Chapitre 11

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Après ma journée de travail, je dois retourner à la ferme. Les prisonniers sont censés partir demain. Je vais leur apporter de quoi se nourrir pour le trajet et leur dire au revoir.
Je suis concentrée sur l'ourlet d'un pantalon que je reprends à la main. La sonnette de la porte résonne et j'écoute la demande du nouveau client.

- Je souhaiterai parler à Mademoiselle Berger s'il vous plaît?

Je reconnais cette voix. Je pose le vêtement et je tends l'oreille. Que me veut t-il ? Soudain, sa silhouette apparaît devant moi. Lucienne a dû le laisser venir me voir.

- Bonjour. Je suis venu vous voir car j'aimerais que vous m'accompagniez jusqu'à votre ferme.

Une bouffée de chaleur, mon cœur qui s'emballe, et la terreur qui me cloue sur ma chaise. Ça y est je suis démasquée.

- Vous allez bien? On dirait que vous venez de voir un fantôme!

Je me rends compte que j'en ai oublié de respirer et de répondre surtout. Je tente de paraître aussi sereine que possible.

- Mais...Pourquoi voulez vous aller là- bas?
- Et bien nous avons trois soldats qui ont un souci d'hébergement en ce moment, et j'ai pensé qu'ils pourraient loger dans votre ferme. Vous m'avez bien dit que vous n'y habitez plus?
- Mais les chambres ont été jugées insalubres par vos collègues.
- Ne vous inquiétez pas pour eux. Ils ne sont pas regardant ! J'aimerais que vous m'emmeniez pour que je puisse voir les chambres.
- Mais... mais c'est très humide vous savez. Et c'est vraiment infesté de rats.
- J'ai l'impression que vous n'avez pas envie d'accueillir ces soldats. Pourtant vous savez que vous y êtes obligée ? Vous avez peur de quelque chose ?
- Non... bien sûr que non...
- Très bien ! Nous pouvons y aller ?
- Maintenant ?
- Oui j'ai besoin d'avoir un retour rapidement pour qu'ils puissent s'installer au plus vite.
- Mais... et mon travail...
- Votre patronne va vous laisser partir une petite heure !

Il dit cette phrase un peu plus fort pour que Lucienne l'entende. Comme à chaque fois, il ne nous laisse pas trop le choix. Je reçois sa demande comme un ordre plutôt qu'une demande. Cette fois-ci, je n'ai plus aucune échappatoire. Impossible de prévenir qui que ce soit. Lorsque nous allons arriver à la ferme, mon seul espoir serait que les hommes nous entendent et puissent s'échapper. Je suis le lieutenant. Lucienne ronchonne mais elle n'a pas vraiment le choix que de me laisser partir. Nous allons en voiture jusqu'à la ferme. Pendant le trajet, je tente de garder espoir et de me dire qu'ils auront eu le temps de fuir ou de se cacher. Mon cœur bat tellement fort, que j'ai l'impression qu'il fait trembler mon corps entier. Ma respiration s'accélère alors que nous nous garons dans la cour. La terreur me paralyse et je reste un instant immobile, gardant l'équilibre en m'adossant à la voiture. Eisenmann me rejoint.

- Vous êtes sûre que vous allez bien ? Vous semblez inquiète.
- Non non ça va. Je dois sûrement être en manque de sucre. Allons-y.

Je rassemble mes forces et il m'accompagne jusqu'à la porte d'entrée. Je suis dans un état d'angoisse total. Mes mains tremblent lorsque je tente de mettre la clé dans la serrure. Lorsque j'arrive enfin à déverrouiller, je prends une grande inspiration avant d'ouvrir la porte. La cuisine est vide. Je laisse le lieutenant entrer et je ferme derrière lui.

- Où se trouvent les chambres ? Demande-t-il alors.
- A l'étage...
- Très bien, je vous suis.

J'emprunte le couloir qui mène à l'étage et je pose ma main sur la balustrade de l'escalier pour y prendre appui. Mes jambes flageolent. Je m'attends à tout moment à croiser les trois évadés. Le couloir de l'étage est étroit et je lui fais signe de la main pour lui montrer où se trouvent les chambres.

Coucher avec l'ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant