Luffy et la fourchette magique

188 13 15
                                    

Bien loin dans la mer, l'eau est bleue comme les fleurs de bleuets, pure comme le verre le plus transparent, mais si profonde qu'il serait inutile d'y jeter l'ancre, et qu'il faudrait y entasser une quantité infinie de tours d'églises les unes sur les autres pour mesurer la distance du fond à la surface.

C'est là que demeure le peuple de la mer. Mais n'allez pas croire que ce fond se compose seulement de sable blanc ; non, il y croît des algues comme des arbres, et si souples, que le moindre mouvement de l'eau les fait s'agiter comme s'ils étaient vivants. Tous les poissons, grands et petits, vont et viennent entre les branches des coraux comme les oiseaux dans l'air. À l'endroit le plus profond se trouve le château du roi de la mer, dont les murs sont de corail, les fenêtres de bel ambre jaune, et le toit de coquillages qui s'ouvrent et se ferment pour recevoir l'eau ou pour la rejeter. Chacun de ces coquillages referme des perles brillantes dont la moindre ferait honneur à la couronne d'une reine.

Le roi des mers avaient trois fils : Ace, le premier, Sabo, le deuxième, et Luffy, le dernier. Chacun des princes avaient dans le jardin son petit terrain, qu'ils pouvaient cultiver selon son bon plaisir. L'un lui donnait la forme d'une baleine, l'autre celle d'un poisson ; mais le plus jeune fit le sien rond comme le soleil, et n'y planta que des fleurs rouges comme lui. C'était un enfant bizarre. Lorsque ses frères jouaient avec différents objets provenant des bâtiments naufragés, il s'amusait à parer une jolie statuette de marbre blanc, représentant un charmant petit garçon. Son plus grand plaisir consistait à écouter des récits sur le monde où vivent les hommes. Toujours il priait son vieux grand père de lui parler des vaisseaux, des villes, des hommes et des animaux.

Il s'étonnait surtout que sur la terre les fleurs exhalassent un parfum qu'elles n'ont pas sous les eaux de la mer, et que les forêts y fussent vertes.

Il ne pouvait pas s'imaginer comment les poissons chantaient et sautillaient sur les arbres. Le grand père appelait les petits oiseaux des poissons ; sans quoi il ne se serait pas fait comprendre.

« Lorsque vous aurez dix-sept ans, dit le grand père, je vous donnerai la permission de monter à la surface de la mer et de vous asseoir au clair de la lune sur des rochers, pour voir passer les grands vaisseaux et faire connaissance avec les forêts et les villes. »

L'année suivante, l'aîné des frères allait atteindre sa dix-septième année, alors le plus jeune devait encore attendre trois ans pour sortir du fond de la mer. Mais l'un promettait toujours à l'autre de lui faire le récit des merveilles qu'il aurait vues à sa première sortie ; car leur grand père ne parlait jamais assez, et il y avait tant de choses qu'ils brûlaient de savoir !

Le plus curieux, c'était certes le plus jeune ; souvent, la nuit, il se tenait auprès de la fenêtre ouverte, cherchant à percer de ses regards l'épaisseur de l'eau bleue que les poissons battaient de leurs nageoires et de leur queue. Il aperçut en effet la lune et les étoiles, mais elles lui paraissaient toutes pâles et considérablement grossies par l'eau.

Lorsque quelques nuages noirs les voilaient, il savait que c'était une baleine ou un navire chargé d'hommes qui nageait au-dessus d'eux. Certes, ces hommes ne pensaient pas qu'un charmant petit sirin étendait au-dessous d'eux ses mains blanches vers la carène.

Le jour vint où le prince aîné atteignit sa dix-septième année, et il monta à la surface de la mer.

À son retour, il avait mille choses à raconter. C'était le plus hardi, aussi il remonta le cours d'un large fleuve. Il vit d'admirables collines plantées de vignes, de châteaux et de fermes situés au milieu de forêts superbes. Il entendit le chant des oiseaux, et la chaleur du soleil le força à se plonger plusieurs fois dans l'eau pour rafraîchir sa figure. Jamais il ne put oublier les superbes forêts et les collines vertes.

Raconte-moi une histoire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant