Chapitre 6 | Billy

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Je déambule dans ces couloirs depuis une éternité. En avisant le cadran de ma montre, je constate qu'une demi-heure s'est écoulée depuis que j'ai passé les portes du lycée, autrement dit, une demi-heure de trop quand il y a un entretien d'embauche en jeu. J'ai un sens de l'orientation terrible, j'avais du mal à me retrouver sur le terrain boisé de mes grands-parents, même après sept ans passés là-bas, alors un lycée étranger grouillant de monde...

– Excuse-moi, je cherche la bibliothèque, est-ce que...

La fille à qui je me suis adressée marmonne une syllabe, les yeux vitreux fixant obstinément le vide. Elle part avant que je puisse avoir l'idée de finir ma phrase.

– Super..

– Perdue ?

Je me retourne, quasiment en sursaut, pour être confrontée à un visage que je me serais bien passé de revoir. Entre Dustin, Eddie, ou l'un des membres du Hellfire qui doivent se trouver dans ces couloirs, il fallait pourtant que je tombe sur Billy.

– Non. Et même si ça avait été le cas, je pensais avoir été claire la dernière fois.

– Peut-être. Mais après réflexion, je pense pas que t'aurais pas le cran de faire quoique ce soit à mes noix bien au chaud dans leur paquet.

 Mais après réflexion, je pense pas que t'aurais pas le cran de faire quoique ce soit à mes noix bien au chaud dans leur paquet

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Son rictus et sa manière de me citer mot pour mot me crispe instantanément. Mon sang pourrait tout aussi bien se mettre à bouillir dans mes veines, et à la manière dont ses yeux se plissent par défi, je pense que c'est exactement l'effet escompté. 

– Approche-toi encore de Dustin ou l'un de ses amis et je te prouverais le contraire. Un grand gaillard comme toi, s'en prendre à des gosses, sérieusement. Est-ce que t'as au moins les noix dont on parle ?

C'est désormais à son tour de perdre son expression victorieuse pour un mépris non feint, pourtant loin de m'effrayer. En revanche, l'heure qui continue à tourner, elle, me rappelle à l'ordre d'avancer.

– Si t'avais envie de les voir de tes propres yeux, il te suffisait de demander trésor.

Il ricane, je fais mine de ne pas l'avoir entendu.

– Tu comptes emmerder une autre ado pour trouver ce que tu cherches plutôt que mettre ta fierté de côté et me le demander ?

– Tu comptes me suivre pour vérifier ?

– Pour te voir galérer jusqu'à ce que tu cèdes ? Évidemment.

– Pourquoi t'es là au juste ? Au lycée ? Me dit pas que t'es encore élève.

J'ai touché un point sensible, je le vois aussitôt à la manière dont ses yeux s'assombrissent.

– J'étais trop occupé à essayer de pas crever pour réviser. 

Dustin avait évoqué quelque chose comme ça la veille.

"Il a failli y passer"

Je ne laisse pas paraître à quel point je suis intriguée, ni ne compte assouvir ma curiosité maintenant. Mais le fait est que je m'interroge, peut-être qu'il est simplement question d'un accident de la route au vu de sa manière de conduire, mais j'ai la nette impression que c'est plus complexe que ça.

– Mais tu connais ça, toi aussi, non ? Ajoute-t-il.

Je pile à l'entrée du hall et relève les yeux vers lui. 

Il sait. Il sait vraiment ? Comment il pourrait savoir ?!

Comme s'il pouvait lire mes pensées aussi clairement que si je les avais formulées à voix haute, il y répond :

– J'ai fait mes recherches.

Il ne flanche pas mais ne s'en amuse pas non plus. Un instant, j'entrevois dans ses yeux une résignation qui m'est familière et qu'il vaut mieux ne jamais reconnaître en soi-même. Comme je garde le silence, il se rapproche et retrouve une expression railleuse. 

– Tu trouveras jamais ce que tu cherches à temps sans mon aide, alors vas-y, supplie-moi et je te dirai où est ta précieuse bibliothèque. Je t'écoute, Amber.

L'écorchure volontaire de mon prénom attise ma colère.

– T'es odieux. Tu le sais, et t'aimes ça, ce qui est encore pire.

Un rictus déforme ses lèvres. Tant de confiance et d'autorité dans un seul être. Il fait un nouveau pas vers moi. Le rendant proche, trop proche. Quand il me répond, dans un quasi-murmure rauque, son souffle cingle ma tempe.

– Je peux l'être encore davantage, si c'est le genre de trucs qui te chauffent. 

Je recule d'un pas, comme si ses mots m'avaient giflé. Instinctivement, je me force à soutenir son regard. Ne pas flancher.. ou il aura gagné. Mais avant que je puisse dire un mot de ce ressentiment cuisant, il extirpe une cigarette de sa veste qu'il glisse au coin de ses lèvres en me contournant. Son épaule frôle délibérément la mienne à son départ et sans se retourner :

– À ta gauche au fond de ce couloir.

Après avoir jeté un œil vers la direction indiquée, je le vois disparaître par les portes grandes ouvertes du lycée. J'avance à mon tour, les joues brûlantes, pour longer le hall une fois de plus. Malgré ô combien suivre son instruction blesse mon orgueil, je suis sa directive jusqu'à me retrouver devant la bibliothèque, et sa gérante à la mine passablement agacée. Ça commence mal.

Pourtant, la seule réflexion qui tourne en boucle dans ma tête n'a plus rien à voir avec cet entretien :

Qu'est-ce que Billy peut bien me vouloir ?

Back to Hawkins | Eddie MunsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant