7. Fleur

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"Les monsieur en vert", comme tu les appelais, s'étaient installés dans le village et de nombreuses restrictions avaient été mises en place. 

Et du haut de tes 12 ans, tu assistais à ce spectacle désolant sans rien pouvoir y faire. Tu ne comprenais pas tout, bien sûr, mais tu réalisais l'importance des événements. Tout ce que je voulais éviter. Je ne voulais pas que tu te sente concernée, et que tu souhaites y prendre part. Mais je n'ai pas pu t'en empêcher. 

J'ai échoué. 

Un jour, tu es venue me voir, déterminée et tu as plongé tes yeux dans les miens, avec tout le sérieux du monde. Et tu m'as dit : 

"Papa, je veux partir avec toi. Je veux mener des missions. Moi aussi je veux me battre."

Si tu savais comme ces mots m'ont terrifié. 

"Non" ai-je alors répondu aussitôt, prit par la panique. 

Tu n'as pas détourné le regard. Pleine d'assurance, tu as répondu : 

"Je ne veux pas rester à la maison sans rien faire alors que tu pars te battre."

Ce que tu ignore, ma petite Pomme, c'est que je me bat pour toi et uniquement pour toi. Pour t'offrir un monde en paix, sans guerre ni effusion de sang, un monde libre où tu pourras t'épanouir loin de telles horreurs. 

"Papa, apprends moi à me battre."

Je n'aurais jamais cru devoir entendre ces mots un jour et y faire face. 

"Non".

Tu n'as pas abandonné pour autant. Et je savais que, quoi que je fasse, tu ne lâcherais pas l'affaire. 

Alors j'ai cédé. Je regrette encore aujourd'hui ma lâcheté qui t'entrainera si loin, à l'opposé de ce que j'imaginais pour toi : un monde en sécurité, en paix, où tu serais heureuse. 

J'ai vu ma petite fille, ma si petite Pomme, tenir dans ses mains innocentes, un révolver. Je t'ai vu tirer, recopiant mon exemple, et atteindre des cibles de paille et de bois, avec une hargne effrayante. 

Toutes mes valeurs s'effondraient. Le rôle de père qui m'avait été donné, s'effritait à mesure que tu progressais. Je t'apprenais à te battre et te défendre contre une menace, qu'il était de mon devoir d'éradiquer. 

Je n'ai pas pu te protéger. Et voilà que maintenant, je t'enseignais comment le faire par toi-même. 

Je me rend compte aujourd'hui que j'étais si aveuglé par la honte et les remords que je n'ai pas vu tes progrès, objets d'une fierté que je me refuse à admettre. Je ne pouvais pas être fier de voir ma Pomme, à peine adolescente, manier les armes et y mettre autant d'entrain. 

Étais-tu vraiment contente te savoir tirer ? C'est ce que je croyais lire dans tes yeux.
Bien sur, je me trompais.

Gilbert et la PommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant