II)Pertes

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Je me levai alors brusquement, complètement abasourdi et estomaqué de l'incroyable événement qu'il venait de se passer, j'étais debout au plein milieu de ma chambre, les yeux complètement écarquillés. C'est comme si l'espoir et l'enthousiasme avaient succedé a la douleur et a la fatigue. Alors, tout excité, je voulus tester ce tout nouveau pouvoir sur des objets plus lourds et plus grands. Mais avant, je regagnai en lucidité lorsque je vis la tasse explosée sur le sol qui manqua de peu de me blesser le pied. Je pris la balayette et ramassa les fragments de porcelaine. Mais la tentation regagna mon esprit: je vis ma guitare posée sur un piédestal et ne pus m'empêcher de vouloir tester ce pouvoir sur l'instrument, mais certainement pas avant m'être habillé!

Je m'habillais alors avec un jean troué de fortune et un tee-shirt blanc décousu à l'épaule. Une chose, un détail fit changer brusquement mon état d'esprit. Je scrutais mon armoire de long en large, dans le but de trouver un vêtement pour me tenir au chaud, car je ne suis pas comme certaines personnes qui peuvent tenir en tee-shirt un mardi 16 janvier. Je cherchais longuement jusqu'à ce que je tombe sur un vieux coffret, j'ouvris alors le coffret en bois et mon sourire se renversa, mon teint devint couleur pourpre et de mon œil droit coulait lentement une larme venant mourir sur ma joue abîmée. Il se trouvait dans ce coffret, une ancienne veste noire avec un croissant de lune blanc cousu sur la poitrine, cette veste était à mon père, c'est tout ce qu'il me reste de lui. Il est décédé il y a 8 ans maintenant. J'étais si jeune, j'ai a peine pensé a lui, a ses traits du visages, a ses traits de caractères que je fondis en larmes. Il était vraiment tout pour moi. Je l'ai perdu, et je me suis perdu avec lui. Je donnerais tout pour le revoir à mes côtés, mais je l'ai perdu... pour toujours.

J'enfilai alors ma veste et je ne saurais dire comment, elle m'a redonné espoir, comme si mon père, a travers ce tissu, me disait de regarder en avant, c'était très étrange, mais rassurant. Alors je me decidai de me lever, de fixer ma guitare, et, de toutes mes forces, je me concentrai. Malheureusement, la guitare ne se leva pas d'un centimètre, alors je reessayais, encore et encore et encore... Toujours rien. Je posais alors mon index et mon majeur sur ma tempe, comme par réflexe, par instinct, et alors je vis l'objet léviter, à l'image de la tasse de café et du stylo quelques minutes plus tôt. Je tentai de rapprocher la guitare vers moi mais après quelques secondes je sentis une vive brûlure incendier ma poitrine et mon front. De douleur, je fis tomber ma guitare sur le sol, provoquant un son tonitruant

"C'était quoi ça Luke?" demanda ma mère d'une voix fatiguée

"Rien m'man! je suis juste tombé" lui repondis-je

"Et il y a quelques minutes c'était toi Luke? ça m'avait l'air d'une tasse, t'as rien cassé?"

"Non non m'man c'est bon, tu as du rêver! tu dois te reposer je pense"

"D'accord mon lapin" conclua gentiment ma mère

"Ne m'appelle plus jamais comme ça!" Repondis-je durement

A peine cela dit, des ronflements sonnaient dans toute la maison, alors je pouffais de rire, mais pas longtemps, je me sentais partir, mes oreilles bourdonnaient et je voyais trouble, mes jambes flechissaient et tremblaient. j'avais froid, et c'était pas du a la météo très avantageuse de Birmingham, en fait ça venait de l'intérieur. Sans pouvoir faire quoi que ce soit, je tombai lourdement sur mon matelas et perdis connaissance. Et je dormais... dormais... dormais...

Il est maintenant 7 heures et demi, je me demandais ce qu'il se passait et pourquoi j'avais dormi aussi longtemps, puis je me rappellai. Je me leva précipitamment de mon lit pour m'habiller.

"Quel idiot!" dis-je, "je suis déjà habillé!"

Alors je profitais du petit temps qu'il me restait pour réviser mes leçons de biologie.

A 7 heures 45, je partis de la maison, avec mon lourd sac sur mon dos arqué. Je souhaitai alors une bonne journée a ma mère

"Bonne journée m'man!"

Aucune réponse ne se fit entendre, et a vrai dire je ne fis pas plus surpris que ça: le mercredi était le jour de repos de ma mère, en plus elle est un peu malade, ce qui lui a forcé à rester cloué au fond de son lit ces derniers jours. Elle doit sûrement dormir. Alors je montai pour être sur et en effet, elle dormait, toujours avec un teint pale et des yeux marqués par des cernes noires. Je vis l'heure filer, et je courus vers l'arrêt de car de Quinton, sous un ciel un petit peu plus clément que l'avant veille.

J'arrivai essoufflé a l'arrêt de car, et même si le temps était plus clément, j'ai très vite compris que Zack, Stefan et David ne l'étaient pas. A la seconde ou je les ai vu, j'ai rangé avec hâte la veste de mon père. Je vous passerai les détails de la bagarre car certaines personnes peuvent être trop sensibles mais concrètement j'étais en piteux état

"On remet ça a demain?" demanda David après m'avoir massacré.

"Non merci ça va aller" repondis-je

"C'était pas une question, loser!" conclua-t-il en ricanant

la veste de mon père était épargnée, elle qui était sagement rangée dans mon sac à dos.

La journée se poursuit un petit peu a l'image de celle de lundi, c'est a dire très mal.

Il est 16 heures et demi, plus que 10 minutes... 5 minutes... 1 minute...

Dring!

Un déluge d'élèves descendit en courant vers le centre d'Hillcrest. J'étais presque parti lorsqu'une main m'attrapa par le col.

"Tu crois t'en tirer comme ça?" grogna Mr Byrne

"Euh... non... je...euh"

"3 heures de colles pour avoir seché les cours de la journée d'hier"

"3 heures?!!" m'exclamais-je confus

"C'est la règle" me répond sévèrement Byrne "Maintenant retourne dans ton appartement moisi avant que je repense à ta sentence!"

Je rentrais alors chez moi totalement dévasté vers la Quinton Street par l'itinéraire habituel.

Quand je rentrais chez moi, des larmes commencèrent à ruisseler sur mes joues, je ne sais pas si c'est le reflet de la tristesse que j'éprouve pour mes heures de colles, ou pour la joie de rentrer chez moi.

"Coucou Maman, je suis rentré!" criai-je

Aucune réponse.

Je montai en courant les vieilles marches grinçantes de l'escalier en bois jusque dans sa chambre. Elle dormait toujours, d'un sommeil profond. Je m'approchai pour l'embrasser sur la joue.
Je ressentis une froideur cadaverique, la tendresse que j'éprouvais s'est transformée en angoisse. Je retirai brusquement sa couverture, je pris son pouls, un sanglot m'echappa.

Elle était morte.




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