L'étrange maladie

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La fabrication de cette arme en ébonite me prends un temps considérable, je commence à avoir des commandes qui s'accumulent. Et pourtant, ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus. J'ai comme la sensation d'avoir contracté un virus, ou être empoisonné. Bien que ça soit la première fois qu'une telle chose m'arrive. Est-ce donc ce dont on m'a mit en garde a propos de ce matériau maudit ?  Je me sens bizarre, mais pas forcément physiquement. Je n'ai pas de plaie ouverte, et toute forme virale quel qu'il soit ne peut survivre dans un corps comme le miens. Il finit invariablement par être stérilisé en m'enduisant de flammes. Et pourtant, même avec ça, je ressent encore une certaine anormalité... au fait je n'arrive même pas a savoir s'il s'agit d'un mal physique ou mental. Mais... je ne parviens pas à penser à autre chose que cette jeune femme, et le manque certain de concentration me ferait rater cinq fois mon projet. "Qu'est ce qui m'arrive à la fin !? Reprends toi !" Pensais-je, pour me me faire revenir à la raison. 

Après une longue heure à finaliser le produit, le tremper, le passer à la meuleuse et à monter sa garde, le manche et le pommeau, et aiguiser à la main au papier de verre le panneton de cette étrange clé. Je parviens enfin à la compléter. Cette fille qui qu'elle soit m'en aura fait bavé. Et pourtant, je ne lui en veut pas, je ne sais toujours pas ce qui m'arrive, nonobstant. Un genre d'envoutement ?  Mais pourquoi ? Cette cliente m'a offert beaucoup d'or pour cette commande, si c'était pour que je m'accidente avec ce métal maudit, il y a quand même des méthodes plus efficaces. Enfin, j'espère pouvoir lui en parler quand elle reviendra reprendre sa commande.

"Vous l'avez fait.....vous l'avez réellement fait ?"

Le forgeron que j'assistais contemplait l'arme noire maintenant sur un présentoir. Avec un air à la fois émerveillé et exaspéré. Maintenant que je la regarde sous un autre angle, cet outil semblait dégager quelque chose de mauvais. 

- Qui êtes vous ?.. me demande le vieil homme.

- Khao Oni. Lui Répondais-je, sans la moindre vergogne. Pourquoi répondrais-je autre chose à une question si simple ? Je vous dis ça car visiblement cet homme n'a pas apprécié cette réponse. Il me grimaçait comme si je l'ai pris pour un abruti.

- Moi....j'aime bien...comme nom. Fit une cliente au comptoir, il s'agit évidemment de  cette drôle de fille à l'origine de toutes les questions que je me pose actuellement. Je lui donne alors la commande qu'elle était venue chercher.

- Quoi en faire ? Ça, pas pratique en combat.

- C'est pas pour moi... c'est...pour mon ....père.

- Vous... faire magie ?

- Non...enfin...pas encore...j'apprends...

Je me retiens de lui parler de cet envoûtement qui m'a saisi tout au long de la préparation de cette clef, la pauvre semblait déjà tellement mal à l'aise à parler avec moi. Maintenant que j'y pense, est ce qu'elle ne subit pas elle aussi les effet de cet étrange maladie ? 

- J'ai...............

Bien qu'un mot à été prononcé, l'hésitation me fait reconsidérer à garder la phrase pour moi. Et dans un soupir, je souhaite à cette jeune femme une bonne journée. Je la regarde s'en aller avec sa commande et je me sens partir. Comme si une partie de moi voulait qu'elle reste, que l'on discute un peu, que l'on apprenne à se connaitre. Enfin, elle habite quand même dans le village. Donc comme ça elle s'appellerais Lise.... De Madreaca ? Et elle serait une noble et une apprentie sorcière ? Hmm.. jusqu'a présent les mages que j'ai eu l'habitude de rencontrer en voulaient a ma vie. Et aujourd'hui, dans ce monde étrange, la première magicienne que je croise me rends bizarre. La coïncidence est troublante, c'est comme si j'ai acquis un sixième sens pour sentir les personnes usant de magie. À moins que ça soit autre chose, je n'arrête pas à penser à autre chose que son visage, ses cheveux l'encadrant, sa tenue, ses yeux, ses mains, sa voix.... 

Je suis sous hypnose...

De tout les mages, elle seule a finalement trouvé un point faible chez moi. 

Après avoir terminé les commandes restantes, l'heure de fermer la forge survient. Je pourrait en faire plus, mais tel est la règle d'une forge citadine pour éviter le tapage nocturne. Au même moment je reçois une personne.

- Désolé, on ferme.

- Je ne suis pas la pour acheter, mais pour vous féliciter ! 

Il s'agissait du seigneur du village, venu spécialement me voir à l'enseigne.

- Vous êtes parvenu à équiper chacun de mes hommes en une journée, vous êtes décidément notre sauveur, notre meilleur élément !

Je ne réponds pas. Ce qui pourrait être considéré comme une impolitesse, j'en conviens. Mais que vouliez vous que je réponde. L'homme tapota ensuite sur le sol avec sa canne, attendait il quelque chose de moi ? L'homme que j'assistais se plaça comme interlocuteur afin d'échanger avec notre supérieur hiérarchique. Je range le matériel quand un murmure m'interpelle. 

Son démon, sa fleur
Par le corbeau, désuni
Une cataclysmique fureur
Sous les eaux, demeurera à l'oubli

Ce qui m'interpelle est que pour la première fois dans ce monde, quelqu'un a formulé des phrases que je comprends. Des mots dans ma langue. Mais il n'y avait personne d'autre que nous trois. 

- Enfin bon, Monsieur Khao. J'ai peut-être une demeure dans laquelle vous pourriez dormir cette nuit.

Je ne comprends toujours pas cet homme mais les gestes de sa main sont implicites, il demande de venir avec lui. Me menant à une petite bâtisse, une grange, avant de me confier les clés, que je refuse poliment. J'ai déjà mon chez moi. De plus il va falloir que je m'y rende, j'ai toujours des questions et seul mon père saura y répondre.

Je déploie mes ailes et pris mon envol pour rentrer chez moi, sous le regard ébahi du noble qui me regardait partir en gloussant d'un rire optimiste.


Chroniques d'un éon perdu : Les contes de la Rose NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant