème à colporter des murmures à propos de personnes qu'il n'avait jamais vu.

D'autant que je lui dois pas mal à ce petit gars.

Sois sympa avec lui, petit-frère. Je crois qu'il a n'a pas pu prendre le temps de grandir. Essaie de te rapprocher de lui, je suis persuadée que vous pouvez devenir de bons amis tous les deux. Je pense sincèrement que tu peux t'ouvrir à lui et qu'il peut te comprendre. Tu cherches quelqu'un de sa trempe depuis des années. Laisse-toi aller vers lui et ne te renferme pas pour une fois. Ne laisse pas ta colère surpasser ta raison. Eren est quelqu'un de bien. Fais lui confiance et il te retournera cette confiance. Je ne le connais pas bien mais il m'inspire une grande franchise.

Je m'arrête là ! Merci pour tes mots de motivation dans ta dernière lettre. Ils m'aident beaucoup. N'oublie surtout pas de dire à Maman que je l'aime. Kenny vous embrasse tous les deux. Et occupes-toi bien de Maman. Je sais qu'elle t'a déçue par de nombreuses reprises mais elle fait ce qu'elle pense être le meilleur pour toi. Elle t'aime, Livai.

Je te souhaite de bonnes vacances d'été ! Profites bien de ces deux mois de repos et de soleil. Les lettres sont notre petit secret mais cela ne t'empêche pas de m'appeler un coup de temps en temps !

A bientôt.

Mika.»

Si seulement j'avais reçu ta lettre deux jours plus tôt.
Ne laisse pas ta colère surpasser ta raison.

Maintenant tes mots résonnent douloureusement dans ma tête.