Gabriella

249 30 0
                                    

« Le dernier de nos désirs est généralement le premier comblé. »

Anonyme

Me lever devient à calvaire, alors je passe le plus clair de mon temps dans mon lit. J'ai de plus en plus de difficulté à rester éveillée. Mon corps n'est que douleur, pourtant lors de sa dernière visite le médecin a augmenté mes doses d'antalgiques, mais cela ne suffit plus. Le simple fait de bouger un membre de mon corps est un supplice. Je ne m'alimente plus non plus. L'odeur de nourriture me soulève le cœur et la sensation de faim ne se fait plus ressentir.

Katell continue de me faire la lecture, sa voix douce ne fait que susurrer les mots qu'elle lit. C'est comme une douce chanson qui vole jusqu'à mes oreilles. Je suis touchée qu'elle persiste à conserver ce lien pour me faire plaisir.

Le seul besoin que j'éprouve est d'être auprès des miens. De sentir leur présence, d'entendre leur voix, de les voir simplement. Juste eux.

La seule chose que je ne perds pas, c'est mon sourire. Je suis choyée, dorlotée et surtout entourée par les deux personnes qui comptent le plus pour moi. Mon amie Jeanne voulait venir me voir, elle m'en a fait part lors de notre précédent appel, malheureusement je considère cette visite comme un dernier au revoir et je ne m'en sens pas capable. J'ai préféré décliner. C'est égoïste de ma part, mais savoir que je rends mon amie triste me brise le cœur, je sais que n'ai pas la force pour l'affronter de visu. Je suis lâche face à elle. J'abandonne Jeanne. Bien qu'au plus profond de moi je suis sûre qu'elle comprend mon désir. Avoir connu une personne toute sa vie, assister à ses joies et peines et ne pas réussir à lui dire dignement adieu est trop dur pour moi. Notre amitié est trop solide et surtout vieille pour qu'elle m'en tienne rigueur, elle sait faire la part des choses. La pudeur qui me retient de me montrer faible aux yeux de tous est un lourd fardeau que je ne peux assumer. Je n'ai plus assez de force pour porter cette croix. Quand j'ai demandé à Victor de rentrer à la maison, il y a plusieurs mois, c'était en prévision de cet instant. Je ne voulais pas qu'une équipe soignante aussi dévouée soit elle s'occupe de moi. Je voulais absolument être dans un lieu rassurant, avec mon fils et par ricochet Katell. Je désirai terminer ma vie en ayant ma dignité. J'ai choisi. Et grâce à eux ils ont pu répondre à mon souhait.

Je peux dire à présent que je suis quasiment prête à me libérer de mon enveloppe de chair et quitter ce monde. Trouver une paix éternelle et enfin être délivrée de ce mal qui me ronge.

J'ai essayé de lutter, je me suis battue, j'ai muselé la douleur et j'ai gardé la tête haute. Le courage ainsi que la détermination ne m'ont jamais quitté. Je n'ai jamais douté de mes choix ni de la finalité. Je voulais me prouver une dernière fois que je pouvais être capable de décider de la fin de ma vie.

Ma dernière bataille n'a pas été sans embuche. Je n'avais imaginé partir en étant malade. J'ai toujours cru avoir le temps de voir mon fils s'épanouir encore plus, voir sa famille et profiter avec eux. Mais nous n'avons pas de date de validité, nous ne sommes pas des consommables. Nous, être vivant devons assimiler que notre vie peut nous échapper à chaque instant. Nous devons comprendre que nous pouvons disparaitre du jour au lendemain. Nous pouvons quitter cette terre sans avoir le temps d'avoir accompli nos rêves, nos envies, nos désirs. Alors il faut en profiter. Vivre comme si demain n'existait pas. Vivre sans regret. Vivre simplement !

En faisant le bilan de ma vie, je me rends compte que tout ce que je voulais je l'ai eu. Un fils parfait et aimant. Une vie remplie d'amour même si je n'ai pas eu d'homme à mes côtés, le fait que Victor soit près de moi suffisait à mon bonheur. Le manque de mes parents a été pesant, j'en ai souffert je l'admets, mais leur ouverture d'esprit était trop étriquée, leur jugement trop difficile a supporté et leurs convictions trop oppressantes. Mon fils et Jeanne ont été les moteurs de ma vie grâce à eux je me suis épanouie. L'entrée de Katell dans ma vie a été une vraie délivrance. Ma sauveuse comme je l'aime l'appelé a su me donner un cadeau inestimable celui d'être là où je souhaite. C'est comme si j'étais un sablier cassé s'égrenant à vive allure, elle seule arrivant à colmater la brèche comme elle a pu. Les grains de sable ont alors stoppé leur fuite grâce à son aide si précieuse et j'ai pu gagner du temps. Des semaines, voire des mois heureux.

SAVE US [Terminé  ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant