Chapitre 10 : Alexandre

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   La salle était particulièrement étroite, à peine assez large pour accueillir trois rangées de tables en plus du bureau du professeur. Alexandre était assis en tailleur sur ce dernier lorsqu'une sonnerie retentit dans tout le bâtiment avant d'être suivie par le bruit des élèves changeant de classe. Tout un univers qu'il aurait aimé connaître mais qui lui était passé sous le nez trois ans plus tôt. Involontairement, il porta la main vers son bras. Son tatouage le brûlait, comme une sorte de douleur fantôme.

La porte s'ouvrit lentement en face de lui et la tête d'Abigail apparut dans l'entrebâillement.

"Hey." Sa voix était minuscule. "Tu as attendu longtemps ?"

"Quinze, vingt minutes ?" Il sauta de son perchoir et s'approcha pour lui tenir la porte.

Elle se recula dans le couloir. Le garçon la scruta, se demandant comment elle avait pu être aussi rapide pour le rejoindre. Il était presque sûr que Tatiana lui avait dit que leurs cours magistraux se trouvaient un étage plus bas.

"Hum... Tania m'a rappelé que la salle six est plus calme pour discuter. Elle est un peu plus loin."

Alexandre haussa les épaules mais fit demi-tour pour récupérer son sac à dos avant de la suivre dans la foule des étudiants.

Il avait été surpris de recevoir un message de sa part pour lui demander de le voir au sein. L'avantage d'Alexandre était qu'il pouvait facilement se faire passer pour un étudiant qui aurait oublié sa carte pour entrer sur le campus. La demande d'Abigail n'était donc pas un problème.

Ils ne s'étaient pas revus depuis cette fameuse soirée. Il n'avait pas cherché à la contacter. En revanche, il s'était inquiété pour elle. Il ne s'était pas non plus torturé pendant une grande partie de sa répétition avec son groupe en repensant à son corps reposant contre le sien dans cette baignoire. Ou à la cicatrice qui courait à l'intérieur de sa cuisse et qu'il avait dû frôler en l'aidant à se changer avant de la mettre au lit. Il n'avait pas du tout failli révéler toute l'histoire en plein live lorsqu'un abonné lui avait demandé à qui était l'élastique qu'il avait au poignet.

Abigail semblait vouloir se fondre dans la foule encore plus qu'à l'accoutumé. Longeant les murs, elle semblait vouloir se faire toute petite en resserrant ses épaules et en gardant un bras croisé sur son ventre. Ses Converse couinaient sur le lino au sol, ce qui faisait se retourner certains des étudiants qu'ils croisaient.

En revanche, Alexandre était aussi persuadé que certains se retournaient simplement pour pouvoir la regarder plus longtemps. Et le jeune homme aurait bien été le dernier à leur jeter la pierre. Bien qu'elle soit toujours soutenue par sa canne, Abi semblait se déplacer presque normalement. Ce jour-là, elle portrait un gros sweat aux couleurs de son université ainsi qu'un short noir. Ses longues jambes étaient cachées par des collants masquant les cicatrices qu'Alexandre arrivait pourtant à deviner. Les longs cheveux roux de la jeune fille sautillaient, quant à eux, dans une queue de cheval fixée très haut sur son crâne.

Le garçon sourit en remarquant la cicatrice sur le côté droit de son cou. Il avait exactement la même mais sur le côté gauche. L'endroit où la ceinture de sécurité de sa voiture avait frotté si fort que la chaire en avait été brûlée.

C'était bien là la seule ressemblance entre eux deux. Alexandre devait bien faire une tête et-demie de plus qu'Abigail et, même s'il ne faisait rien pour se faire remarquer, il aurait été dur de le louper dans les couloirs de cette université. Sans être vraiment large d'épaules, le garçon devait tout de même s'écarter chaque fois qu'il croisait quelqu'un. C'est ainsi qu'il fut gratifié des ricanements de deux filles qu'il laissa passer.

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