Dans la nuit noire de l'âme, il est toujours trois heures du matin.
{Francis Scott Fitzgerald}
(??) Eren, je ne savais pas que tu venais, entre.
― Pouvez-vous juste prévenir mon père de ma présence.
Surprise, elle ne met pourtant pas plus d'une seconde pour arborer cet air qu'elle garde toujours en réserve uniquement pour moi. La pitié prend place sur son visage. Un sourire gêné étire ses traits alors que je suis certain qu'elle adore me voir dehors. Je suis presque sûr que c'est elle, tout comme Pixis, qui souffle dans l'oreille de mon père de ne pas me laisser faire partie de la famille. Elle se retourne de peu et me lance un dernier regard avant d'aller chercher mon père :
(??) Tutoies moi, je te l'ai déjà dit.
Elle me laisse seul dans le froid de l'hiver, dehors. La grande porte noire de la maison semble imposante de là où je me trouve. Je suis toujours terrifié à l'idée d'être face à celle-ci. Est-ce que mes lentilles ne bougent pas ? Est-ce qu'il me laissera rentrer en voyant mon gros sac ? Est-ce qu'il est de mauvaise humeur ? S'il l'est, je prie pour que sa copine, Dinah, l'empêche de lever la main sur moi. Il ne m'a jamais frappé mais parfois, heureusement qu'elle était là. Sans quoi, je ne suis pas sûr de pouvoir affirmer qu'il ne m'a jamais fait mal physiquement. Mon père est un homme comme les autres et lorsque je l'ai compris la déception a été amère. Je croyais qu'il était un héros. Je me souviens, le soir, lorsqu'il me bordait quand j'étais gamin, il me racontait des histoires de l'époque où il était déployé. Il était dans l'armée. Il était un médecin officier et il a sauvé d'innombrables vies. Mes yeux pétillaient d'admiration pour lui. Il était mon héros. Il était le héros de bien des personnes inconnues qui lui devait la vie. Et lorsqu'il a arrêté pour travailler dans un hôpital civil, il a continué à sauver des vies. Je voulais être comme lui. Fort, intelligent, respectable. Un héros.
Il m'a appris la boxe française jusqu'à mes sept ans. Puis il s'est séparé de ma mère et en faisant cela, il s'est séparé de moi. Sous l'effet des derniers mots qu'il avait prononcés avant de définitivement partir pour que je ne le vois pas avant mes dix ans, j'ai continué la boxe française malgré la réticence de ma mère. Pendant trois ans de plus. J'étais certain que si j'allais voir mon père à l'âge de mes dix ans, il allait être fier de moi parce que j'étais devenu bien plus fort malgré les problèmes chez ma mère. Finalement, ce qui m'a poussé à le retrouver n'a pas été l'envie de voir la fierté qu'il aurait pu avoir pour moi mais l'envie de fuir ma mère et son Monstre de mari. Le jour de mon anniversaire, je n'ai pas attendu d'avoir dix ans et une heure pour me retrouver face à cette grande porte noire. La nouvelle maison de mon père. J'étais devant chez lui pour la première fois depuis qu'il était parti. J'ignorais encore les mots froids qu'ils disaient lorsqu'il hurlait à ma mère qu'il ne voulait pas me voir. Je leur donnais une raison : il ne veut pas me voir parce que je ne suis pas encore un héros.
J'ai frappé. Une femme a ouvert la porte. Elle était complètement ivre. Elle a appelé mon père et il est arrivé devant moi.
J'avais un gros sac sur ma petite épaule de gamin. Je lui souriais comme je ne l'avais pas fait depuis qu'il était parti en me laissant seul avec ma folle de mère et son monstrueux mari. Et c'est là que mon cœur s'est fracturé péniblement. Si rapidement mais dans une lenteur à me faire perdre l'envie de vivre. Je pense que c'est à partir de cet instant que j'ai cherché à savoir si mon existence était réelle ou non. Il a posé son regard sur moi. Il était ivre. Il avait une barbe de trois jours, ce qui ne lui ressemblait pas. Il sentait l'alcool. Il puait la sueur. Son visage avait soudainement vieilli. Ses traits s'étaient lourdement assombris. Malgré tout, je n'attendais qu'une chose, qu'il m'ouvre ses bras pour que j'y saute dedans comme lorsqu'il venait me chercher à l'école. Je venais de passer trois longues et douloureuses années à être certain que mon seul espoir se trouvait chez mon père. Mon seul espoir était mon père. Parce que lui, contrairement à ma mère, il était un héros. Il était fort, intelligent et respectable.
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Bʀᴏᴋᴇɴ Bᴏʏs
FanficEt ils me cognent. Ils me bousculent et m'empoisonnent. Ils m'abîment et me corrompent. Ils me pourrissent. Ils pullulent et me pervertissent. Ils s'accrochent à moi, ne me laissent pas. Ils me soufflent des mots noirs, des mots tentant. Ils me chan...