Victor

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« La confidence est contagieuse... »

Lucile Vallière

Je toque doucement à la porte de chambre de ma mère et l'ouvre délicatement. Je ne sais pas comment elle va réagir en me voyant. Je suis penaud en arrivant à la hauteur de son lit, je n'ai pas encore osé la regarder. J'ai honte.

Honte de ma réaction, de ma colère, de ma fuite. Tout était mal placé, déplacé je dirai même.

Qui pourrait me blâmer ?

J'entends le bruissement des draps signe que Gabriella bouge. Elle n'a pas encore parlé. Je redoute ses mots. Je mérite de me faire remonter les bretelles, comme quand j'étais gosse et que je faisais une bêtise.

Je m'assois près d'elle sur son lit relevant le visage pour noter ses yeux gorgés de larmes. Son regard triste me lacère le cœur. Comment ai-je pu faire autant de peine à cette femme ? Elle si douce, qui m'a dédié sa vie. Je suis impardonnable.

Ma mère pose sa frêle menotte sur ma joue dépourvue de mon épaisse barbe - j'ai pris le soin de la tailler - pour lui faire plaisir. J'ai seulement laissé quelques millimètres de poils sur mon visage pour ne pas me sentir à nu. La froideur de sa main me donne des frissons qui parcourent mon corps de la racine de mes cheveux, à la pointe de mes orteils. Soudain, elle accroche ses doigts à l'arrière de mon crâne et faisant pression sur ma tête pour la porter sur son buste. Je me love contre son corps d'où je distingue les pulsations régulières de son organe cardiaque.

- Entends mon cœur comme il bat pour toi, souffle-t-elle. Entends sa musique, entends les paroles qu'il te chante. Il ne vit que pour toi, mon fils. Ce cœur je te l'ai partagé le jour où tu es né. Il s'arrêtera avec moi quand je partirai, mais sache mon petit garçon qu'il ne s'éteindra jamais, car il vibrera à travers toi. Il aimera, il continuera son existence en toi. Tu le partageras à ton tour lorsque tu seras en mesure de trouver la personne qui sera ton tout comme tu es le mien. Tu verras que ce n'est pas une mince affaire. Ça sera dur ! Tu douteras, tu auras peur, peut-être mal, mais tu seras toujours fort, car tu te souviendras que ce cœur je l'ai porté. Je veux que tu me promettes Victor que tu ne le fermeras jamais pour le barricader derrière une forteresse. Il aura besoin de s'exprimer et de ressentir des émotions. Et surtout, comprends mon grand qu'il est toujours possible de pardonner quoiqu'il se passe. Il faut pardonner. Accepter les choix des autres quand ce ne sont pas ceux que toi tu aurais imaginé. Ce cœur te permettra d'accomplir le plus insurmontable.

Je renifle, ma mère me cueille par sa sagesse. Je suis décontenancé par ses mots. J'ai l'impression d'entendre ses adieux. Bien trop tôt. Je ne suis pas prêt. Le serais-je un jour ? J'en doute...

- Maman... chuchotais-je lorsque je remonte ma tête pour la coller dans son cou. Je hume son parfum, je m'imprègne de son odeur, j'imprime au plus profond de moi ses souvenirs indélébiles. Je fixe dans mon cerveau son effluve de vanille dû à son gel douche, je grave ses paroles dans mon cerveau pour me les remémorer autant que possible.

- Promets-le-moi Victor ! Je suis lucide mon fils, je sais où je vais et je ne peux lutter. Je te dis ses paroles maintenant pour que tu puisses me comprendre, accepter, pardonner mes fautes. Ce discours est important Victor pour que tu le gardes en mémoire jusqu'au jour ou...

- Promis, mais s'il te plait n'en dis pas plus...

Mes yeux me piquent, les larmes montent pourtant, je ne veux pas les verser. Je ne souhaite pas qu'elle me voit faible. Je dois être fort pour elle.

- Un jour ce moment viendra.

- Oui, mais pas encore... pas encore. Tu es là avec moi, je la serre dans mes bras pour lui transmettre ma force. Elle me rend mon étreinte.

L'instant dur. Les aiguilles de l'horloge qui est fixée sur le mur en face de son lit troublent ce silence. Il n'est pas pesant. Dans cette position nos cœurs sont liés, collés et ne forme qu'un. Ils sont unis.

- Maman, es-tu sûre qu'il n'existe pas un moyen, des traitements, d'autres analyses ou toubibs qui puissent nous donner plus de temps ?

- Non Victor, j'ai déjà vu plusieurs médecins qui se sont même mis en relation pour discuter de mon cas. Et les retours ont été unanimes. Ils ne peuvent rien faire, c'est d'ailleurs pour ça que je souhaiterai te demander une faveur.

- Tout ce que tu veux.

- Ne sois pas si pressé. Tu es toujours aussi fonceur et tu l'as toujours été. Déjà gamin tu ne savais pas marcher que tu voulais déjà courir, ricane-t-elle.

Elle allège cette atmosphère somme toute pesante.

- Je souhaiterais sortir de cet hôpital et rentrer à la maison.

Je me redresse et me place face à ma mère. J'attrape ses mains dans les miennes pour ne pas perdre notre fusion.

- Dans ton état ce n'est pas raisonnable d'envisager un retour, tu es trop faible, maman.

- Je le peux, affirme-t-elle. Je me suis entretenue avec les médecins ce matin et il est possible que je rentre à la maison. Il faut juste mettre des aides en place pour m'aider au quotidien ou trouver une personne capable de m'épauler.

- Je serais là.

- Non, non Victor. Tu ne comprends pas ça ne peut pas être toi qui sacrifies ta vie. Et tu ne peux pas m'accompagner aux w.c., m'aider à faire ma toilette, mince un peu de respect pour mon intimité tout de même ! s'offusque-t-elle.

- Mais...

- La condition pour que je puisse sortir est d'avoir quelqu'un près de moi.

J'accuse sa demande, mais s'il le faut on y parviendra. Je ne sais pas comment ni où je vais pouvoir dégoter cette personne, mais je vais le faire. Pour elle.

-Ok.

- C'est vrai tu acceptes que je rentre à la maison ?

- Oui.

- Ohh Victor, je suis si contente. Je vais pouvoir regarder la mer de la maison et changer la vue de cette chambre.

Voir ma mère si enthousiaste me réchauffe le cœur. Je vais me renseigner pour y parvenir.

- Dans combien de temps peux-tu sortir ?

- Les médecins m'ont dit que cela se ferait une fois tout mis en place à la maison.

- D'accord. Maman... Je... Enfin...

Je dois lui poser la question qui me turlupine depuis presque trois jours. Elle attend suspendue à mes lèvres pour savoir ce que je n'ai peur de lui demander.

- Est-ce que... tu me pardonnes ?

Elle me jauge ne comprenant pas le sens de ma question. Je précise alors :

- Ma fuite, murmurais-je penaud.

- Ohhh mon bébé !

Elle me reprend dans ses bras pour me cajoler en me berçant, comme elle le faisait quand j'étais enfant.

- Bien sûr que je te pardonne, tu n'as même pas besoin de me poser cette question gros bêta.

- Je t'aime maman... terminais-je.

- Moi aussi mon fils, je t'aime plus que tu ne puisses l'imaginer.








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SAVE US [Terminé  ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant