Prologue

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    La dernière fois qu'Alexandre vit Abigail, se fut juste après que les pompiers l'aient extraite de sa voiture. Après qu'ils eurent leur accident.

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   Alexandre n'avait pas du tout prévu que sa soirée se finisse ainsi. Il avait prévu de la passer avec Abigail, bien sagement. Ou du moins aussi sagement que deux personnes fumant des joints pouvaient l'être.

Abigail n'était certainement pas le type de fille avec qui Alexandre passait ses soirées habituellement, notamment parce qu'ils ne venaient pas du même univers et que leurs fréquentations ne se croisaient jamais. À la rigueur, il arrivait à l'adolescent de jouer en ligne avec certains des amis d'Abigail mais le plus souvent ils faisaient tout pour s'ignorer cordialement. Ce n'était pas méchant, ils ne faisaient juste pas partie des mêmes cercles. Néanmoins, Abigail était venue le trouver à la fin des cours pour lui demander si elle pouvait passer chez lui dans la soirée. Alexandre avait été surpris. Abigail était la fille la plus prometteuse de son lycée, la chouchoute de tout le corps professoral, une danseuse née que tout le monde aimait. Si elle lui avait adressé la parole trois fois depuis le début de sa scolarité, c'était énorme. Le garçon était du genre à traîner derrière les casiers à la fin des cours pour fumer des substances plus ou moins légales et en vendre aux gens qui traînaient, justement, avec Abigail. Jamais cette dernière n'avait été tentée de venir le voir ou de se procurer quoi que ce soit. Il avait néanmoins dit oui, parce qu'il avait besoin de cet argent et certainement, aussi, parce qu'il voulait savoir ce qui poussait l'adolescente à venir vers lui.

Abigail était arrivée à 22h, encore en jogging et justaucorps, son sac de danse à l'épaule, un chausson de danse dépassant. Ses cheveux roux avaient été noués en une queue de cheval basse qui tombait mollement sur son épaule. Il savait qu'elle devait passer, il n'avait jamais pensé qu'elle pouvait revenir sur sa décision, mais Alexandre était tout de même surpris en ouvrant la porte de son petit appartement de la découvrir.

"Hey." Dit-elle dans un souffle.

"Euh... bienvenue dans ma résidence." Répondit-il sans bouger de la porte d'entrée.

Soudainement, l'adolescent avait pleinement conscience de l'état de l'appartement qu'il partageait avec son père. Mauvais, son état était juste mauvais, rien n'aurait pu le sauver d'un tel constat.

"Désolé par avance pour le bordel." Dit-il en s'appuyant sur le chambranle de sa porte d'entrée "J'avoue ne pas avoir pris le temps d'appeler le petit personnel."

Cela tira un sourire à la rouquine qui cessa de tirer sur le fil qui dépassait de sa manche.

"Tant que je peux rentrer." Lui dit-elle en resserrant sa poigne sur la bandoulière de son sac de sport. "Je peux rentrer ?"

Il sursauta à moitié en se rendant compte qu'il lui bloquait toujours le passage. Il ouvrit un peu plus la porte pour la laisser passer. Abigail fit trois pas et il referma la porte derrière elle.

Ils étaient seuls, complètement seuls.

Abigail n'était pas habituée aux appartements. La plupart de ses amis vivaient dans son quartier résidentiel ou à la lisière de la ville, dans des propriétés avec un grand jardin. Elle avait l'habitude d'être continuellement invitée pour des soirées autour de piscines ou dans de grandes demeures où elle ne se sentait jamais à l'aise. Elle vivait elle-même dans ce genre de bâtisses.

Alex vivait dans un tout petit appartement, au cinquième étage d'un immeuble se situant dans les mauvais quartiers de la ville. Au premier regard sur la cuisine, la jeune fille fut persuadée qu'elle était peu utilisée vu son état. La seule partie qui semblait l'être était autour de la machine à café. Le reste dormait sous de la poussière. Cette pièce était suivie d'un salon plus petit que la salle-de-bain d'Abigail. La moquette brune aurait bien eu besoin d'un coup d'aspirateur et le canapé en simili-cuir avait connu de meilleurs jours, la table-basse disparaissait sous une montagne de verres en plastiques, de bouteilles et de restes de plats à emporter. Dans un coin, reposait une console de jeu qu'Abi était sûre d'avoir déjà vu dans la chambre de son frère.

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