Chapitre 35

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Je prépare le service de midi. Nous poussons la desserte jusqu'à la salle des officiers. Emmrich est absent, par contre Hans Günsche est bien là et il me détaille avec son regard vertueux. Je sens qu'il va falloir que je sois ferme et que je lui fasse comprendre clairement qu'il n'espère rien de moi car sinon, la cohabitation va être difficile à vivre.

Nous avons traîner un peu en cuisine et je rejoins Emmrich au bureau un peu plus tard que d'habitude. J'ai à peine passé la porte, qu'il m'interpelle.

-  Et bien je ne pensais pas vous voir. Je vous pensais en balade avec le lieutenant Günsche.

Je lève les yeux au ciel.

-  Vous n'êtes pas drôle. Serait-ce de la jalousie? Le taquiné-je.

Il se lève et me rejoint au milieu de la pièce.

-  Non pas du tout...

Il m'attrape la taille et me serre fermement contre lui. Il vient ensuite susurrer à mon oreille:

-  Mais c'est moi qui vous ai mis la main dessus en premier et je ne partage pas...

Il vient ensuite me déposer plusieurs baisers dans le cou. Je frissonne à son contact. Je passe mes mains derrière ses épaules charnues et je caresse son dos tandis qu'il continue son chapelet de baisers sur mon épaule. Sans réfléchir, j'attrape son visage entre mes mains et j'écrase mes lèvres contre les siennes. Il vient me chercher avec sa langue et ma respiration se fait plus rapide. Ca y est, il me rend folle à nouveau. Je rompt rapidement le contact.

-  Il ne faut pas que le lieutenant Günsche découvre notre relation. C'est trop risqué.

Il m'observe et hausse un sourcil.

-  Notre relation?

"Mais quelle idiote! Pourquoi je ne me tais pas parfois!"

-  Heu enfin ce que je voulais dire c'est que enfin...
-  J'ai très bien compris... vous avez parlé de relation. Et quelle genre de relation avons nous?

Je suis gênée et je sens mes joues devenir écarlates.

-  Je ne sais pas... une relation... amicale?

J'ai envie de me taper la tête contre le mur. Il se met à ricaner.

-  Heureusement que je n'ai pas ce genre de relation avec tous mes amis.

Je secoue la tête et Emmrich m'attrape la main pour m'attirer de nouveau contre lui.

-  Pour le moment, nous avons une relation, comment dit-on? Complexe. Qui nous attire l'un vers l'autre. Êtes-vous d'accord?

Il caresse mon visage puis m'embrasse intensément. Mon cœur bat la chamade et j'ai des papillons dans le ventre. Je me rappelle alors de la conversation que j'avais eue avec ma mère lorsque j'avais environ douze ans. Je lui avais demandé ce que l'on ressentait lorsqu'on était vraiment amoureux. Elle m'avait répondu que notre coeur battait très fort et qu'on ressentait des petits papillons dans le ventre. Exactement ce que je ressens à cet instant mais également à chaque fois qu'Emmrich à posé ses lèvres contre les miennes. Mais pourquoi? Je ne veux pas avoir ce genre de sentiments pour lui. Je n'en ai pas le droit. Pourtant j'ai beau les rejeter, les nier, les enfouir, ils reviennent à chaque fois pour faire réagir mon coeur. Devrais-je me détester? Les accepter et profiter? Et si personne n'est au courant, est ce vraiment mal? Je suis complètement perdue mais ils sont bien trop forts maintenant pour que je les ignore.

Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir mis des mots sur notre "relation" mais aujourd'hui, je vais à la Kommandantur avec un sourire aux lèvres. Il me tarde de monter au bureau pour l'y rejoindre. Je suis déçue lorsque je remarque une nouvelle fois son absence. Je rejoins donc seule le bureau. Je remarque alors un petit mot sur un nouveau dossier.

« Ma chère Alice,
Je suis désolé de ne pas pouvoir vous tenir compagnie aujourd'hui mais j'ai des obligations. Je vous ai laissé un nouveau dossier à trier et un petit cadeau pour vous remercier de votre excellent travail.
Soyez sage.
Emmrich »

Je regarde sur le bureau et je trouve une petite boite carrée en velours bleu. Elle est entourée d'un ruban rouge. Je l'attrape et je retire le ruban délicatement. Lorsque j'ouvre la boite, je découvre un magnifique bracelet. Il semble être en or et il est orné de petit diamants. Il est magnifique. Je me demande s'il l'a acheté spécialement pour moi. Je m'empresse de le mettre à mon poignet et je le regarde sans pouvoir en détacher mon regard. Je n'ai jamais eu d'aussi joli bijoux. Je me décide enfin à travailler. Au bout d'une petite heure, quelqu'un frappe à la porte. Sur le moment j'ai eu un petit espoir de voir Emmrich mais je déchante lorsque le lieutenant Günsche fait son apparition. Décidément, il a le chic pour venir lorsque je suis seule.

-  Le lieutenant Eisenmann est en déplacement.
-  Ce n'est pas lui que je venais voir.

Il ferme la porte derrière lui et vient se planter devant moi.

-  Vous êtes fascinante Alice.

Je le regarde curieusement. Ou veut-il en venir?

-  Pourquoi dites vous cela?
-  Et bien en lisant les dossiers de mon prédécesseur, j'ai beaucoup appris sur vous. Suspicion de terrorisme. Vous avez même été interrogé?

Cette fois, une vague de chaleur me submerge et je me lève pour prendre de la distance. Je vais donc m'installer près de la fenêtre. Son regard d'un bleu profond ne me quitte plus. Il m'observe et me cherche.

-  Il n'y a eu aucune suite. C'était un malentendu. Répondis-je froidement.

Il contourne le bureau d'Emmrich pour tenter une nouvelle approche. Un sourire étire ses lèvres. Il approche sa main de mon visage mais je tourne la tête pour ne pas qu'il ne me touche.

-  Vous avez pourtant l'air de résister...

Il se moque de moi. Je me dégage de son emprise et je retourne près de mon bureau.

-  Écoutez lieutenant Günsche, je vous ai dis que j'étais pas ce genre de femme. Si vous le souhaitez, il y a le bordel de Madame Delavine qui a été privatisé pour vos troupes. Il se trouve au nord de la ville. Et vos collègues semblent satisfaits par leur service.

Il hausse un sourcil et lâche un petit ricanement qui me fait frissonner.

-  Un bordel avec des prostituées! Ho que c'est gentil d'avoir pensé à moi. Mais ces filles-là sont bien trop faciles. Moi j'aime celles qui me résistent...

Il m'adresse à nouveau un de ses sourires lubriques puis s'en va. Mon cœur bat à tout rompre. Je me rends compte que je tremble. De l'agacement ? De la peur ? Ou peut-être les deux. Cet homme est incroyable, il ne doute de rien. Je sens que je ne vais pas m'en débarrasser comme ça. J'ai envie de parler de l'insistance de Günsche a Emmrich mais j'ai peur que cela envenime les choses. Après tout, tant qu'il garde ses distances pour le moment, ça me va.

Coucher avec l'ennemiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant