Chapitre 57

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Quelques heures supplémentaires passèrent dans le silence avant que le bateau n'atteigne Mefghan. Danayelle et Leerian regardaient la ville avec un gout amer dans la bouche. Tous deux pensaient à la même chose ; encore une fois, leurs aventures signaient son arrêt dans cette ville. C'était toujours à Mefghan qu'ils prenaient terre pour ensuite de se faire ramener à Stanmore par la peau des fesses.

— Terminus ! Tout le monde descend ! clama Sin tout en s'amarrant au port.

Personne n'osait bouger. Autant ils étaient soulagés d'être de retour au pays, autant la présence du djinn les angoissait tous, particulièrement Leerian qui se cachait derrière Danayelle. Chris était juste là, les bras croisés, observant le petit bateau dont Sin nouait les cordes pour le maintenir en place. Les hommes, elfes, nains et sirènes, sur le port, regardaient le djinn à la dérobé et chuchotaient entre eux. Personne n'osait l'approcher à plus de trois mètres.

Il se démarquait complètement du lot. Habillé d'un costar cravate parmi les paysans en jeans et en toiles, sa peau bleue n'était visible que sur son visage et ses mains. Même ses cheveux noirs étaient si parfaitement peignés qu'ils en brillaient sous les rayons du soleil.

— Allez, sortez, insista Sin au bout d'une minute d'attente. Il ne va pas vous bouffer.

Chris aussi s'impatientait. Il s'avança vers le bateau et, comme un signal, Helm et Ehdi sautèrent à terre et s'enfuirent tels des fugitifs. Le djinn n'en fit aucun cas, se décalant légèrement de côté pour les laisser passer. Non, il n'avait d'yeux que pour Leerian, dont seul un bout de ses cheveux d'argent dépassait au-dessus de l'épaule de Danayelle.

Adan aussi en profita pour partir. Il entraina Mishi avec lui, qui tira sur son bras pour tenter de le ralentir. Elle souhaitait dire quelque chose à Leerian, n'importe quoi. Mais tout ce qu'elle parvint à faire, à la vitesse dont la trainait son père, fut d'échanger avec lui un regard triste.

Leerian voulut l'appeler, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Malgré lui, la peur le tétanisait. Il le savait bien ; Chris venait droit sur lui.

— Au revoir, Leerian, dit Danayelle d'une voix trahissant son angoisse. Je suis désolé...

Elle se tourna vers lui, comme dans l'intention de le serrer dans ses bras, mais se ravisa en lançant un bref coup d'œil vers Chris. Elle fit un petit couinement nerveux, puis s'enfuit à son tour sans plus penser à Leerian.

Chris s'arrêta sur le quai, tout juste devant le bateau. Les bras croisés, il observait Leerian avec un sourire en coin, purement provocateur.

— Alors, tu vas sortir ? Ou tu préfères que je vienne te chercher ?

Leerian se leva enfin, chancelant légèrement sur ses jambes. Il tourna la tête à droite, vers Sin, qui retenait le bateau par la corde sur le quai. Puis, à gauche, où Narsa et Egrim étaient assis. Tous semblaient plutôt calmes malgré la présence du dieu, sauf Egrim qui regardait ailleurs en se mordant les ongles avec tant d'intensité que le bout de ses doigts se teintait progressivement de rouge.

Quand Leerian reporta son attention sur Chris, il remarqua, pendant une seconde, que lui aussi observait Egrim. Puis leurs yeux se croisèrent, et Leerian baissa la tête en s'avançant enfin.

— Merci de me l'avoir ramené, dit Chris à Sin.

— Oh, euh... pas de quoi, bredouilla-t-il.

Les joues de Sin virèrent au rouge. C'était la première fois qu'un djinn s'adressait à lui, et malgré la phrase simple, il avait l'impression qu'un évènement particulièrement exceptionnel s'était produit.

— Viens, Leerian. Je te raccompagne chez toi !

Chris tourna les talons sur le quai pour retourner au port. Leerian n'avait pas envie de le suivre ; il voulait prendre la direction opposée et s'enfuir en courant, ou peut-être même lui planter sa lame dans le dos. Mais entre ça et espérer un jour chevaucher un dragon ancien, quel était le plus irréaliste ? Leerian en était bien conscient ; s'il ne faisait que remuer un orteil de trop, Chris n'aurait qu'à claquer des doigts pour le désintégrer. Aussi, Leerian le suivit, la tête basse et la main serrées sur le pommeau de son épée, rien que pour le sentiment de réconfort que ce geste lui apportait.

La Légende de Nyirdall, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant