Le vent frais du printemps se leva, balayant la cime des arbres. Les jours s'allongeait peu à peu et la chaleur revenait petit à petit en Corée du Sud. L'été approchait à grand pas. Jimin arrêta sa marche et replaça ses mèches argentées derrière ses oreilles. Ses cheveux avaient bien poussés, il avait arrêté de les couper depuis quelques mois, ils effleuraient maintenant ses épaules. Parfois, il les attachait en queue de cheval pour être plus à l'aise, mais aujourd'hui, il les avait laissés libre et la brise s'en donnait à cœur joie. Autour de lui, beaucoup s'étaient étonnés de cette couleur si inhabituelle, et il avait depuis longtemps laissé penser qu'il s'agissait d'une coloration, même s'il s'agissait de sa couleur naturelle – artificielle dans le roman mais fixée par sa présence dans une réalité à laquelle il n'appartenait pas. Ensuite, les années passant, la question ne s'était plus du tout posée.
Il leva les yeux au ciel et observa les nuages qui formaient un petit peloton de moutons, alignés en rang bien serré. Il prit une grande inspiration, ferma les yeux, savourant l'air, parfumé par les fleurs de magnolias et le contact des rayons de soleil sur sa peau. Ce monde allait lui manquer. Il baissa les yeux sur l'édition Deluxe qu'il tenait, l'ouvrage avait subi le passage du temps. Ses pages - auparavant blanches – étaient maintenant jaunes, flétries, et un peu écornées par endroit. Son regard glissa ensuite sur le dessus de sa main et tout comme l'ouvrage il constata à quel point les années avaient passées. Sa peau autrefois douce et veloutée avait laissé place aux rides et autres marque du temps. Ce monde ne lui avait pas fait de cadeau, mais il était reconnaissant pour chaque épreuve qu'il avait eu à surmonter, chaque joie, chaque peine, chaque victoire, chaque défaite. Pour tout cela, il était reconnaissant.
Il reprit sa marche et gravit une petite colline qui surplombait une étendue de plaques blanches similaires et bien alignée, en contre-bas. Un peu essoufflé, il prit le temps de s'appuyer au tronc d'un bel érable dans la force de l'âge. Il tapota l'écorce avant de souffler d'un ton amusé :
« Merci de me prêter un peu de ta force mon vieux. »
Il s'adossa au tronc et se laissa glisser au sol, sur l'herbe fraîche. Le silence l'enveloppa et il savoura un moment la quiétude de l'endroit. D'un geste un peu raide, il ramena ses jambes vers sa poitrine et attendit. Quelques minutes plus tard, une chaleur familière enveloppa ses épaules, et il crut sentir un toucher léger sur sa joue. Des notes subtiles de mandarine sanguine, de cuir et de cannelle, chatouillèrent ses narines et il sourit :
« Ah... Kookie, tu m'as presque fait attendre... Je savais que tu voudrais être là pour mon départ. »
Son sourire s'estompa lentement et le silence s'installa.
« Je suis désolé... je sais que tu aurais préféré que ça se passe naturellement, je t'avais promis d'attendre, mais ça n'a pas l'air de fonctionner et je suis fatigué. Est-ce que tu m'en veux beaucoup ? »
Seul le vent dans les feuilles de l'arbre lui répondit, et il soupira. :
« Tu rends les choses tellement difficiles Kookie... Je sais que c'est dur pour toi... mais crois-moi, ça l'est encore plus pour moi. Depuis que... — il s'arrêta et soupira une fois de plus, le cœur douloureux –— plus rien n'est pareil... Les couleurs ont perdu leur éclat, la nourriture n'a plus la même saveur. Peut-être bien que c'est toi qui rendait tout cela plus beau pour moi. Tu as créé un univers entier juste pour que je vive, mais au final c'est dans ton monde que j'ai compris ce que vivre signifiait vraiment. Et c'est ton amour qui m'a rendu plus vivant que je ne l'ai jamais été. Je ne te remercierais jamais assez pour tout ça Kookie... mon amour... Merci pour cette merveilleuse aventure, j'espère que nous nous retrouverons dans un autre univers.
Un sanglot s'échappa de sa gorge et les larmes envahirent ses yeux. Il ne les refoula pas, les laissant couler librement. Ses mains tremblaient de manières incontrôlables, l'obligeant à poser le livre sur ses genoux :
« Oh mon dieu... J'ai peur Kook... Je suis terrifié à l'idée de mourir – il renifla – je sais que tu disais souvent que la mort n'est qu'une aventure de plus et que l'inconnu ne doit pas m'effrayer, mais j'ai si peur... et toi tu n'es plus là pour m'aider à passer ce cap. Tu vois ? Tu ne m'écoutes jamais ! Nous aurions dû le faire avant que... j'aurais dû partir le premier, mais tu as toujours été trop têtu, tu ne m'as pas écouté... maintenant je suis seul... tout seul... »
Il s'affaissa sur l'herbe, submergé par la tristesse. Il resta là longtemps à pleurer, sur ce qu'il avait eu, ce qu'il avait perdu et ce qu'il s'apprêtait à perdre. Le soleil avait déjà entamé sa course vers l'ouest et ses rayons se faisaient plus doux quand Jimin se redressa et s'appuya de nouveau contre l'érable :
« Je suis désolé Kookie, je n'aurais pas dû craquer comme ça. C'est une magnifique journée, n'est-ce pas ? Une magnifique journée pour mourir. »
Il prit une grande inspiration et de sa poche, sorti un objet qui tenait facilement dans la paume de la main. Le métal froid du briquet le raccrochait un peu plus aux sensations qu'il éprouvait. Au crépuscule de son dernier jour sur terre, toutes ses sensations étaient décuplées. Il pouvait encore sentir sur ses papilles, la saveur sucrée de la pastille à la fraise qu'il avait suçotée sur le chemin. Il sentait l'oxygène parcourir son corps à chaque inspiration. Il sentait son cœur battre, envoyant le sang pulser dans ses veines. Il voyait les oiseaux prendre leur envol, leurs ailes s'adapter aux fluctuations du vent. Il voyait le petit scarabée qui tentait d'escalader son jean, il pouvait sentir ses minuscules griffes s'accrocher aux fibres du vêtement. Il sentait la terre chaude sous ses doigts, il la sentait presque vibrer d'énergie. Il entendait au loin des enfants appeler leurs parents, les voitures passer sur la route, la vie continuer son cours. Et puis, comme ça, il eut l'impression que le parfum de Jungkook s'était accentué tout autour de lui, comme un encouragement pour faire ce qui devait être fait. La flamme du briquet jaillit. Sa chaleur était réconfortante, forte, puissante. Elle s'empara immédiatement des pages du livre, qui s'embrasa sans mal. Jimin sourit. La peur s'était envolée, remplacée par un cœur débordant d'amour :
« Tu ne me l'as finalement jamais dit et je ne te l'ai finalement jamais dit, mais je t'... »
Il ne put jamais finir sa phrase qui resta ainsi inachevée.
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Quelque part, dans le quartier d'Elysian Valley à Los Angeles, une jeune fille était allongée sur son lit, plongée dans un ouvrage quelle avait commencé le matin même. Le libraire le lui avait si bien vendu qu'elle n'avait pas pu attendre d'être rentrée chez elle et commença à le dévorer à peine assise dans le bus. Les mots du vendeur résonnant encore dans un coin de sa tête alors qu'elle tournait avidement les pages :
Un renouveau, une façon d'oublier, une ode à l'amour, une ode à l'espoir...
"Jimin traversa la rue et croisa le regard désolé de Jung Hoseok, qu'il n'avait plus revu depuis cette nuit-là. Ce dernier lui sourit maladroitement, avant de lui faire un signe de la main :
« Hey, salut... »"
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Le soleil était presque couché et la lune commençait, elle, son ascension, éclairant déjà avec force les nombreuses plaques blanches commémoratives du cimetière de Busan. Le vent se leva soudain, faisant se disperser — non loin de là — le petit tas de cendres niché au pied d'un érable en pleine force de l'âge. Seule resta une améthyste violette, luisant faiblement dans la semi pénombre, dernier vestige d'une histoire inachevée mais vivante.
Si vivante...
Dans l'imaginaire de centaines, de milliers, de millions, de milliards de lecteurs à travers le monde entier
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FIN
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PAPER HEART ✧ Jikook ✧☆☾☼☽☆✧
FanfictionLa page blanche : Le cauchemar de tous les écrivains. Auteur à succès, Jungkook est au fond du gouffre depuis les critiques incendiaires de son dernier livre. Il a perdu le goût d'écrire et sa vie ne trouve plus de sens que grâce aux quantités d'alc...
