Myrtille (histoire lesbienne)

Bon aller, je me lance !

« Bon aller, je me lance ! » j'écris à mes amis. J'ignore les messages sarcastiques qu'ils m'envoient et ouvre enfin l'application meetic. Ça fait quelques temps que j'y pense mais aujourd'hui j'en suis sûr. Après avoir rangé pour la 12ème fois ma chambre et avoir regardé un énième film d'amour, je pense qu'il est temps de me trouver quelqu'un. 

J'avoue que je n'ai jamais vraiment cru en ce genre d'application, je rêvais encore du romantisme vintage, un coup de foudre à un arrêt de bus, ou en boite de nuit mais il faut se rendre à l'évidence, je fais partie d'une nouvelle génération qui à besoin d'un petit coup de pouce. Il faut dire que le confinement y est pour beaucoup. 

Je commence par mettre mon nom « Julie Steinfield », allemande du côté de ma mère et anglaise du côté de mon père. J'ai 25 ans. Je suis une fille et j'aime les filles. Je n'ai pas vraiment de hobby à part la lecture de romans fantastiques et les promenades dans la nature. Je suis brune aux yeux clairs. J'aime les femmes plus âgées mais pas trop, entre 1 et 6 ans de plus que moi, plutôt bon vivre, qui aime voyager. 

Je suis tellement concentrée sur la création de mon profil que je n'entends pas mon frère entrer. « Tu te crées vraiment un profil ? T'es désespéré ou quoi ? » dit-il d'un ton moqueur. Je me lève brusquement du canapé pour l'empêcher de regarder de plus près mon profil. Il se dirige vers sa chambre en ricanant. Je me rassois et ouvre ma galerie de photo. L'étape la plus cruciale. Il me faut une photo qui me représente bien, pas trop belle, je ne veux pas paraitre inaccessible, mais en même temps pas trop moche. Je tombe sur une photo prise lors de ma fête d'anniversaire de l'année dernière. Je porte une robe noire qui fait ressortir mes yeux. Je la rogne pour enlever les personnes autours de moi et le tour est joué. Je la télécharge sur l'application et repositionne pour trouver l'angle parfait. J'hésite quelques minutes et regarde d'autres photos, au cas où j'en trouve une meilleure. Je décide finalement de la garder. Je suis prête à enregistrer mon profil quand je commence à stresser. Et si personne ne s'intéressait à moi, et si je ne recevais pas de message ? Je me rassure en me disant que je fais ça juste pour voir ce que ça donne et que je ne suis pas obligé de passer mes journées à attendre des messages. J'appuie sur le bouton et verrouille mon téléphone. Je vais faire la vaisselle, puis nettoie la salle de bain. Je reviens toutes les 5 minutes pour checker mais pour l'instant rien. L'après-midi passe et j'en ai déjà marre. De toute façon c'était une erreur. Je mets la télé et regarde un documentaire sur les ours. 

Vers 19h je vais faire à manger pour moi et mon frère. Je commence par couper les courgettes, puis les oignons. Je les fais revenir dans la poêle avec de la musique en fond. Je danse sur X des Jonas Brothers avec Karol G. D'un coup, j'entends mon téléphone sonner. J'essaie de ne pas me précipiter dessus, je marche doucement vers le smartphone tout en faisant mine de m'en foutre. J'ouvre l'application et je remarque que plusieurs personnes m'ont envoyé des messages. Je me sens rassuré, finalement, je plais. J'ouvre les messages avec un peu d'appréhension. Je ne sais pas à quoi m'attendre. 

« Salut ! Je m'appelle Karine, comment vas-tu ? » dit le premier que j'ouvre. 

Je vais sur son profil et regarde ses informations. Elle a un an de plus que moi et travail en tant qu'intérim dans une boite de cosmétique. Elle est plutôt mignonne. Elle est rousse avec de beaux yeux bleus. Je réfléchis à quoi répondre. Je commence à marquer « ça va et toi ? » mais je pense que notre conversation ne va pas aller loin si je fais ça. « Salut ! Je m'appelle Julie ! Parle moi un peu de toi ! » j'envoie finalement. Je regrette deux secondes après, peut-être que c'est trop rentre-dedans. Et puis, au pire elle ne me répond pas. 

J'ouvre un autre message qui dit « Hello ! Je m'appelle Stéphanie ! Ca te dis d'apprendre à se connaitre ? ». Apparemment je ne suis pas la seule a être un peu rentre dedans. Je lui réponds cash « Aller ! Je m'appelle Julie, et je travaille en tant que responsable marketing pour une marque de vêtement ! ». 

Il me reste un message à lire. Une certaine Myrtille. Elle me dit quelque chose. Je vais sur son profil. D'un coup, ça me revient, on était au lycée ensemble. Elle me dit « Hey ! Ça fait super longtemps, je savais pas que tu aimais les filles toi aussi ! Comment vas-tu ? » Je me redresse. Elle est devenue plutôt mignonne sans ses lunettes et sa frange qui cachaient ses jolis yeux noisette. Je me mords la lèvre en repensant à mon apparence à cette époque. Elle aussi doit se dire que j'ai bien changer. Je stresse à l'idée de la revoir. Je lui réponds gentiment « Oui ! C'est vrai que ça fait longtemps ! Eh bien, de même, je pensais que tu aimais les garçons puisqu'à l'époque tu sortais avec Hugo ! ». 

Entre temps, Karine m'a répondu. Nous enchainons les messages pendant quelques minutes jusqu'à ce que je sente une odeur de brulé. Je me précipite vers les courgettes qui sont devenu noirs. J'arrête le feu et essaie de sauver quelques morceaux. Au final, je récupère la moitié de la poêle. Mon frère qui a senti l'odeur de bruler est sortie de sa chambre. 

« Qu'est-ce que t'as foutu ! » râle-t-il. 

« Laisse je vais m'en occuper, toi t'as la tête ailleurs là. » dit-il en me poussant. 

J'hausse les épaules. Après tout, pourquoi je devrais faire à manger, il est grand, il peut le faire. Je mets la table pendant qu'il rouspète dans sa barbe. Quelques minutes plus tard, il nous sert et nous nous asseyons. 

« Alors, du succès sur ton appli ? » demande-t-il avec un sourire sournois. 

« Non, juste quelques discussions qui sont actuellement en cours. » je réponds honnêtement. 

« En vrai, c'est cool que tu te mettes un peu à vouloir rencontrer de nouvelles personnes ! Bon après, t'as pas forcément le bon timing, avec la covid et tout. » dit-il. 

« Ouais, écoute j'essaierais de voir où ça me mène mais pour l'instant je me prends pas la tête. » j'explique. Tu parles, je fixe mon téléphone depuis le début du repas. 

« Sinon, ça va toi avec Margot ? » je demande. 

« On a cassé hier. » m'annonce-t-il. 

« Quoi ! T'es sérieux ? Et tu me le dis que maintenant ? » je m'exclame. 

« Ouais, je sais, mais j'avais pas forcément envie d'en parler le soir même tu vois ? » avoue-t-il. J'hoche la tête. 

« Bon aller, dis-moi ce qu'il s'est passé. » dis-je calmement. 

Je sens que c'est un sujet sensible alors j'essaie de lui montrer que je veux juste l'écouter. Il me raconte que ça faisait déjà quelques semaines que ça n'allait pas. Il ne faisait plus d'efforts et elle non plus. Ils se sont éloignés de façon plutôt naturelle, plus rien à se dire, plus envie de faire des choses ensembles. Je l'écoute parler de ses sentiments pendant que je déguste le bon plat qu'il a préparé. Mon petit frère, si fragile et en même temps, si indépendant.