IV) Mr Shankly

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Complètement choqué par la découverte que je venais de faire, je fis un pas en arrière, un profond sentiment de confusion et d'incompréhension s'emparait de moi.  j'étais sûr que ce croissant de lune cousu sur ce drap n'était pas présent a l'origine, et c'est d'autant plus troublant que ce même croissant était présent dans mon rêve étrange de la nuit passée. Je rentrais alors dans ma chambre dans l'obscurité, puis j'allumai la lumière clignotant à moitié dans ma petite chambre, elle clignota pendant quelques secondes avant que l'ampoule ne crame définitivement. A moitié endormi, je fixais la veste noire ayant appartenu à mon père. Je fis un bond de sursaut lorsque je fis le rapprochement, le croissant de lune est le même partout, il y a forcément un lien entre la mort de ma mère et celle de mon père, c'est sûr.

Je devais élucider ce mystère, pour le respect et l'honneur de mes parents. Certes cette nuit là je devins orphelin, je perdis une des seules personnes en qui j'avais réellement confiance, mais je savais qu'un nouveau chapitre de ma vie allait commencer, celui ou je cesserai d'être faible, celui où j'éprouverai enfin de la fierté, celui ou je serai amené à résoudre le mystère de l'étrange mort de mes deux parents. Là ou je croyais que ma vie allait se terminer, elle ne faisait sans doute que commencer. Je repris espoir.

Un sourire naquit sur mon visage et mes yeux bouillonnaient de détermination, les quelques larmes qui continuaient de couler sur mes joues lacérées séchaient.

Je vis alors le croissant de lune cousu sur la veste noire scintiller dans la nuit noire. Je me tournai alors brusquement vers la chambre de ma mère, une lueur énigmatique avait attiré mon attention, je franchis alors le couloir séparant les deux pièces, et miraculeusement je vis le croissant de lune brodé sur le drap de ma mère scintiller.

Alors même si ils n'étaient plus là, je veux dire physiquement, je savais que d'en haut mes parents me regardaient bienveillants, et je savais qu'ils me guideraient pour toujours.

"Papa, maman, je vous aime" dis-je ému.

Alors, comme a chaque fois que je sens perdre le contrôle de mes émotions, je pris ma guitare électrique de la marque Hagstrom, je branchai la guitare a l'amplificateur, puis je commençai à jouer quelques accords.

Seulement au bout de 5 minutes, j'entendis entre deux notes des bruits de tapement dans le mur. Puis j'entendis une voix masculine.

"La ferme!" dit l'homme

"Fous moi la paix!" dis-je énervé et prêt a en découdre

J'entendis toquer à ma porte quelques minutes plus tard...

"Entrez!" criai-je

La porte s'ouvrit et devant moi se tenait un très grand homme, avec des cheveux blancs sur le sommet de son crâne dessinant une couronne, représentative de son âge avancé. Il avait le visage fermé, les yeux cernés et la mâchoire très carrée. Trois rides se battaient en duel sur son front. Il avait les sourcils épais et froncés. 

"Tu te prends pour qui sale vermine? Tu as vu l'heure? J'imagine que les garnements comme toi ne vont pas à l'école!" 

je lisais alors de loin la pendule du salon, 6 heures et demi étaient indiqués.

"Oh excusez moi monsieur, c'est juste que..."

"Je ne veux rien savoir!" m'interrompit-il sèchement, "la prochaine fois que t'entends a des heures pas possibles, tu auras de gros ennuis"

"Entendu monsieur Shankly!" 

Il partit d'un pas décidé vers la maison mitoyenne à la mienne en râlant quelque chose d'incompréhensible.

"Et pour votre gouverne Mr Shankly, je suis scolarisé à Hillcrest, le même établissement ou vous travailliez il y a quelques dizaines d'années"

le septuagénaire était déjà parti, alors je remontai en courant les marches de l'escalier grinçant, j'ouvris mon classeur de sciences et je révisais mon cours pour la journée.

Mon réveil ne tarda pas a sonner, il était 7 heures et demi. Je me redressai et me levai de ma chaise de bureau. Je descendis comme tout les matins pour manger le traditionnel bol de corn flakes pour me rationner pour la journée à venir.

"Vaut autant bien manger quand on est prédestiné à se faire frapper" dis-je sarcastiquement à voix basse.

Je montais dans ma chambre après avoir terminé mon petit déjeuner, puis je m'habillais avec un vieux pantalon a rayures, un polo manches longues rouge bordeaux, un pull blanc troué au coude et, pour terminer, la veste noire dont j'ai hérité de mon père. Avant de partir, j'entrai dans la chambre de ma mère

"Bonne journée maman!" dis-je

alors je vis le petit motif de son drap blanc immaculé scintiller en guise de réponse, un sourire emplit d'espoir se dessina sur mes lèvres et je partis précipitamment de ma maison, tellement précipitamment que je renversa une chaise, qui renversa une pile de vêtements, qui renversa ma guitare. Je venais à peine de sortir de la maison lorsque j'entendis un bruit tonitruant venant de ma chambre, et plus précisément de l'amplificateur qui demeurait allumé

"Et merde!" jurai-je

Presque instantanément, je vis Monsieur Shankly sortir tout rouge de sa maison, il traversa le jardin menant à ma maison. Au même moment, je courus le plus vite possible pour l'éviter et surtout pour rejoindre mon bus quelques mètres plus loin.

Ma journée s'est bien passée, et c'est assez rare pour être souligné, déjà je n'ai pas croisé les trois gros bourrins de l'arrêt de bus, et ce détail refit ma journée. Certes on a encore volé mon goûter, certes on m'a encore insulté de pauvre, de salaud et d'à peu près toutes les insultes possibles et inimaginables jusqu'à mes sanglots, certes on m'a encore frappé jusqu'au sang, mais c'était pas si terrible comparé aux autres jours. J'espérai quand même un arrêt définitif du harcèlement que je subissais, mais j'imagine qu'il faut que j'attende encore. 

Je regagnai alors la ligne de bus Birmingham-Ouest/Quinton, et le bus me déposa devant la Quinton street, la rue ou j'habitais. J'avançai tranquillement dans la Quinton street sous le ciel froid de Birmingham et je perçus au loin deux voitures de police, stationnées sur un parking. J'accélérai le pas, pressentant quelque chose de mauvais, de très mauvais. J'ouvris la porte de la maison et, comme par habitude, gravis les marches en bois du vieil escalier pour m'avachir sur mon lit. Je me sentis observé, alors je me retournai

"Regardez qui voilà" dit Monsieur Shankly derrière moi

Il était encadré par deux officiers de la police, et derrière eux se trouvait le corps de ma mère

"Tu n'as pas quelque chose à avouer?" me questionna Monsieur Shankly d'un air malicieux.





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