TW : Gore— T'as trois jours.
Je fronçai légèrement les sourcils à sa phrase, l'esprit encore vaseux.
— Pour ?
Un léger sourire.
— Pour me faire changer d'avis sur les flics.
Je me relevai silencieusement du lit tout en m'habillant. J'enfilai un pull noir et un bas de la même couleur pour jeter un dernier regard vers lui. Taehyung s'était endormi plusieurs heures auparavant, me laissant seul avec ces angoisses d'un futur proche et certainement onéreux.
Debout dans la chambre, mes yeux balayèrent son corps jusqu'à la vitre et les lumières des bâtiments voisins. Tout en bouclant ma ceinture, je fis le tour du lit pour embrasser chastement son front en murmurant que je ne devrais pas en avoir pour longtemps. Une courte minute plus tard, la porte de l'appartement se referma derrière ma silhouette.
Un soupir.
Et je n'attendis pas plus pour descendre les escaliers de la bâtisse parisienne afin de me dégourdir les jambes. Après avoir poussé la lourde porte, le bruit de la voiture puis le claquement de la portière. Je réajustai le siège et les rétroviseurs avant de garder mes deux mains sur le volant, le regard rivé sur le jardin intérieur de l'immeuble.
— Fais chier. Laissai-je tomber.
Dans un mouvement brusque, la clé tourna et le moteur vrombit. J'embrayai la première et la voiture s'avança dans le parking privatif. J'ouvris la fenêtre pour passer le badge sur la borne de sortie à ma gauche avant de m'insérer aisément - heure tardive- dans la rue. J'embrayai la deuxième, troisième, et quatrième.
J'avais un plan. Mais il était trop bancal pour que je m'en sorte indemne. Ou peut-être eux. A vrai dire, je n'en savais rien. Trois jours n'étaient pas suffisants pour établir quelque chose dans lequel je ne nous mettais pas en danger, et Taehyung l'avait bien compris.
Parce qu'il ne voulait pas que je réussisse à déjouer le sien.
J'avais cogité toute la nuit et la journée d'avant. Il ne me restait que deux jours pour trouver une solution. Il ne me restait que deux jours avant que Taehyung ne tue les flics. Deux jours. 48 heures. Et sur 72 putain d'heures, et j'en avais déjà passé 24 à réfléchir. J'avais gaspillé un tiers du temps pour établir quelque chose de bancal, au point de me dire que c'était peut-être la dernière nuit que je passais vivant. C'était sans doute la dernière fois que j'avais passé un moment intime avec Taehyung. C'était la dernière fois que je l'avais embrassé lorsqu'il dormait.
Cela m'énervait. J'avais la rage. La colère faisait vibrer mes veines et cela me tuait de savoir que c'était lui qui me mettait dans cet état. Parce que Taehyung était la personne la plus affreuse que je connaissais. Il était la personne la plus toxique, la plus sournoise, la plus vicieuse. La plus horrible, la plus...
Mais putain, je...
Ma mâchoire s'était serrée.
Et pourtant, si je parlais d'amour, je parlerai de lui.
Je voulais crier, hurler, pleurer et recommencer. La colère qui m'habitait souhaitait que je me déchaîne et pourtant, je n'avais pas de raison de le faire.
Parce que je n'étais qu'une simple personne perdue et éperdument amoureuse.
Le crissement des pneus. Mes paupières étaient grandes ouvertes. Les deux personnes traversèrent la route en rigolant, et l'homme leva la main en ma direction pour me remercier de les avoir laissé passer. La fille, cachée derrière, me salua discrètement et ils m'avaient déjà oublié. A la seconde où leurs pieds s'étaient posés sur le trottoir d'en face, leurs rires s'accentuèrent jusqu'à traverser les vitres de la voiture, jusqu'à traverser mon cœur.