Chapitre 17

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Harry ricana et se détendit légèrement, plissant les yeux, mais acceptant enfin de l'écouter.

— Vraiment ?

Drago se frotta les yeux, épuisé, et ignora la réflexion pleine d'ironie de Harry. Il prit une inspiration prudente avant de s'expliquer prudemment.

— Cette maison... Square Grimmaurd est loin d'être un foyer, Harry. Je respecte les souvenirs de ton parrain, tu le sais, mais je sais qu'il la haïssait autant que moi au moins... et lui était forcé d'y vivre ! Je ne te demande pas de t'en débarrasser ou de la démolir, juste... juste de... je voulais qu'on choisisse ensemble un endroit où vivre ensemble. Un endroit qu'on pourrait décorer et aimer.

Harry pinça les lèvres, les sourcils froncés, buté. Cependant, son regard vert semblait hésitant, comme s'il commençait à douter de son obstination.

— Ce n'est qu'une maison, Drago.

Drago réprima l'envie de hurler de frustration, avant de reprendre doucement.

— Tu dois le laisser partir. Sirius. Faire ton deuil.

Harry eut un mouvement de recul comme s'il avait été frappé et il s'empourpra, la colère enflammant ses pupilles.

— Sirius n'a rien à voir dans cette histoire !

Ils se dévisagèrent un instant en chiens de faïence, puis Drago capitula en secouant la tête.

— Ça ne sert à rien. Je croyais que... que tu comprendrais. Que tu accepterais de m'écouter cette fois...

Comme toujours, la mention de Sirius rendit Harry fou de rage. Son parrain lui manquait toujours autant et il n'arrivait pas à accepter l'injustice qui l'avait privé d'une figure parentale.

Sirius avait disparu sous ses yeux et il n'avait rien pu faire pour l'aider. Pire encore. Sirius était mort à cause de lui, parce qu'il avait été assez stupide pour tomber dans le piège tendu par Voldemort...

S'il avait été plus prudent, plus attentif aux cours d'occlumentie de Rogue, plus concentré sur ce qu'il devait faire... jamais Sirius n'aurait eu besoin d'aller au Ministère pour venir à son secours et il ne serait jamais tombé à travers cette arche maudite.

Cette fois cependant, sa colère était assourdie, parce qu'elle se superposait à la peur de perdre Drago pour de bon.

Chaque jour durant l'absence de Drago, il s'était juré qu'il ferait tout pour le garder s'il venait à revenir. Qu'il s'excuserait et lui offrirait tout ce qu'il voulait... y compris la maison de Sirius.

Mais face à lui, alors qu'il avait l'opportunité de réparer les choses entre eux, il ne pouvait pas s'empêcher de tout saboter encore une fois.

Il se haïssait pour cette façon de détruire le bonheur autour de lui, mais il ne parvenait pas à s'en empêcher. C'était plus fort que lui.

Quelque part, dans son esprit endommagé, il se punissait pour tous ses crimes : de la mort de ses parents jusqu'à toutes les victimes de la bataille de Poudlard, qui avaient payé de leurs vies son manque d'efficacité...

Les mots de Drago, emplis de douleur et défaitistes, le touchèrent et il eut l'impression que son cœur ratait un battement. Il ferma les yeux et chuchota, terrifié de la réponse.

— Tu vas partir alors ? Pour de bon ?

Il sentit les mains fraîches de Drago sur ses joues brûlantes, puis ses lèvres se pressèrent brièvement contre les siennes. Il se détendit, savourant le moment, s'agrippant aux avants-bras de Drago pour qu'il ne s'éloigne pas.

Harry laissa aller son front contre celui de Drago, appréciant ce contact tendre, sans jamais ouvrir les yeux. Comme si voir l'expression de Drago pourrait rompre l'enchantement et lui faire comprendre qu'il allait finir seul.

Après quelques instants, Drago murmura, avec un calme de façade, démenti par le léger tremblement de ses mains.

— Harry... Nous sommes dans une impasse.

Une nouvelle larme roula sur la joue de Harry et il déglutit, incapable de parler. S'il ouvrait la bouche, il serait submergé par son chagrin et serait étouffé par ses sanglots.

Drago essuya tendrement sa joue, mais il ne s'éloigna pas, restant juste présent.

Après quelques instants, Drago murmura posément.

— Tu as raison sur un point, Harry. Je ne peux pas t'obliger à déménager par caprice. Mais toi... tu ne peux pas m'obliger à vivre dans ce... mausolée. As-tu fait le moindre changement ? As-tu ajouté une touche personnelle ? Quelque chose qui prouve que tu en es le propriétaire et pas juste un gardien ?

Harry se figea, indécis. Il objecta, sans même réfléchir.

— C'est la maison de Sirius.

Il sentit Drago soupirer et hocher légèrement la tête.

— C'est exact. Où est ta maison, Harry ?

Le jeune homme ouvrit les yeux, avec une expression perdue. Drago le regardait avec une tendresse infinie et il se précipita contre lui, se collant contre lui et le serrant dans ses bras, avec l'impression qu'il se noierait si jamais Drago venait à le lâcher.

Sauf que Drago ne l'avait jamais lâché. Et ce dernier ne le repoussa pas, loin de là. Il le serra en retour, lui frottant le dos et lui murmurant des mots apaisants, comme si tout allait s'arranger.

Harry se laissa aller avec la sensation d'être en sécurité. Il marmonna quelques mots indistinct, vaincu par son agitation et ce déferlement d'émotions, et il s'endormit sans même s'en rendre compte.

Après avoir malmené son corps et poussé son organisme au bout de sa résistance dans sa tentative d'autodestruction, puis subi une hypothermie sérieuse avant de faire face à un maelstrom d'émotions, il était logique que Harry finisse par succomber à la fatigue. C'était en tout cas ce que Drago se disait pour se rassurer.

Lorsque Harry glissa dans le sommeil, épuisé, Drago l'installa de son mieux près de la cheminée, en le fixant, encore sous le choc des quelques mots qu'il avait prononcés contre son torse.

Il secoua doucement la tête en caressant son front, en se demandant ce qu'il devait penser des derniers mots que Harry avait balbutiés avant de s'endormir.

« Ma maison, c'est toi ».

Drago le regarda dormir quelques minutes, incapable de détacher son regard de lui. Puis il secoua la tête et il s'éloigna de Harry à contrecœur, non sans l'avoir installé avec soin, s'assurant qu'il soit bien au chaud et confortable.

Il comptait leur préparer un repas chaud, parce qu'il n'allait certainement pas accepter de voir Harry se laisser mourir de faim en sa présence.

Depuis la conversation avec Hermione et Ron, il avait pris conscience de l'état mental de Harry. Il avait probablement été trop proche de lui pour se rendre compte de l'ampleur de ses traumatismes.

Il n'avait pas compris que Harry avait besoin d'aide à ce point et il s'en voulait d'avoir été si aveugle. Si seulement il avait noté son mal-être, peut-être aurait-il pu l'aider, bien plus tôt.

Cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant