2.Graine

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Sans m'y attendre, je vois ton visage se tourner vers le mien, et tes yeux me sourire.

À cet instant précis, tu redeviens la petit Pomme que tu étais alors, toute heureuse de m'accompagner quand j'allais chercher le pain à l'autre bout du village ; la petite Pomme qui me regardait avec toute l'admiration qu'une enfant peut ressentir pour son père ; celle qui criait mon nom en traversant la cour pour me sauter dans les bras quand je revenais de ma journée ; celle qui affirmait ne rien faire alors que je la retrouvais montée sur un fauteuil, face à la cheminée, dévorant la boîte de chocolat à l'orange, le visage barbouillé de brun, me regardant d'un air innocent ; celle qui aimait les noix que je lui faisait goûter mais refusait d'en goûter d'autres ; la petite Pomme qui revenait de l'école les poches pleines de cailloux et les genoux écorchés ; celle qui me racontait sa journée en prenant son en-cas du soir et me sermonnait quand je n'écoutais pas ; et celle qui attendait que je vienne la voir le soir, dans son petit lit, pour lui caresser le visage et lui conter une histoire, avant de fermer ses petits yeux fatigués et de sombrer dans le sommeil rêveur d'une petite fille de 6 ans.

Petite Pomme que tu étais, toujours joyeuse et soucieuse de faire bien, curieuse et passionnée, à présent tu me regardes avec des yeux déterminés, le visage grave tâché de terre, un sourire qui se veut rassurant mais qui me perce le cœur.

Ce n'est plus la petite fille que j'ai vu grandir qui se dresse devant moi. À présent, c'est une jeune fille, devenant femme, adulte sans l'être encore tout à fait.

Tu ressemble encore à une enfant, frêle, innocente et qui me paraît si fragile. Pourtant, tes yeux assombris par ce qu'ils ont vu, brillent d'une lueur nouvelle. Ton cœur n'est plus aussi pur et serein qu'il l'était alors. Brisé tant de fois, il s'est affermi et ne perd plus espoir.

Tu y crois encore, tu veux te battre. Et je ne peux rien faire pour t'en empêcher, bien que chaque cellule de mon corps me hurle de t'arrêter. Je suis obligé de me l'avouer : tu as grandi.

Gilbert et la PommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant