Chapitre 7

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Une fois de retour à l'auberge, le professeur Gowther avale en vitesse son repas, puis part s'enfermer dans sa chambre, recommandant à ses domestiques de ne pas veiller trop tard : ils retournent aux ruines tôt le lendemain.

Izuku et Katsuki se retrouvent donc seules au rez-de-chaussée de l'auberge, le silence de la nuit à peine troublé par les grillons les enveloppant rapidement.

Juste une bougie mourante les éclaire encore.

L'aubergiste a été prévenu que son trio de clients irait et viendrait sur des créneaux tardifs, aussi ils n'ont pas à s'inquiéter qu'ils les dérangent.

Ce laxisme a surpris le sang-mêlé Démon, dans un premier temps, mais son camarade lui a expliqué qu'ils se trouvaient dans une des régions les plus calmes et sûres du pays, aussi les gens sont assez peu soupçonneux.

« Dit, Katsuki... »

« Quoi ? »

« Je suis curieux... »

« Oui. »

« ...Comment était ta vie... avant ? Je veux dire : quand tu étais avec ta m... avec la Mater ? C'était... bien ? »

Les pupilles rubis du plus grand se perdent un instant dans celles d'émeraudes de son compagnon, puis il soupire en souriant.

« Le tact, tu connais ? »

Les joues d'Izuku virent à l'écrevisse sous le coup de la honte.

« ...La Mater m'a traité absolument comme tous les autres : comme l'un de ses propres enfants. Elle m'a sommairement appris à lire, elle m'a soumis à toute sorte d'exercices pour me muscler, elle a été dure et sévère la plupart du temps, mais elle a amoureusement pris soin de moi quand j'en avais besoin... Et bien qu'elle se soit avérée être la pire des enfoirées, elle reste pour moi celle que j'ai appelée "maman"... J'ai une tripotée de frères et sœurs, avec qui j'ai vécu, grandi, mangé, joué, me suis souvent bagarré... J'étais à la fois triste et content pour eux, quand certains partaient... La Mater nous disait qu'ils étaient devenus suffisamment grands pour avoir trouvé du travail ou qu'une famille plus aisée les avait adoptés, pour les plus jeunes ! »

Il crache une bardée de jurons inconnus d'Izuku, tellement ils sont grossiers ou d'origines argotiques !

« ...Pourtant, malgré tous ces mensonges qui souillent mes souvenirs... je ne peux pas ne pas être nostalgique de cette époque. J'étais... heureux. Je crois que je n'ai pas un seul vrai mauvais souvenir de ce temps... À part les moments où la Mater nous parlait de Launique. Ça, je détestais ça. »

« Pourquoi ? »

Le vert a une idée de la raison, mais il veut l'entendre.

« Sérieux ? Il faut être fou ou complètement con pour penser que Launique est une bonne déesse... C'est la putain de déesse de la mort, qui veut détruire le monde ! Et les Centaures ont un sérieux problème de la vénérer ! »

« Pour eux, la vie n'a pas de sens, c'est pourquoi il faudrait en profiter à fond... c'est leur philosophie. Une philosophie tordue, je te l'accorde, mais c'est la leur. »

« Une philosophie qui leur autorise le pillage, le vol, le meurtre, le trafique, l'esclavagisme... Je ne suis pas un saint, loin de là, mais moi ça m'a toujours déplu cette mentalité ! »

Un silence répond à son emportement.

Izuku partage bien sûr son avis, mais il se dit qu'il n'y a pas grand-chose à y faire. Le monde est ainsi fait... Un jour, Launique gagnera, c'est écrit dans le livre du destin, et l'on ne peut que retarder l'échéance.

C'est défaitiste de penser ça, mais c'est ainsi...

Il sursaute quand la main de Katsuki frappe soudainement le bois de table !

« J'ai envie de parler d'autre chose ! Et toi, c'était quoi ta vie, avant de te faire acheter par le prof' ? Y a pas de raison que je sois le seul à raconter ma vie. »

« Eh bien... il n'y a pas grand-chose à dire, en vérité. Mon plus vieux souvenir est une cage et de la neige. Je ne me rappelle que vaguement d'avoir eu des parents. J'ai été attrapé par un Centaure esclavagiste et ses Halfelins de mains, qui ont entrepris de me faire descendre de la montagne où ils m'ont trouvé... je me souviens avoir tenté à plusieurs reprises de m'enfuir, mais je n'allais jamais loin. Je ne sais plus trop ce qu'il s'est passé entre ce moment et celui où je me suis retrouvé au marché des esclaves. Je n'avais plus d'espoir d'être sauvé à ce moment-là... »

« Mais tu as eu de la chance de tomber sur Gowther. »

« Oui. »

Izuku essuie une larme qui a perlé au coin de ses yeux.

« Pardon d'être aussi sensible. » s'excuse-t-il.

« Je te trouve courageux, moi. » le coupe le blond, à la grande surprise de son camarade.

Le vert replonge ses émeraudes dans les rubis du blond, sans trop savoir comment il doit réagir à ce compliment inattendu.

« ...merci. »

« De rien. »

La bougie s'est pratiquement complètement consumée à présent. C'est tout juste s'ils peuvent se distinguer mutuellement dans l'obscurité.

À se demander comment leurs lèvres se trouvent avec timidité.

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