Tome 1 | Chapitre 1 : Thirsty Cat

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(Réécrit et corrigé)

Bonnie

♩ People Are Strange, The Doors

Il continue à pleuvoir des cordes, la pluie se déverse sur le bitume, finissant sa course dans les bouches d'égouts. Le vieux radiateur mural émet un léger grésillement qui s'insinue dans mes oreilles. Je me suis trop focalisée dessus et maintenant je n'entends plus que ça.

— Donc vous n'avez aucune expérience ?

Le trentenaire qui me fait face me regarde d'une drôle de façon. Ses yeux bleus sont partiellement dissimulés derrière ses lunettes rondes qui lui donnent l'air sérieux et plus âgé.

— Non, en effet, mais j'apprends vite.

— Très bien. Je vous prends à l'essai dans ce cas, mais sachez que le salaire n'est pas très élevé et que les services du soir sont souvent intenses.

J'apprécie son honnêteté qui n'est pas donnée à tout le monde, ce qui est dommage quand on y pense. Ça éviterait bien des désagréments si tel était le cas. J'observe à nouveau la décoration du bar Thirsty Cat où le temps semble s'être arrêté. Il est typiquement anglais et situé dans un vieux bâtiment qui a dû voir défiler bon nombre de générations. La salle biscornue et les alcôves apparentes ajoutent du charme, en plus de la boiserie foncée omniprésente. La lumière naturelle du jour est entravée par les nombreuses affiches collées contre les différentes fenêtres, certaines jaunies par le temps qui s'est écoulé, indéniablement. L'ambiance feutrée a quelque chose de rassurant. Les nombreuses bouteilles d'alcool sur les étagères, derrière le comptoir, sont impeccablement bien rangées. Rien ne dépasse. L'éclairage des ampoules se reflètent joliment sur les liquides plus ou moins foncés. Une vieille musique s'échappe du jukebox : People Are Strange de The Doors.

— Dan, j'ai besoin d'un coup de main !

La voix étouffée semble provenir de l'arrière du bar, sans doute de l'espace réservé aux employés. Le roux aux tâches de rousseurs m'adresse un sourire aimable avant de se lever de la banquette en cuir rouge. Sa moustache à la Charlie Chaplin lui va à merveille. Il dégage un style vestimentaire atypique qui démontre qu'il se fiche pas mal du regard des autres. Comme j'aimerais être comme lui. Mais le regard que les gens peuvent avoir sur moi me terrifie.

— Disons, demain 18h ? me demande-t-il en passant une main dans sa barbe bien fournie.

— Entendu, dis-je en me levant à mon tour.

Il me fait un dernier signe de tête puis disparaît de mon champ de vision. Un bref coup d'œil par la fenêtre m'indique que la pluie commence à faiblir ; j'en profite pour enfiler mon long manteau noir avant de quitter le bar. Une fois dans les rues de Eastmine, je glisse une cigarette entre mes lèvres et déambule dans les différentes ruelles pavées et irrégulières. À mesure que j'avance, je réalise que le quartier ne m'est plus du tout familier. Je ne reconnais ni les rues, ni les commerces, ni les devantures. Comme si je m'y promenais pour la première fois. C'est pourtant là que j'ai vécu les treize premières années de ma vie. Puis je suis partie à l'autre bout du monde. Pendant longtemps.

Aujourd'hui, je suis de retour dans ma ville natale, en quête de repères, et peut-être de sens. Mais je suis complètement larguée, et passablement vide de l'intérieur. Eastmine. Cette ancienne ville minière à l'architecture marquée par les multiples briques rouges, les cheminées et les bâtiments en acier. Les bâtiments historiques sont nombreux, il est donc facile de se perdre dans le dédale des petits chemins urbanisés ou des places où les bars se succèdent.

Ma mère adorait cet endroit. Elle le chérissait ardemment. C'était juste avant que mon père biologique ne la détruise. Sauf qu'elle ne s'est pas laissée faire. Elle a pris les devants et m'a emmenée avec elle, très loin d'ici.

LA MARQUE | TOME 1 [DARK ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant