Chapitre 4

863 121 7
                                    


Revenant à l'instant présent, Harry se prépara un thé et il commença à le boire, gorgée par gorgée, regardant par la fenêtre l'aube se lever. Les yeux dans le vague, il se perdit une fois de plus dans ses pensées, conscient de tout ce qui n'allait pas dans sa vie, mais trop épuisé et trop désespéré pour agir.

Il avait l'impression parfois d'être englué dans sa vie, mais il n'avait pas l'énergie de sortir de ce marasme, alors il se laissait engloutir, petit à petit. Aspiré par des sables mouvants de tristesse et de défaite.

La dernière fois qu'il s'était animé, c'était pour se disputer vivement avec Hermione. Si habituellement il la laissait parler sans réagir, il s'était emporté lorsqu'elle avait suggéré qu'il reprenne sa vie sans Drago s'il refusait d'aller le chercher.

L'idée même de passer à autre chose, de le rayer de sa vie comme si leur relation n'avait pas compté l'avait empli de rage et il avait hurlé, la mettant à la porte et lui jurant que si elle mentionnait cette possibilité une fois de plus, il ne la laisserait plus jamais entrer chez lui.

Puis, il était retombé dans son apathie habituelle, noyé dans les regrets, pensant à son ancien bonheur perdu.

Lorsqu'il finit de boire sa tasse, le thé était froid et le jour était levé sur une journée d'hiver grise et triste. Harry soupira et ferma les yeux, posant son front brûlant sur la vitre glacée.

Il se demanda où était Drago et ce qu'il faisait, s'il pensait à lui, lui aussi. Avait-il repris le cours de sa vie ? L'avait-il rayé de ses souvenirs ou espérait-il qu'ils puissent un jour se retrouver ?

Harry battit des cils pour chasser les larmes qu'il sentait s'accumuler dans ses yeux et soupira, avant de retourner près de la cheminée. Ces derniers temps, il passait des journées entières à fixer la danse hypnotisante des flammes et à se plonger dans ses souvenirs. C'était une façon comme une autre d'échapper à la tristesse du présent, mais c'était également une torture constante que de penser à ce qu'il n'avait plus.

Parfois, il choisissait de se rappeler de l'époque de Poudlard, lorsque lui et Drago étaient ennemis. Il se souvenait de leurs disputes, mais il réécrivait l'histoire, se demandant sans cesse s'ils auraient pu s'entendre et devenir proches à l'époque.

Il imaginait l'impossible, refusant de croire que la guerre aurait pu se mettre entre eux et les séparer irrémédiablement.

Parfois, Harry imaginait que Sirius était vivant et il se persuadait que son parrain aurait accueilli Drago à bras ouverts. Que Sirius aurait été heureux pour lui et l'aurait soutenu.

C'était une douce illusion, bien sûr. Sirius avait des qualités indéniables, mais il n'avait jamais caché sa haine des Serpentards. S'il voulait se montrer réaliste, Harry devrait avouer que Sirius aurait probablement été horrifié de son choix de compagnon.

Plus rarement, Harry revenait quelques mois en arrière dans son esprit. Il se souvenait de leur bonheur, de leur complicité. Il regrettait d'autant plus son entêtement pour une maison qu'il n'aimait même pas.

Dans ces moments, Harry imaginait qu'il rattrapait Drago et qu'il s'excusait immédiatement, lui assurant que rien n'était plus important que lui.

Il imaginait que le départ de Drago n'était qu'un terrible cauchemar, mais la réalité le rattrapait toujours. Lorsqu'il sortait de ses pensées, il était de nouveau seul, dans cette maison sinistre.

Harry était encore plongé dans ses pensées lorsqu'il entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Il cligna des yeux et se rendit compte que la matinée était déjà bien avancée. Il était dix heures passées et il était toujours emmitouflé dans son plaid, ne portant qu'un pantalon de pyjama. Une fois encore, il n'avait pas vu le temps passer.

Il soupira et se frotta le visage vivement, espérant dissimuler à quel point il était épuisé. Il se levait juste quand il se trouva face à ses amis de toujours, Ron et Hermione.

Hermione le dévisagea, l'air mécontent, et Harry soupira une fois encore, prêt à la stopper si elle décidait de commencer un sermon. Il n'aurait pas la patience de supporter un de ses discours pleins de bons sentiments et il se crispait déjà, prêt à la repousser. Cette fois, pourtant, ce fut Ron qui intervint, les sourcils froncés.

— Harry, mon pote, ça ne peut plus continuer comme ça.

Immédiatement, Harry se tendit davantage, les sourcils froncés, mais Ron plissa les yeux.

— Avant de prétexter que tout va bien dans ta merveilleuse vie, tu vas aller t'habiller et venir faire un tour sur le chemin de traverse.

Harry grogna, agacé, mais également un peu mal à l'aise par l'ironie suintante dans la déclaration de Ron.

— Et pourquoi ferais-je ça ? Je n'ai besoin de rien...

Ron laissa échapper un grognement rageur et il le pointa du doigt, les yeux plissés, toute bonne humeur envolée.

— Tu n'as peut-être besoin de rien, mais tu avais promis à George de venir pour l'inauguration du nouveau magasin. Tu te souviens de ça ? Tu es leur investisseur après tout, non ? Fred a donné sa vie parce qu'il croyait en toi, alors il est hors de question que tu déçoives George, maintenant ! Lui, il aurait de bonnes raisons de se laisser aller, mais il lutte chaque jour pour surmonter la perte de sa moitié ! Et toi, que fais-tu Harry ? Quels sont tes projets ? Est-ce que tu te souviens de tes promesses au moins ?

Harry avait pâli durant la diatribe de Ron, reculant légèrement, honteux. Il n'avait pas vu George depuis la mort de Fred, puisqu'il était ivre mort le jour de l'enterrement de ce dernier. Pour calmer sa culpabilité, Harry lui avait envoyé un plein sac de gallions en lui proposant de construire un magasin en l'honneur de Fred, pour que personne ne l'oublie jamais... puis, lui avait oublié.

Incapable de croiser le regard accusateur de ses amis, il baissa la tête et haussa les épaules, avant de marmonner, de mauvaise grâce.

— Je passe sous la douche et j'arrive.

Personne ne fit le moindre commentaire et Harry battit rapidement en retraite, se précipitant dans la salle de bains. Il se déshabilla et se précipita sous la douche, sans même faire chauffer l'eau, frissonnant brusquement quand le jet glacé fouetta son dos.

Harry se lava rapidement et sortit, les lèvres bleuies et claquant des dents. Il se sécha énergiquement, évitant de se regarder dans le miroir. Il savait parfaitement qu'il se laissait aller et le constater ne ferait que lui rappeler l'évidence : Drago était parti.

Harry s'habilla d'un jean trop grand - il avait encore maigri et la ceinture du pantalon autrefois parfaitement ajustée lui tombait sur les hanches — et d'un sweat épais. C'était celui que Drago aimait lui emprunter et il imaginait parfois qu'il avait conservé l'odeur de celui qui avait volé son cœur.

Il se passa la main dans les cheveux pour les coiffer vaguement avant de rejoindre ses amis. Il nota le regard triste de Hermione sur son sweat, mais elle ne fit pas la moindre remarque. Ron, pour sa part, hocha simplement la tête et lui fit signe de le suivre.

Cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant