PROLOGUE

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« Qui cache sa colère assure sa Vengeance »
Pierre Corneille






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Ambre - 13 ans










Lorsque j'étais enfant, j'étais persuadée que d'une manière ou d'une autre, la justice finissait toujours par triompher. J'étais certaine que le mal qui rongeait les entrailles de notre monde pouvait être décimé simplement parce qu'il était révélé au grand jour.

Mais force est de constater que lorsqu'une parole vaut moins qu'une autre, votre voix n'a aucune influence. On vous entend, mais personne ne vous écoute. Vous n'êtes qu'un léger friselis au milieu d'un vacarme où nul ne vous prête attention.

Aujourd'hui j'ai compris que cette justice que l'on nous vend avec tant d'ardeur depuis notre naissance n'est en réalité qu'une chimère. Elle a été créée pour donner de l'espoir à des victimes qui n'avaient en réalité aucune chance de gagner.

À l'instar du pouvoir, j'ai découvert qu'elle n'était accordée qu'à ceux qui avaient les moyens de se la payer. Il suffit de quelques billets colorés pour que l'on détourne le regard de votre corps tuméfié, puisqu'a la fin de la journée, si votre vie - votre intégrité - ne vaut pas plus que leur réputation, on vous laissera à l'agonie.

Je l'ai compris, parce que je suis sur le point de mourir.

La cupidité de l'Homme est telle qu'on préfère vous regarder crever plutôt que de vous tendre une main par-dessus le précipice dans lequel vous êtes en train de chuter.

Si la corruption est le chemin vers la réussite et l'argent son moteur, alors ceux à son service ne sont que les pantins articulés d'une entité qui les surpasse. Je suppose que mon père a été assez stupide pour croire qu'il pouvait gagner contre plus puissant que lui. Auquel cas, aucun de nous ne serez en train de se noyer dans son propre sang, la peau tailladée et pleine de contusions au milieu de notre propre salon.

Jonathan Benet s'est mesuré au diable ce soir, et il a perdu.

J'ai si mal à la poitrine que je ne sens même plus le froid glacial de l'hiver me morde l'épiderme à travers la fenêtre brisée.

À votre avis, combien de temps peut mettre un cœur brisé avant de s'arrêter ?

Le goût âcre de mon sang continue de glisser entre mes lèvres à mesure que les coups s'abattent contre mon estomac, colorant d'une teinte vermeille l'ivoire immaculé du carrelage.

J'ai toujours cru que je ferais de grandes choses dans la vie, comme découvrir un vaccin contre le sida ou aller dans l'espace, mais il semblerait que la vie a décidée de me couper l'herbe sous le pied avant même que j'ai atteint la majorité. Tout ça parce qu'un homme qui se prend pour Dieu a décidé que notre vie lui appartenait.

J'essaye d'ouvrir les yeux pour croiser le regard de mon père et le supplier de faire tout ce que cet homme voudra, mais j'ai si mal que je n'y arrive pas sans hurler. Ma voix est bloquée dans ma trachée.

Tout ira bien, pas vrai ? Papa va nous sauver.

Une voix rauque gronde contre les murs du salon silencieux. Ma bouche se tord avec difficulté dans une grimace de dégoût lorsque j'aperçois le visage de notre bourreau à travers les rayons de la lune qui percent par la fenêtre.

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant