3: Des Effluves d'Alcool.

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Je t'aime comme l'on aime certaines choses obscures. De façon secrète, entre l'ombre et l'âme.

{Pablo Neruda}

[Juin, 5 mois plus tôt.]

La raison de ma venue est assez sombre, même pour moi. Je ne sais pas ce que je fais ici. Une soirée, dans le gymnase du lycée, pour fêter la fin de cette année scolaire. L'année prochaine sera du lourd. La terminale nous attend et le bac nous regarde déjà. Alors ce soir, on nous a dit d'en profiter. Comme s'il s'agissait de la fin de notre vie. Je n'avais pas la particulière intention de venir ici. Je n'aime pas la foule, ni la musique qui passe. J'aime le silence et l'aventure des mots. J'aime la paix et la solitude. Je ne suis pas à ma place. Je les regarde comme si je regardais des poissons nager dans cette eau qu'est la société. Je m'y noie. Et eux me regardent comme si j'étais un pigeon claudicant, ayant perdu un œil et réclamant du pain pourri. Une bestiole bonne à être ignorée. Ils se posent aussi la question. Qu'est-ce que ce petit con fout-il à notre soirée ? Je les ignore à mon tour. Je préfère ne pas y penser. Mon père m'a foutu dans la gueule : "depuis quand t'as des amis ?" lorsque je lui ai dit que je voulais aller à ce bal dégoûtant. Merci papa de me rappeler le looser que je suis. Malgré ses mots d'amour, je suis venu. Seul. Sans vraiment avoir réfléchi à mon geste. C'est une perte de temps quand j'ai pourtant un très bon roman de Murakami qui m'attend dans ma chambre. Même le marque page se demande où je suis.

Il fait son entrée. Suivi de Petra Ral. Elle est certainement plus intelligente qu'un petit chien remuant la queue devant son maître adoré et pourtant, la voilà faisant la même chose qu'un petit chien remuant la queue devant son maître adoré. Et je suis un gars pitoyable selon elle ? Elle devrait peut-être se faire face. Et pendant que je les observe tous depuis les gradins, je remarque que ce que je ressens pour lui est complètement différent de ce qu'elle ressent pour lui. On a le regard posé sur le même enfoiré mais je ressens le contraire de ce qu'elle possède au fond d'elle. Alors qu'elle est prête à le suivre partout pour lui montrer sa loyauté, je suis prêt à l'ignorer toute ma vie pour ne pas être blessé. Chacun sa façon d'interpréter les choses. Elle a l'amour esclave, je l'ai rebelle. Chacun ses raisons pour venir ici. Toutefois, peut-être que les raisons de Petra ressemblent aux miennes. Elles prennent la forme d'un type de notre âge. Chevelure charbonneuse et soyeuse. Iris d'orages et d'hiver avec une toute petite lueur d'un espoir vert. Toute petite. Une autre raison pourrait être ce sourire charmeur. Il sait les vagues qu'il provoque en souriant ainsi. Il le fait exprès. Il capte l'attention et il ravage les cœurs. Celui de Petra. Le mien. Mes raisons sont de couleur pâle.

Une fin d'année de première dans ce lycée que je hais. Je suis arrivé en Décembre dernier, en plein milieu de l'année scolaire. Je n'avais pas posé un oeil sur une seule personne dans cet endroit que j'avais déjà des ennemis. Les rires dans mon dos sont devenus des brimades. Et parfois les brimades se serrent et forment un poing de colère qui termine sa route dans ma gueule. Je ne comprends pas pourquoi. Je ne sais pas comment cela est arrivé mais je subis depuis que je suis ici. Les insultes ont duré un long moment. Puis ils ont commencé à s'ennuyer alors ils s'en sont pris à mes affaires en pensant que j'en avais quelque chose à foutre. Mon trésor était toujours sur moi alors ils pouvaient bien faire ce qu'il voulait d'un sac rempli de papier. Ils ont réalisé que les insultes me touchaient plus que les brimades alors ils ont pris la décision d'être un peu plus violent. Pas dans les mots. Ils ont décidé que les mots ne frappaient pas assez fort. Ymir et Armin ont été les premiers à lever le poing, il y a deux mois. Puis, sans raisons apparentes, Petra s'est mise à m'insulter à son tour. Mais la princesse ne frappe pas le crapaud hideux que je suis. Elle préfère utiliser la violence verbale qui n'est pas moins douloureuse que les poings d'Ymir. Historia a été témoin de tout depuis le début sans jamais dire quoi que ce soit. A la fin d'une brimade, d'une insulte ou d'un passage à tabac, elle est toujours la dernière à partir. Elle me regarde, sourit tristement et me demande si je vais bien. Elle s'en va sans attendre de réponse qui ne vient jamais.

Bʀᴏᴋᴇɴ BᴏʏsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant