Chapitre 6

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Juillet 1941

Notre groupe se fait discret depuis plusieurs semaines. Trois arrestations ont déjà eu lieu. Depuis que les SS sont en ville, c'est beaucoup plus compliqué pour nous d'opérer...
Je sors de la boutique et Marcel m'attend.

-  Nouvelle mission. Chuchote t'il. Tu vas aller au café de Gaston avec Léonie dans quinze minutes.

Je le regarde un peu surprise.

-  Pourquoi veux-tu que j'aille dans ce bar! C'est celui des Boches!
-  Oui, et c'est pour ça que vous allez y aller. Les Boches ils aiment les jeunes françaises. Il faut que vous les occupiez pendant que je m'attarde à ma mission!
-  Ça veut dire quoi les occuper? Marcel tu me fais peur...
-  Ben leur faire la conversation, jouer un peu quoi...

Je lui lance un regard assassin. Depuis que je me suis engagée dans la résistance, j'ai toujours dit que je ferais n'importe quoi, sauf être en contact direct avec les Allemands.

-  Oui je sais ce que tu vas me dire mais s'il te plaît Alice, c'est important. Léonie et toi vous êtes les seules jolies filles du groupe!

Je suis flatté par sa réflexion mais je reste toujours indécise. Je ne sais pas si je pourrais être naturelle avec les Boches.

-  Léonie te fera un petit topo avant d'entrer dans le bar. Alors?
-  T'es vraiment chiant Marcel!

Je lève les yeux au ciel. Je décide de prendre mon courage à deux mains et je prie pour que ce moment passe très vite. Léonie nous attend. Elle est toute pimpante, très bien habillée, prête à jouer son rôle à la perfection. À côté, je suis plutôt défraîchi. Je défais rapidement mon chignon et passe les doigts dans mes cheveux. Marcel s'en va et Léonie sort son rouge à lèvre de son sac et m'en barbouille les lèvres vite fait. J'ai la gorge sèche et au moment d'entrer, j'ai déjà envie de prendre les jambes à mon cou. Léonie le ressent et m'agrippe le bras. Elle ouvre la porte. Une forte odeur de tabac nous enveloppe. La musique est forte. La voix de la chanteuse résonne à mes oreilles. Elle semble chanter en allemand. Les rires des soldats cessent un instant et  tous les regards se posent sur nous. Je me sens très gênée et je n'ose pas les regarder. Léonie s'approche du comptoir et je la suit comme un petit chien. Elle semble vraiment à l'aise. Elle sourit et se laisse regarder alors que je regarde mes pieds en espérant devenir invisible. Petit à petit, les allemands commencent à s'attrouper autour de nous, comme des abeilles attirées par le miel. Soudain, je sens un homme derrière moi. Pendant un moment je n'ose plus bouger, et puis je reconnais sa voix et son accent...

  -  Je vous manquais? 

Je me retourne. Il est en train de me fixer avec ses grands yeux bleus. Emmrich Einsenmann, le lieutenant SS qui m'a sortie de l'embarras il y a quelques mois. Je ne m'attendais pas à le trouver ici.

  -   Je ne savais pas que les officiers traînaient dans ce genre d'endroit! Dis-je avec l'intention de le défier, tout comme il venait de le faire.

Comme s'il avait compris mon petit jeu, il sourit en guise de réponse, puis reprend:

  -  Je ne vous avais jamais vu dans ce bar auparavant. Vous êtes plutôt dans le camp adverse d'habitude! Dit il en désignant de la tête le café de Louise qui se trouve à quelques pas.
  -  C'est vrai. Mais j'avais envie de changement.

Il sourit et j'ai cru une fraction de seconde percevoir une certaine satisfaction sur son visage.

-  Puis-je vous offrir un verre? demande-t-il alors.

Je suis un peu dérouté. Je ne m'y attendais pas et puis, je ne veux pas qu'il pense que je suis une « pute à Boches». Ces filles célibataires, ou non, qui couchent les allemands pour quelques privilèges. Je regarde Léonie, qui discrètement, à garder un œil sur moi. Elle hoche la tête pour me dire d'accepter.

Coucher avec l'ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant