Le radeau

20 0 0
                                    



Il y a une chose qui m'a marquée la première fois que je suis entrée dans l'enceinte de l'IPC. C'était en avril et j'avais obtenu un entretien avec le doyen pour montrer ma motivation quant à ma candidature pour l'IPC. J'attendais donc dans le couloir chaleureux en face de la porte en bois du bureau du doyen. Il y avait de la moquette au sol et des livres exposés derrière une vitrine. Puisque le doyen était occupé pendant encore quelques minutes m'avait-on dit, je lisais attentivement le titre de ces œuvres tout en pensant qu'il faudrait que je les lise tous si je voulais un jour, pas trop tard c'est mieux, atteindre la sagesse. 

Et puis la porte de ce qui devait être l'administration s'est entrouverte, et je pus apercevoir le doyen et un grand monsieur chauve en pleine discussion apparemment éminemment problématique, vu la posture de ces deux penseurs. L'un se tenait le crane d'une main et l'autre brandissait son doigt afin d'appuyer, je le devinais, l'importance d'un propos. Il fallait alors que je sois discrète car il était trop tard pour faire preuve de politesse. Ces deux hommes avaient piqué ma curiosité. Je dois avouer que je m'attendais à entrevoir les défauts classiques d'une université : avec une administration lente qui n'en a que faire des élèves, souvent en grève, comptant leurs heures comme des enfants. Tout cela à mon avis, parce qu'ils confondent le peras avec le télos de leur travail (mais cela je ne l'ai su que plus tard). Mais les mots que j'entendais ne ressemblaient pas à ceux dont j'avais l'habitude dans les autres universités. L'un parlait de « discernement », et de « considérer les choses », l'autre de « prudence » et, ensemble, ils argumentaient chacun à leur tour comme deux aiguilles qui tricoteraient un chemin vers la solution la meilleure (à un problème de « salles » il me semble). Ma surprise fut telle que je me souviens avoir pensé « Tiens en voilà qui pensent, et pas que dans un cours de philo. ». 

Et puis, maintenant, je crois qu'aujourd'hui plus personne ne pense, on cherche notre confort individuel et c'est tout. La modernité a oubliée la vérité au profit de la technique, cela suffit apparemment, pour bien vivre. 

Alors, quand ils finirent leur dialogue et que le doyen m'invita dans son bureau, je fus résolu à intégrer cette institution, mon radeau de l'intelligence dans un monde qui ne pense plus. 

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 25, 2023 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

RéminiscenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant