Une fois de plus, Katerina se réveilla dans un bond, trempée de sueur et quelques boucles brunes collées sur son front ruisselant.
Elle regarda autour d'elle en dégageant son visage d'une main tremblante, cherchant l'origine du bruit qui l'avait tirée de son sommeil maisil n'y avait personne. Elle était seule et le silence régnait dans la minuscule chambre qu'elle occupait depuis quelques mois déjà.
La pièce sombre était seulement meublée d'un lit simple avec une monture en acier et une commode rudimentaire en bois abritant le peu d'objets personnels dont elle pouvait disposer, comme son vieil album photo de famille et la montre en or que sa mère lui avait offerte lors de son dix-huitième anniversaire, même si elle ne fonctionnait plus depuis bien longtemps.
Quelqu'un toqua à la porte de sa chambre et une tête blonde souriante apparut par l'encadrement.
-Bonjour jeune endormie ! s'exclama Maria, l'infirmière affectée à ce couloir du bâtiment pour le tour de jour. C'est l'heure de se lever.
Katerina hocha la tête en étouffant un bâillement et se leva avec difficulté de son lit de fortune. Prendre l'air ne lui ferait pas de mal après la nuit qu'elle venait de passer avec des cauchemars en tous genres. Elle s'habilla rapidement de son uniforme composé d'un tee-shirt blanc délavé et d'un pantalon sans forme bleu clair, puis réunit sa longue chevelure emmêlée en une couette approximative. Elle s'attarda un instant sur son reflet dans le vieux miroir fissuré ; des cernes soulignaient ses yeux noirs en forme de biche et ses paupières étaient lourdes de fatigue. Ses lèvres pulpeuses gercées lui étaient douloureuses et son teint, autrefois hâlé, tirait désormais vers le gris. Si elle était auparavant une belle femme, elle ressemblait maintenant davantage à un mort-vivant.
Elle soupira longuement et rejoignit Maria qui l'attendait toujours devant la porte de sa chambre. Elles marchèrent ensemble jusque dans le jardin arrière où un groupe de personnes comprenant quelques autres patients et du personnel médical semblaient les attendre, réunis autour d'une table de pique-nique sous le grand chêne qui dominait le paysage urbain. Elle détestait cet endroit ainsi que ses occupants. Maria l'entraîna vers le groupe qui fêtait manifestement quelque chose. Elle ne savait même plus quel jour il était mais le gâteau qui trônait au milieu de la table lui en donna une vague idée. C'est quand elle arriva à leur hauteur qu'ils s'écrièrent tous d'une même voix :
-Joyeux anniversaire Katerina !
La jeune femme s'obligea à feindre un sourire timide ; la majorité des personnes autour d'elle pouvait se montrer parfois quelque peu susceptible. Le plus difficile fut de retenir ses larmes en réprimant ses pensées amères. Croyaient-ils vraiment qu'elle serait enthousiaste à l'idée de fêter son anniversaire ici ?
-Ce n'est pas tous les jours que l'on fête ses vingt-cinq ans ! Un quart de siècle, nous avons voulu marquer l'occasion. Fais un vœu et souffle la bougie, dit le docteur Bernardo López, son psychiatre depuis ces derniers mois.
Ses yeux bleus exprimaient un esprit vif, même si ses cheveux blancs comme de la neige trahissaient son âge avancé. Tout dans son attitude et sa façon de se tenir laissait deviner qu'il jouissait d'une grande intelligence.
Lorsqu'elle posa les yeux sur lui, Katerina se figea quelques secondes, les yeux écarquillés de terreur. Cependant, elle se ressaisit aussitôt en secouant la tête, s'approcha du gâteau et souffla sur la petite flamme qui trônait au milieu. Elle pouvait s'abstenir de faire un vœu. Ce « Dieu » dont tout le monde parlait faisait la sourde oreille à toutes ses prières, pourquoi changerait-il ses habitudes aujourd'hui ?
Le reste de la journée se déroula comme tous les autres jours. Katerina s'était promenée pendant une heure dans le jardin sous la surveillance d'un infirmier pour profiter du temps radieux avant de rejoindre les autres résidents dans la cafétéria pour le déjeuner. Elle passa ensuite l'après-midi à l'atelier de peinture puis à la session de groupe où elle ne décrocha pas un mot comme à son habitude. En début de soirée, elle se rendit au bureau du docteur López pour son heure de thérapie. Si elle n'était pas déjà folle, cette routine s'en chargerait pour elle.
VOUS LISEZ
Psychose: La liberté a un prix
Misteri / ThrillerCela fait plusieurs mois que Katerina Esquinas est enfermée à l'hôpital psychiatrique Miraflores à Séville (Espagne) quand elle est prise en charge dans d'étranges circonstances par Enzo Garcia, son nouveau psychiatre. Celui-ci tentera de gagner sa...