La vie est belle

Chapitre 2

J'ai recroisé cette mystérieuse fille pratiquement tous les jours qui ont suivi. À chaque fois, j'ai cette drôle d'impression dès que je la vois. Elle porte toujours cette veste en cuir noir, de longues bottes qui remontent jusqu'à ses cuisses et qui lui donnent des jambes interminables bien qu'elle n'ait pas l'air grande, je veux dire, la taille classique d'une fille. C'est difficile d'analyser la taille des gens quand tout le monde est plus petit que toi.

À chaque fois, je remarque un nouveau détail : Elle se maquille toujours en noir, avec de grossiers traits d'eye-liner autour des yeux. Elle a un piercing au nez, un anneau à la narine droite, et pleins d'autres aux oreilles. Elle coiffe toujours ses cheveux très courts en arrière. Parfois, elle a quelques mèches rebelles qui retombent sur le côté ou près de son oeil. Elle a également un tatouage sur la nuque. Mais surtout, elle a toujours cet air méprisant sur son visage et dans ses yeux. Elle a l'air de détester tout le monde. Quand je la vois dans les couloirs, elle ne fait que passer, marchant toujours seule, je l'ai jamais vue avec quelqu'un. Elle pousse souvent quelqu'un dans le couloir ou insulte quiconque qui la regarde de travers ou simplement trop longtemps.

Jusqu'au jour, où elle est arrivée dans mon cours de philosophie.

Le cours n'a pas encore commencé, je suis assis sur ma chaise, à ma table, attendant que tout le monde arrive. Puis elle est entrée dans la salle et s'est vautrée bruyamment sur sa chaise, à la table à côté de la mienne. Je la regarde, étonné, puis je détourne vite le regard car je sais qu'elle va mal le prendre, et en même temps, c'est malpoli.

Mais qu'est-ce qu'elle fait là ? Les cours ont commencé depuis un peu plus de deux semaines. Je commençais à croire qu'elle n'était qu'au lycée que pour traîner dans les couloirs, je n'avais aucun cours en commun avec elle et voilà qu'elle débarque en philo. J'aurais jamais pensé la voir ici, quoique, son côté ténébreux peut lui avoir donné envie de connaître tous les noirs secrets des philosophes... n'importe quoi.

Elle soupire et laisse son sac tomber par terre avant de s'avachir au fond de sa chaise et d'allonger ses jambes. Ces dernières ne font que bouger, elle est intenable.

Mr.Kearns pose ses livres sur le bureau et prend la parole.

"Bonjour tout le monde, nous allons reprendre où on s'était arrêté la dernière fois, j'espère que vous avez tous...

Il s'interrompt. Il vient de remarquer la présence de la fille.

- Oh, nous avons une nouvelle élève. Excusez-moi, on ne m'avait pas prévenu et je n'ai personne qui me manque sur ma liste... Vous êtes ?

- Emy Williams, répond celle-ci.

Des ricanements et des murmures se font entendre.

"Emy Williams" ai-je répété dans ma tête. "Pas très commun comme prénom".

- Melle Williams, continue Mr Kearns.

- Emy.

- Pardon ?

- Je préfère Emy, s'il vous plaît, dit-elle.

Sa voix n'est pas particulièrement grave, mais elle n'est pas aiguë non plus. C'est surtout son ton très cassant qui se fait entendre. Je me sens soudainement mal à l'aise pour le prof.

- Oh. Oui, si vous voulez, Emy.

- Merci, marmonne-t-elle.

En tout cas, il ne laisse rien paraître.

- Vous venez d'arriver ? Ou vous avez manqué la rentrée ?

Quelqu'un retient un rire devant la salle. Je me tourne vers la personne. Forcément un leader, mais dont le nom m'échappe.