Prologue

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Addy


       Lundi 14 juin 2013. 

Tribunal, Portland, Oregon.


Deux mois et demi après le drame qui avait fait de ma vie un enfer, je fus de nouveau convoquée au tribunal. Le verdict allait enfin tomber. Il allait enfin être mis derrière les barreaux, et ce, j'espérais, pour très longtemps.

Il m'avait absolument tout pris. C'était désormais à moi, enfin à la justice, de lui prendre ce qu'il avait de plus cher : sa liberté.

Le juge arriva lentement et garda la tête baissée, comme s'il évitait mon regard innocent et enfantin. Pourquoi se comportait-il comme cela ? C'était lui qui détenait le pouvoir. Il aurait dû avoir le visage relevé et imposer son autorité, non ? À le voir ainsi, j'eus tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Je n'avais que 9 ans à l'époque. J'étais jeune et je ne comprenais pas tout, mais certaines choses comme celles-ci, je ne les comprenais que trop bien.

-Merci, vous pouvez vous asseoir. Accusé, levez-vous.

Il se leva, toujours avec ce faux air désolé et son regard soi-disant triste. Mais qu'on soit bien d'accord, il n'était pas désolé, car dès que son regard s'accrochait au mien, sur ses lèvres se dessinait un sourire narquois, assez voyant pour que je le distingue mais assez discret pour que le juge ne l'aperçoit pas. Avec son fichu sourire, il me prouvait qu'il était fier, qu'il avait, et qu'il aura toujours, le dessus sur moi.

Un silence de plomb s'installa aussitôt dans la salle d'audience. Tout le monde coupa sa respiration afin d'écouter ce que le juge allait déclarer. La sentence allait enfin tomber.

Mon estomac se tordit sous l'angoisse que je ressentais et les secondes me parurent durer des heures entières. J'avais les mains moites et je ne tenais pas en place. Je fis bouger mes jambes dans le vide au même rythme que mon pouls, c'est-à-dire très vite. Une goutte de sueur perla même sur mon front. J'avais peur. J'avais peur de lui et je craignais la décision du juge et de la Cour. Je ne voulais pas retourner avec lui.

-La Cour vous condamne à 15 ans de prison ferme pour viol sur mineur. En revanche, vous ne serez pas poursuivi pour le meurtre, retenu non prémédité et involontaire, d'Abbygaël Johnson puisqu'elle est décédée à la suite de vos gestes « trop brusques » pendant l'acte non consenti. De plus, les examens que vous avez effectués ont conclu sur des troubles psychiatriques. Ainsi, vous devrez suivre une thérapie durant votre emprisonnement. Nous pourrons rediscuter ultérieurement d'une réduction de peine pour bonne conduite si cela est nécessaire. Votre peine commence dès maintenant.

À l'entente de ce discours, mes mains se mirent à trembler et un sanglot s'échappa, malgré moi, de ma bouche. Personne ne lui avait rendue justice.

Il se tourna ensuite vers les deux policiers présents dans la salle et d'un simple geste du menton, les deux gardes arrivèrent sur lui, prêts à l'emmener derrière les barreaux.

-Messieurs, je vous en prie. Madame Johnson, levez-vous s'il vous plaît.

Elle se leva aussi vite que son âge avancé pouvait le lui permettre. Elle ne savait pas à quoi s'attendre. Ce fut elle qui m'avait gardée le temps que cette affaire soit réglée et ainsi ce fut elle qui m'avait emmenée aujourd'hui au tribunal. Avant de se tourner vers le juge, elle me regarda une dernière fois avec un air sévère, comme si tout cela était de ma faute. Je me recroquevilla instantanément sur moi-même. Je voulais disparaître. Si un regard pouvait tuer, celui-ci m'aurait étripée sur place.

-Vous êtes, à partir d'aujourd'hui et ce jusqu'à sa majorité, la tutrice légale de la petite Addy. Vous devrez vous en occuper et prendre soin d'elle jusqu'à ce qu'elle prenne son envol à ses 18 ans. Ainsi, vous lui éviterez les familles d'accueil et les orphelinats. Merci à tous. La séance est levée.

Des acclamations se firent entendre mais plus rien n'avait d'importance pour moi. J'avais tout perdu. Je l'avais perdue elle, j'avais perdu le procès et maintenant je devais vivre avec cette femme qui consentait à peine à ce que je respire le même air qu'elle.

Je n'avais que 9 ans mais je fus plutôt douée pour mon jeune âge. Grâce à Abby, évidemment. Ainsi, le calcul fut fait en un temps record. Il sortira lorsque j'aurai 24 ans. Et encore, c'était si j'avais de la chance, car il sortira probablement avant la fin de sa condamnation. Ma vie d'adulte ne commencera à peine qu'il réapparaîtra déjà. Je découvrirai tout juste les joies du monde adulte qu'il viendra tout détruire. Il avait gagné et il le savait.

Mon monde s'effondra alors à nouveau, comme il y avait deux mois et demi en arrière lorsqu'elle avait rendu son dernier souffle sous mes yeux.

Je n'entendis plus rien. Les larmes me montèrent instinctivement aux yeux et pourtant, j'arrivais encore à voir son sourire qui me disait : "j'ai gagné".

Il n'avait eu que 15 ans de prison ferme et n'avait rien eu pour le meurtre d'Abby. Personne ne lui avait rendue justice. Et pire encore, il lui était possible d'avoir une réduction de peine s'il avait une bonne conduite. Je savais pertinemment qu'il ferait tout son possible pour sortir le plus vite de prison et venir me retrouver. J'étais morte avant même qu'il ne me tue.

Le juge me regarda avec un air penaud. Il n'était, certes pas le seul à avoir pris la décision, mais je le haïssais du plus profond de mon âme. Ce fut lui qui avait prononcé ces mots aussi tranchants que des lames de rasoir. Il n'aurait jamais dû dire qu'il lui serait possible de sortir en avance.

Comment des personnes ont pu chercher à le défendre ?! Pourquoi personne n'avait rendu justice à Abby ?!

Avec ce qu'il avait commis, je pensais qu'il croupirait jusqu'à la fin de sa vie en prison et pourtant non. Un jour, pas si lointain que ça d'ailleurs, il sera libre sans même avoir payé pour son réel crime : avoir tué Abby et avoir pris du plaisir à le faire.

Cet homme était un monstre. Et il le restera toujours.

Je le haïssais. Je haïssais le juge. Je haïssais la Cour. Je haïssais la justice. Je me haïssais. Je haïssais l'Oregon.

Et puis, c'était quoi le plan après ?! Je devais me reconstruire à l'âge de 9 ans, en ayant tout perdu, tout en sachant qu'il sortirait très bientôt ?! C'est ça ?! Qu'était-ce 15 ans dans une vie ?! Qu'était-ce 15 ans lorsque l'on n'a que 9 ans et que l'on vient tout juste de débuter sa vie ?! Rien. Absolument rien.

La rage s'empara progressivement de tout mon être. Mon petit corps de fillette trembla sous la colère qui grondait en moi. J'étais énervée. Triste. Anéantie. Seule. Désemparée. Au fond du gouffre. Et encore, tout ceci n'était qu'un euphémisme.

Personne ne lui avait rendue justice. Cette phrase tourna en boucle dans mon esprit et me donna des envies de vomir tellement cette situation m'écœurait. Abby était partie et personne ne l'avait défendue. Ce fut comme si elle n'avait jamais existé. Tout le monde s'en fichait. Ce fut la dernière pensée que je retenus avant de m'effondrer, inconsciente au sol, à cause du trop plein d'émotions.


Ma vie avait basculé le mercredi 31 mars 2013. Ma vie venait d'être anéantie ce lundi 14 juin 2013. Ma vie n'était plus que synonyme de survie et de cauchemar. Pire encore, j'avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le compte à rebours était lancé. Je n'avais plus que 15 ans, dans le meilleur des cas, avant qu'il ne revienne finir ce qu'il avait commencé : m'anéantir.



                                          🖤

C'est parti !!! L'aventure commence enfin, alors soit prêt !

En espérant que ce prologue t'ait plu !

À très bientôt ! 😉

Cœur sur toi, bisous <33

∀'

PrisioneraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant