Katell

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« L'étoffe des héros est un tissu de mensonges. »
Jacques Prévert

Quelques heures auparavant.

Il est 18 heures, lorsque je quitte mon vestiaire remisant dans mon casier mon uniforme et mes crocs fleuris.

La classe à l'état pur dans mes belles chaussures !

Ayant peu de patients au sein du service en cette fin d'après-midi et au vu de mon quota d'heures supplémentaires - qui feraient en pâlir plus d'un -, ma cheffe de service dans sa grande bonté d'âme m'octroie la possibilité de partir plus tôt. Le rêve.

Toute guillerette par cette opportunité j'imagine déjà, la surprise que je vais pouvoir faire à Clément, mon petit ami. C'est l'homme parfait ! Grand, brun aux yeux marrons couleur caramel fondus, toujours rasé de près, habillés avec goût et raffinement. Il entretient sa forme physique en allant à la salle de sport plusieurs fois par semaine, ce qui lui procure son exutoire. Son statut de bras droit dans l'importante société de son père dans l'import-export lui impose beaucoup de sacrifice. Il bosse énormément pour gravir les échelons et rêve d'ici quelques années de reprendre les rênes de son père lorsqu'il partira à la retraite. Clément est issue d'une famille bourgeoise tout comme la mienne, je dénote un peu au sein de ce cocon de grande étude, moi la petite aide-soignante.

Je marche d'un pas assuré, le sourire aux lèvres en imaginant sa stupéfaction en me voyant arriver de bonne heure chez lui. Nous avions prévu avec Clément de nous retrouver à la fin de ma journée de travail vers 22 heures, afin de regarder un film et passer du temps ensemble. Une semaine que nous ne pouvions nous voir à cause de nos horaires différents et ses déplacements. Je ne lui envoie pas de message pour le prévenir, je privilégie la surprise.

Sur le chemin de son appartement je m'arrête dans un distributeur à pizzas pour ne pas à avoir à cuisiner en arrivant chez lui et ainsi profiter au mieux de mon petit ami. Je déambule encore quelques minutes avant d'arriver devant son immeuble. Son logement est situé au second étage, je ne prends pas l'ascenseur, préférant utiliser les marches en pensant que l'exercice va raffermir un tant soit peu mon fessier en gravissant les escaliers. Je porte mes cartons de repas à bout de bras, mon sac besace entrave un peu mon ascension, tout en sachant qu'il ne me reste plus que quelques marches à monter. Arrivant sur le palier de Clément, je vois sa petite octogénaire de voisine, Madame Duval qui sort ses poubelles. Elle et moi avons sympathisé au fil de mes visites chez mon petit ami. Je propose alors à la vieille dame si elle souhaite que je porte ses détritus au local prévu à cet effet ; à la cave. Je ne suis pas à quelques minutes près pour elle, je peux bien décharger cette femme de sa corvée.

- Ne vous inquiétez pas mon petit, un peu d'exercice ne va pas me faire de mal. Il faut bien que je dérouille mes vieilles articulations.

Clac.

Un son mate et perçant vient de nous faire sursauter.

Clac.

Il se répète suivi d'un hurlement de femme. Madame Duval et moi nous fixons suite au cri que nous venons d'entendre. Aussitôt le visage de la vieille femme se ferme et son sourire disparaît. À cet étage seulement deux appartements se font face, celui de l'octogénaire et celui de Clément. Le bruit se reproduit suivi cette fois d'un gémissement, et de multiples grincements de meubles à intervalle régulier. Je reste pantoise ne comprenant pas d'où les sons peuvent provenir. Je remarque alors le regard peiné de la grand-mère qui me tient compagnie. Madame Duval avance sa main libre et saisit la mienne à cet instant en la pressant fortement comme si elle me donnait du courage.

- Je suis soulagée ma petite que cette tragédie prenne fin et que vous ouvriez les yeux, prononce-t-elle à voix basse.
- Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas...

SAVE US [Terminé  ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant