Cette nuit, je me suis aperçue que Julian faisait des cauchemars.
Après la douche, il me rejoint au lit, son corps musclé m’étreint par-derrière, il a posé son bras lourd sur mon torse. D’abord, je me raidis en me demandant ce qui va se passer, mais il se contente de s’endormir en me tenant près de lui. J’entends le rythme de sa respiration tout en gardant les yeux ouverts dans l’obscurité puis petit à petit je m’endors à mon tour.
C’est un bruit étrange qui m’a réveillée. Ce bruit me sort brusquement d’un profond sommeil et quand j’ouvre les yeux d’un coup, une giclée d’adrénaline accélère les battements de mon cœur.
Qu’est-ce qui s’est passé ? Pendant un instant, je n’ose respirer puis je m’aperçois que ça vient de l’autre côté du lit, de celui qui dort près de moi.
Je m’assieds dans le lit et je le scrute des yeux. Il a dû rouler et s’écarter de moi pendant la nuit en prenant toutes les couvertures. Je suis complètement nue et j’ai même un peu froid, la climatisation est à fond.
Les sons qui s’échappent de sa poitrine sont étouffés, mais ils ont quelque chose de violent qui me donne la chair de poule. On a l’impression d’un animal qui souffre. Il a du mal à respirer comme s’il luttait pour reprendre haleine.
― Julian ? ai-je dit avec inquiétude. Je ne sais vraiment pas que faire dans cette situation. Est-ce que je devrais le réveiller ? Visiblement, il fait un mauvais rêve. Je me souviens de ce qu’il m’a dit à propos de sa famille, ils ont tous été assassinés, et je ne peux m’empêcher d’avoir pitié de ce bel homme pervers.
Il se met à crier, sa voix est grave et rauque, puis il se retourne sur le dos avec un bras sur l’oreiller, il n’est qu’à quelques centimètres de moi.
― Hum, Julian ? Je tends la main avec précaution et touche la sienne.
Il marmonne quelque chose et tourne la tête sans se réveiller. Si nous n’étions pas ici, ce serait l’occasion
idéale de s’enfuir. Mais dans les circonstances actuelles, il ne servirait vraiment à rien d’aller où que ce soit si bien que je continue à regarder Julian avec prudence en me demandant s’il va se réveiller de lui-même ou si je devrais essayer plus énergiquement de le faire.
Ensuite, j’ai l’impression qu’il est moins agité et que sa respiration commence à se calmer un peu. Puis tout d’un coup, il se met à crier.
C’est fois-ci, je reconnais un prénom.
― Maria, crie-t-il d’une voix rauque, Maria…
Pendant un instant, je suis choquée de ma propre réaction, j’ai senti une vague brûlante de jalousie déferler sur moi. Maria…Il rêve d’une autre femme.
Puis mon côté rationnel reprend le dessus. Maria pourrait parfaitement être sa mère ou sa sœur, et même si ce n’est pas le cas, qu’est-ce que ça peut me faire s'il rêve d’elle ? Après tout, Julian n’est pas mon petit ami.
J’avale donc ma salive et je tends de nouveau la main vers lui en réprimant les pointes de jalousie qui
me restent.
― Julian ?
Dès que mes doigts touchent son bras, il m’attrape d’un geste si brusque qu’il me prend au dépourvu, je n’ai que le temps de laisser échapper un petit cri quand il m’attire vers lui. L’étau de ses bras se resserre, son étreinte me fait presque suffoquer et je le sens trembler quand il me serre tout contre lui, mon visage appuyé contre son épaule. Il a froid, il est couvert de sueur et j’entends son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine.
― Maria, marmonne-t-il encore, la bouche dans mes cheveux. Il s’agrippe si fort à mon dos que j’en suis certaine, demain j’aurai des bleus. Et pourtant ça m’est égal parce que je sais qu’il ne le fait pas exprès. Il est en plein cauchemar, il a besoin de réconfort, et je suis seule à pouvoir l’aider en ce moment.
Après quelques instants, je l’entends respirer plus paisiblement. Ses bras se détendent un peu et ses battements de cœur commencent à retrouver un rythme plus normal.
― Maria, murmure-t-il encore, mais sa voix est moins triste cette fois comme s’il revivait des moments plus heureux avec elle.
Je reste dans ses bras, sans bouger pour ne pas le réveiller maintenant que son sommeil est paisible. Ce n’est pas seulement pour le réconforter. Malgré tout ce qu’il m’a fait subir, je dois avouer qu’une part de moi veut recevoir de lui cette sensation d’intimité et de sécurité. Il représente tout ce dont je dois avoir peur, d’un point de vue rationnel je le sais bien ; mais ça n’a pas d’importance parce que pour le moment il me semble que c’est aussi lui qui me protège des ténèbres et qui me protège d’autres monstres qui pourraient rôder au-dehors.
Tout comme je le protège de ses cauchemars.
Quand je me réveille le lendemain matin, Julian est parti.
― Où est-il ? ai-je demandé à Beth au petit déjeuner en la regardant me préparer une mangue. Je sens encore quelque chose de désagréable quand je marche, un souvenir des tendances sexuelles peu orthodoxes de mon ravisseur.
― C’est son travail, quelque chose d’urgent, dit-elle. Les mouvements de ses mains ont une grâce et une efficacité que je ne peux m’empêcher d’admirer. Mais il devrait être de retour dans deux ou trois jours.
― Quelle sorte d’urgence ?
Beth hausse les épaules.
― Je ne sais pas. Tu pourras le demander à Julian quand il reviendra.
Je la regarde pour essayer de comprendre quelles sont ses motivations… et celles de Julian.
― Tu as dit que je suis la première qu’il ait amenée ici, dans cette île, ai-je dit en m’efforçant de parler d’un ton neutre. Alors qu’a-t-il fait des autres ?
― Il n’y en a pas eu d’autres. Elle a fini de préparer la mangue et l’a placée sur une assiette devant moi avant de s’asseoir pour prendre son petit déjeuner.
― Alors, pourquoi me faire ça à moi ? Je sais qu’il a des goûts spéciaux, mais il y a évidemment des femmes à qui ça plait aussi…
Beth me sourit et montre des dents blanches très régulières.
― Bien sûr. Mais c’est de toi dont il a envie.
― Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai de si particulier ?
― C’est à Julian qu’il faudra le demander.
Toujours cette réponse qui n’en est pas une. Sa manière de se dérober à mes questions me donne envie de hurler. Je pique un morceau de mangue avec ma fourchette et je la mâche lentement en réfléchissant.
― C’est à cause de Maria ? Je ne suis pas certaine de savoir ce qui me pousse à le lui demander, mais je n’arrive pas à m’ôter ce nom de la tête.
Visiblement, c’est exactement la question qu’il fallait poser parce que Beth s’arrête tout net.
― Julian t’a parlé de Maria ? Elle semble stupéfaite.
― Il m’a dit son nom. Ce n’est pas vraiment un mensonge. J’ai entendu ce nom, même si Julian l’ignore. Pourquoi cela te surprend-il ?
Elle hausse de nouveau les épaules et semble moins surprise.
― Non, en y réfléchissant ça ne m’étonne pas tant que ça. S’il en parle à quelqu’un, ce sera sans doute à toi.
Moi ? Pourquoi ? Je brûle de curiosité, mais j’essaie de rester impassible comme si je le savais déjà.
― Évidemment, ai-je dit calmement en continuant de manger.
― Alors tu comprends de quoi il s’agit, Nora. En tout cas, tu en comprends une partie. Tu lui ressembles tellement. Je l’ai vue en photo, elle aurait pu être ta petite sœur.
― À ce point-là ? Mon cœur bat la chamade. Je ne me serais jamais attendue à ça, Beth vient de me donner ces renseignements sur un plateau.
Elle fronce les sourcils.
― Il ne te l’avait pas dit ?
― Non, ai-je répondu. Il ne m’a pas dit grand-chose. Juste quelques mots.
Juste son nom qu’il a crié quand il faisait un cauchemar.
Beth ouvre grands les yeux en s’apercevant qu’elle vient de m’en dire trop. Elle semble d’abord mal à l’aise puis elle retrouve sa sérénité.― Tant pis, dit-elle. Eh bien, maintenant tu le sais. Évidemment, il faudra que je le dise à Julian.
J’avale ce que j’ai dans la bouche et ça ne passe pas. Je ne veux pas qu’elle dise quoi que ce soit à Julian. Je ne sais pas ce qu’il va me faire quand il saura que j’ai entendu parler de Maria, que je l’ai vu être aussi vulnérable.
Toujours ma stupide curiosité.
― Pourquoi ? ai-je dit. C’est à toi qu’il va en vouloir, pas à moi.
― Je n’en suis pas certaine, Nora, dit Beth avec un sourire légèrement malicieux. Et d’ailleurs, je ne cache jamais rien à Julian. Il a un don pour obliger les gens à dire leurs secrets.
Et elle se lève pour faire la vaisselle.
Je passe les deux jours qui suivent tantôt à me poser des questions sur Maria tantôt à m’inquiéter à propos du retour de Julian.
Qui est donc Maria ? Visiblement quelqu’un qui me ressemble. Qui me ressemble tellement qu’elle pourrait être ma petite sœur, a dit Beth. Alors quel âge a-t-elle ? Et quel est son lien avec Julian ? Ces questions m’obsèdent tellement qu’elles m’empêchent de dormir. Il m’a enlevée à cause de cette ressemblance, voilà au moins quelque chose d’évident. Mais pourquoi ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi apparait-elle dans ses cauchemars ?
Je veux savoir, je veux comprendre, et pourtant je redoute les réactions de Julian quand il reviendra et qu’il s’apercevra que j’ai essayé d’en savoir plus. Je pourrais toujours essayer de lui expliquer que je l’ai appris par hasard, sans avoir l’intention de m’immiscer dans son intimité, mais je suis vraiment convaincue que mon ravisseur ne sera pas particulièrement compréhensif.
Beth ne m’en dit pas davantage au sujet de Maria. En fait, elle me parle très peu. Elle fait partie de ces rares personnes qui semblent contentes d’être seules. À sa place, je deviendrais folle, coincée ici sur cette île à se contenter de faire la cuisine, le ménage et de s’occuper du petit jouet sexuel de Julian, mais elle semble parfaitement satisfaite de son sort.
Maismoipar contre je suis tout sauf
satisfaite. Je pense sans cesse à ma vie d’avant, ma famille et mes amis me manquent. Ils pensent sans doute que je suis morte maintenant. J’imagine qu’on a dû lancer d’importantes recherches pour me retrouver, mais sans doute sans le moindre résultat.
Je pense aussi à Jake, je me demande s’il s’est remis de son agression. Le complice de Julian l’a tabassé avec une telle brutalité... Est-ce que Jake sait que c’est de ma faute ? Est-ce qu’il sait que c’est à cause de moi qu’il a été agressé chez lui ?
Je respire profondément en me disant que ça n’a pas d’importance qu’il le sache ou pas. Ce qui a pu se passer entre Jake et moi est terminé. Maintenant, j’appartiens à Julian et ça ne sert à rien de penser à quelqu’un d’autre.
D’une certaine manière, j’ai de la chance. Je le sais. Je suis certaine qu’il y a beaucoup de filles qui sont moins bien loties que moi. Un jour, j’ai vu un documentaire sur l’esclavage sexuel et les images de ces femmes aux yeux caves m’ont hantée des jours durant. Elles semblaient brisées, totalement détruites par ce qu’on leur avait infligé, et et même le fait d’avoir été sauvées ne semblait pas effacer la souffrance de leur visage.
Ma captivité est différente. Elle est plus agréable et plus confortable. Julian n’essaie pas de me détruire et je lui en suis reconnaissante. J’ai beau être son esclave sexuelle, au moins il est mon seul maître. La situation pourrait être bien pire.
Ou du moins, c’est ce que je me dis en attendant son retour et en espérant éperdument que ses réactions quand il apprendra mon indiscrétion ne seront pas aussi terribles que je le crains.
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L'enlèvement de Anna Zaires ( EXTRAIT)
Любовные романыla veille de son dix - huitième anniversaire Nora Leston rencontre Julian Esguerra . et ça change sa vie pour toujours .