3.Racines

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"Gilbert, tu vas être père."

Je me souviens encore du bonheur bouillonnant que j'ai ressentit quand ces mots me sont parvenus. Le monde autour de moi s'est évanoui le temps d'une seconde, m'aveuglant d'une lumière blanche presque divine, ces quelques mots ont continué à résonner dans ma tête, les lettres s'emmêlant en un concert de sons infini, et j'ai levé la tête vers le ciel comme si je ne l'avais encore jamais vu.

Je l'ai contemplé ce ciel si bleu et je l'ai remercié comme jamais je n'ai remercié personne.
L'instant d'après, j'étais devant toi, petit être bourgeonnant à peine vivant encore. Et je t'ai tenu dans mes mains, tu tenais sur mon bras.

C'est à ce moment-là que j'ai réalisé l'ampleur de ce que j'allais vivre, la plus belle de toutes les expérience qui puisse exister sur Terre : être père.

Je me sentais gonflé d'une fierté revigorante dont je ne pouvais avoir honte. Je voyais le chemin de ma vie prendre un nouveau tournant, un virage serré aux allures brumeuses qui m'avait tant effrayé à une époque, et qui maintenant m'apparaissait comme le plus heureux et le plus ensoleillé des chemins caillouteux qui parcourent la terre.

Je t'ai vu hurler en venant au monde, serrant tes petits poings rouges et tes yeux clos qui n'avaient encore jamais rien vu. Je t'ai regardé gravir le ventre encore rond de ta mère, rassemblant toutes tes forces pour atteindre ce lait de vie si nourrissant. Je t'ai observé pendant ton premier repas, ta faim vorace et tes petites mains déjà vigoureuses, couchée sur le torse vallonné de celle qui, jadis, a été ton hôte.

Je t'ai beaucoup regardé, osant quelque fois te prendre dans mes bras tremblants, meurtri de peur à l'idée de nuire à un être aussi petit et aussi fragile.

Et chaque fois que je sentais ton petit corps chétif contre le mien, mon cœur se mettait à battre si fort que je craignais de voir ses palpitations te réveiller. Et je sentais le tien, minuscule et pourtant si vivant, qui s'accordait au mien, dans un rythme fusionnel. Et je te sentais respirer, tes poumons se gonfler d'air malgré leur si petite taille. Et je te voyais vivre, toi qui deviendra plus tard, ma petite Pomme.

Gilbert et la PommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant