Chapitre 47

58 3 46
                                    

Les pirates étaient arrivés sur la plage. Ils étaient une dizaine de marins, hommes et nains, prêts à ramener les elfes sur le bateau pour mieux les torturer et les balancer dans la flotte. Mais tout ce qu'ils trouvèrent, évidemment, furent Tri et Berrin, les deux nains envoyé en première ligne, étendu dans des flaques de sang, près d'un feu éteint.

Les pirates étaient tous regroupés autour de leurs camarades morts. Certain grognèrent de frustrations, d'autres soupirèrent d'ennuie.

— Je savais que c'était trop dangereux, dit l'un. Et maintenant, les elfes se sont enfuis...

— Tant pis, on retourne au bateau ?

Tous les regards se tournèrent vers Caroc. Celui-ci, un homme grand avec de longs cheveux noirs en queue de cheval, avec les yeux fixés sur les dernières braises du feu. Il n'était pas le chef du groupe – un rôle qui aurait dû revenir à Tri. Il était un marin lambda comme tous les autres. Mais sa carrure et sa voix grave incitaient ses compagnons à se ranger de son côté. Ce que lui-même trouvait plutôt ironique, car il avait souvent du mal à prendre des décisions, ce qu'il camouflait au mieux derrière un ton désinvolte.

— Si les elfes sont cachés dans cette forêt, je ne vois pas de quelle façon on pourrait les retrouver...

Caroc s'interrompit, puis se pencha plus près de ce qu'il restait du feu de camp. Était-ce à cause de l'obscurité ambiante, ou les braises avaient une drôle de forme ?

Il n'hallucinait pas, pourtant ; d'autres l'avaient remarqué.

— Qu'est-ce que c'est ? fit l'un en s'accroupissant près du feu.

Le pirate prit un bout de bois et piqua dans les braises. Un grognement se fit alors entendre, et la cendre ce mit à bouger. Le pirate eut un mouvement de recul, mais Caroc, au contraire, c'était approché.

— C'est... un dragon ? demanda l'un. Je ne savais pas qu'il y avait des dragons sur ce pays.

Caroc envoya un coup de son bâton sur le dos de la créature, qui lâcha un petit jet de flemme avant de se rouler en boule, la tête sous l'aile.

— J'essaie de dormir ! grommela Jean.

— Un dragon qui parle ! C'est plutôt rare, ça.

— Moi, j'en ai connu un, il y a longtemps, dit Caroc de sa voix grave. Il s'appelait Jean.

Jean s'arrêta aussitôt de faire semblant. Il venait de comprendre que quelque chose clochait. Et surtout, il reconnaissait cette voix ; elle remontait à loin dans ses souvenirs, mais il était impossible de se tromper.

Lentement, Jean releva son aile pour regarder autour de lui. Il vit une dizaine de visages l'observer avec amusement. Jean réagit aussitôt ; il tenta de s'envoler, mais Caroc plongea sur lui au même moment et l'attrapa d'une seule main serré sur son dos, les doigts repliés sur son ventre. Jean grogna et envoya des coups de patte, puis cracha quelques jets de flammes sans atteindre personne. Tous les pirates pouffèrent de rire à ses vaines tentatives.

— Ouais, c'est bien toi, Jean ! s'exclama Caroc. Maintenant que j'y pense, il est vrai que j'ai entendu une rumeur disant que Mormen est mort depuis quelques mois.

Jean essaya encore une fois de se dégager, sans succès. Il grogna, se débâtant de toutes ses forces. Caroc dut y mettre sa deuxième main pour retenir son corps de serpent, mais il riait toujours de lui.

— Sale bête sans aucune valeur morale, fit Caroc. Tu te ranges du côté des assassins de ton maître.

— C'est un dragon, dit un autre pirate, comme si ce fait expliquait tout. À quoi tu t'attends ?

La Légende de Nyirdall, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant