6. Ouverture.

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- C'est quelque chose que je ne fais pas souvent, soupira le blond au sweat blanc. 

Il s'approcha d'un pas, les mains dans les poches.

- Mais j'ai pensé qu'il était légitime que tu reçoives des excuses de ma part. Pour avoir refusé d'aider une personne en danger.

- Comme tu peux le voir, je m'en suis très bien sortie sans toi, répondit Aiko en croisant les bras.

Sa réaction n'était pas juste, elle le savait. Ce qu'elle n'avait pas anticipé, c'est que son interlocuteur s'en était également aperçu.

- Tu es blessée par ma lâcheté, je le constate, répondit-il sans se démonter.

Aiko prit la balle perdue en plein fouet et fut tentée de répondre quelque chose de cinglant, mais se retint.

- Pourquoi ? fit-elle à la place. Pourquoi est-ce que tu ne t'en es pas tenu à ton rôle de médecin ?

Elle marqua une brève pause.

- Je ne te connais pas, poursuivit-elle, mais j'ai l'impression que même si tu pourrais laisser mourir toute la Plage sans ciller, tu tiens assez à tes responsabilités. Peut-être que je me trompe.

- Il y a du vrai, répliqua-t-il en croisant les bras. Je n'ai pas choisi ma vocation pour rien. Le truc, c'est que...

Chishiya prit un air dubitatif, visiblement confiant dans discours - en apparence tout du moins.

- ...j'ai eu peur. Tu m'as demandé pendant le jeu pourquoi est-ce que je restais avec toi. Je pense que le conseil exécutif nous testait, pour voir si nous étions propices à la coopération. Comme ça commence à devenir un peu bancal dans le gouvernement de la Plage, je n'aurais pas souhaité être considéré comme un fauteur de troubles.

- Donc tu as eu peur, conclut Aiko en haussant un sourcil. De perdre ta réputation. Et tu t'es enfui.

- Disons que je me suis écarté parce que je pensais en avoir assez fait comme ça.

Les paroles de Chishiya, en plus d'être dures ne semblaient pas tout à fait cohérentes, bien que le blond les avait déclamées avec une certaine conviction qui laisser penser à l'honnêteté. En outre, Aiko n'avait pas le moyen de savoir ce qu'il se déroulait dans la tête de cet homme.

Peut-être a-t-il réellement eu peur, après tout.

- Je vois, fit-elle.

Elle regarda longuement Chishiya qui soutint la position en la fixant de ses yeux énigmatiques.

- L'attachement émotionnel, c'est pas ton truc, je me trompe ? le railla-t-elle d'un ton plus léger.

Elle commençait à apprécier son voisin du bureau exécutif, malgré la distance qui demeurait entre eux. Une question de pudeur, probablement.

Chishiya laissa échapper un demi-sourire, visiblement mi-amusé mi-perplexe.

- À toi non plus, je répondrais, fit-il.

Aiko haussa un sourcil.

- Plus que tu ne le crois.

La surprise s'installa dans les prunelles du blond. L'esprit de chasseuse de la joueuse d'échec s'éveilla alors et elle eut l'instinct de profiter qu'il soit destabilisé pour lui poser des questions compromettantes, mais elle se retint.

- Le tout est de déterminer qui de nous deux utilise davantage l'attitude froide et impassible comme un masque, fit-elle à la place. Tu ne réponds pas à mes questions, Chishiya : l'attachement émotionnel, c'est pas ton truc n'est-ce pas ? Ou alors tu te caches comme beaucoup d'entre nous derrière des défenses pour empêcher autrui d'entrer dans ta tête ?

La dernière carte du jeu (Chishiya)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant