Victor

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« Les erreurs ne se regrettent pas, elles s'assument. La peur ne se fuit pas, elle se surmonte. L'amour ne se crie pas, il se prouve. »

Simone Veil

Mais qu'est ce que j'ai fait !

Quand j'ai émergé de mon état de choc, la première phase du deuil, j'ai compris que j'avais grave merdé. J'ai été odieux envers Katell, je l'ai chassé de chez moi, de chez elle aussi, car elle a vécu ici de nombreux mois pendant la maladie de maman. J'ai été tellement submergé que je n'ai pas su me contenir et accepter son aide et son soutien. J'ai été aveuglé par ma colère – seconde phase du deuil –, mon refus de voir la réalité et j'ai agis comme le pire des connards, car elle aussi venait de perdre une personne qui lui était chère.

Quand je suis sorti de la chambre de ma mère, j'ai vu que toutes les traces de ma fureur avaient été nettoyées, plus de verres brisés, plus de fleurs au sol. Katell avait aussi entamé les démarches pour faire transporter le corps de ma mère au funérarium, elle avait rempli les papiers avec le médecin qui est par la suite venu me voir et que j'ai largement envoyé chier lui aussi. Katell avait pensé à gérer toute la paperasse qui m'incombait suite au décès de ma mère, elle avait pensé à tout. Même à laisser ses clés comme je le lui avais demandé.

Qu'est-ce que j'ai pu être con !

Alors, le lendemain pour oublier ma tristesse, évacuer ma colère j'ai appelé Romain. Mon ami est le seul qui pouvait me remettre les pendules à l'heure. Sans demander ou poser de questions, il est arrivé et nous avons pris nos motos pour rouler. Rouler sans réfléchir, juste rouler et avaler les kilomètres. Mon pote s'est rendu compte que je n'avais pas réussi à endiguer toute la hargne que j'avais alors il m'a conduit jusqu'à la salle de boxe ou nous y avons nos habitudes. Là, sur le ring je lui ai mis la pire misère du monde. La sueur avait beau me piquer les yeux et le visage, mes poings ne s'arrêtaient pas. J'ai cogné comme un forcené. Romain a déclaré forfait assez vite, mais sans se départir de sa bonne volonté, il m'a forcé à frapper sur le sac de frappes. Il a tenu le punching-ball pendant que je déversais tous mes sentiments.

La perte

La douleur

La tristesse

La colère

L'abandon

L'amour

Je revivais les dernières heures de ma mère, les derniers instants avec Katell. Les choses atroces que je lui avais balancées au visage. Je l'ai molesté, et je m'en veux à mort. Je m'en suis pris à elle, alors qu'elle aussi venait de perdre une personne qu'elle aimait. Elle, cette femme si douce, si aimante a accepté sans broncher. Elle a su s'effacer pour me laisser du temps et accepter ce qui m'arrivait.

Hors d'haleine, j'ai fini par éclater ma haine en sanglot. J'ai pleuré devant mon pote, mon armure venait de tomber et il a été là. Présent, près de moi. Il m'a écouté alors que nous étions assis à même le sol de la salle puante la transpiration, comme nous d'ailleurs ou plutôt surtout moi. Romain n'a pour dire pas parlé, j'ai ouvert les vannes et le flot de paroles était incessant. Je n'ai jamais été aussi loquace. Mes larmes mêlées à ma sueur ruisselaient sur mon visage.

Le soir, Romain ne m'a pas laissé seul non plus. Il est resté. J'ai fumé comme un pompier admirant d'un œil vitreux les volutes de fumée après avoir noyé mon chagrin dans l'alcool. Selon mon pote une bonne gueule de bois ne pouvait qu'aider mon processus. Le pauvre a alors entendu le nom de Katell au moins un mille de fois.

Katell est si merveilleuse. Katell est la femme de ma vie. Katell est si belle.

Katell... Katell... Katell...

Mon pote a été aussi bénéfique qu'une session chez le psy. Il a su décortiqué la relation que nous avons eue, car lui seul était au courant que la blonde, ma tigresse avait réussi à percer la carapace que je m'étais formée. Enfin lui seulement non, car ma mère s'en était rendu compte et elle me l'avait déjà fait remarqué. Mais moi trop brut, trop renfermé, je n'ai pas su voir l'évidence.

Sur ses constatations je me suis endormi avachi sur le canapé du salon la tête pendante les pieds relevés sur le dossier du canapé. Alors au réveil le lendemain la nausée était ma meilleure amie. J'ai cru vomir, tripes et boyaux. Quelle idée de dormir de cette manière, cependant à ma décharge je n'ai presque plus aucun souvenir de la fin de la soirée. Romain est parti au petit matin non sans avoir pris une photo avec son portable qu'il m'a ensuite envoyé par message pour se foutre de ma poire.

Ce mec a été un vrai pilier. Il m'a juste précisé dans un autre SMS : que j'étais le pire de tous les cons d'avoir chassé la femme que j'aime. Je crois que la troisième phase, la résignation était en marche. Chaque jour depuis son départ, je vais au funérarium voir ma mère. Et je sais que je ne suis pas le seul à m'y rendre, car de nouvelles fleurs viennent s'ajouter aux précédentes à chacune de mes visites. La seule autre personne capable de venir ici n'est autre qu'une jolie petite blonde. Jeanne, la meilleure amie de ma mère n'arrête pas de me laisser des messages sur mon téléphone et je n'ai pas encore réussi à lui répondre. Je dois prendre mon courage et au moins daigner lui adresser une parole, car elle a perdu sa meilleure amie.

Dans la maison il n'y a plus aucune trace d'elle. Katell a tout emporté. Il n'y a plus rien dans son ancienne chambre, dans la salle de bains, nulle part. Tout est vide. Comme si elle n'avait jamais mis les pieds ni vécu ici. Et ça me tord le ventre. J'erre comme une âme en peine et esseulée.

En peine suite à la perte de ma mère et esseulée à cause du manque de Katell.

Comment ai-je pu être sans cœur à ce point-là ? Comment ai-je pu lui cracher ma haine au visage sans qu'elle ne réagisse ?

En même temps comment aurais-tu voulu qu'elle le fasse, étant donné que, tu ne lui as pas laissé le temps d'en placer une, me rappelle ma conscience.

J'ai été le pire des cons comme me l'a dit Rom. Je dois à tout prix lui faire mes excuses. Je suis à présent prêt pour l'acceptation et la reconstruction, dernière phase du deuil. Il m'aura fallu presque une semaine pour panser mes blessures, mais à présent je suis prêt.

7 jours peuvent paraitre peu pour certains afin de réaliser les diverses phases de deuil. Mais pour moi, ils ont été suffisants. C'est vrai dans mon malheur, j'ai eu des mois pour me préparer, pour accepter. J'ai dégoupillé, car je ne me sentais pas prêt à voir ma mère m'abandonner. Mais au final, au force de me faire des nœuds au cerveau à décortiquer mes moindre faits et gestes depuis ce jour funeste, je me suis rendu compte que j'ai été injuste. Je me suis plein de ne pas avoir eu assez de temps mais j'en ai eu à loisir. J'ai été tellement aveuglé par mes émotions et incapable de les gérer que j'ai agi comme un con. Depuis, j'ai réfléchis encore et encore sur mon comportement lamentable et impardonnable. Cet introspection m'a permise de mettre les choses au clair dans ma tête et dans mon cœur.

Maintenant, j'appréhende demain, car c'est le dernier au revoir que je vais avoir avec ma mère, mais surtout je vais devoir affronter Katell.

La jolie blonde a été pour moi un déclic, j'ai compris dans ses bras ce que le mot « amour » signifie. Et j'ai blessé l'amour de ma vie.

C'est la pire erreur que j'ai pu commettre dans ma vie et je dois y remédier. Cependant demain une épreuve m'attend, nous attend...




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SAVE US [Terminé  ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant