10. Pistil

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Un coup de feu retentit. J'entend encore le son sec se répéter dans le vent.

Mon cœur s'arrête.

Mes jambes flageolent et peinent à me soutenir.

Instinctivement, je me met à courir. Peu m'importe le danger, peu m'importe que la mission échoue par ma faute. Tout ce qui m'importe c'est de rejoindre ma Pomme.

Je ferme les yeux tout en accélérant et marmonne des prières au ciel.

Le coup de feu à retentit à l'endroit précis où j'avais fait promettre à la Pomme de rester cachée.

Mon poul n'a jamais été si rapide, mon ventre n'a jamais été si noué et les larmes ne sont jamais venues si facilement à mes yeux. Je n'ai jamais eu aussi peur.

J'arrive bientôt à l'épais bouquet de buis qui devait lui servir de cachette, juste derrière le camion de marchandises à l'arrêt. Je ralenti en longeant le large véhicule et arrive enfin à l'origine du coup de feu.

Les larmes dévalent soudainement mes joues rougies par la course. Mon ventre se relâche tout à coup, traversé par une vague ondulante qui me fait frissonner.

Ma Pomme est là, debout, les bras tendus en avant, un revolver fumant serré dans ses mains tremblantes.
Elle ne bouge pas, les yeux terrifiés, rivés sur le corps inanimé d'un soldat vêtu de vert, étalé dans la poussière.

Je me jette sur elle et la serre si fort dans mes bras que son corps se fond dans le mien.
À nous deux, nos yeux déversent des torrents de larmes.
De peur, pour elle. De soulagement pour moi.

Ma Pomme va bien, elle respire, son cœur bat et son sang coule encore dans ses veines.
Ma Pomme est là, terrifiée par l'atrocité de son geste, oui, mais elle est vivante.
Elle s'est défendue, comme je lui avais appris.

Mais cela n'a plus aucune importance à présent. Tout le reste ne compte plus. Je peux encore sentir ma Pomme respirer entre mes bras, alors que quelques minutes plus tôt, je croyais ne plus jamais pouvoir le refaire. 

J'ai cru la perdre. 

Peu m'importe qu'elle ait tué un homme par légitime défense, cela aurait bien put être elle derrière ce coup de feu. Elle aurait put se retrouver à la place de cet homme, couché sur le sol, une tache rouge s'étalant sur son flan droit.

Elle aurait put ne plus jamais revoir la lumière du jour, et demeurer pour toujours dans les ténèbres les plus sombres.

Gilbert et la PommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant