Il fait chaud.
C'était la première pensée d'Eliott ce matin. Il faisait chaud, trop chaud. Il n'avait pas l'habitude. Il faisait toujours froid dans sa petite chambre, c'était toujours un calvaire de sortir du lit à cette saison. Sous ses épaisseurs de couette, il était bien. Il déposait toujours ses vêtements soigneusement au pied du lit, pour pouvoir s'habiller dès qu'il en sortait. Parfois même, il les glissait quelques minutes sous lui le temps de les réchauffer un peu.
Aujourd'hui il faisait chaud, et il avait une migraine carabinée. Et sa couette pesait beaucoup trop lourd. Il la repoussa d'un geste agacé : il avait besoin de boire de l'eau pour soulager son mal de tête. Le lit remua et grogna.
Attendez, quoi ?
Eliott ouvrit enfin les yeux. Et poussa un hurlement, parce que la chambre autour de lui n'était pas la sienne. Le lit était trop grand, les murs trop jaunes, ou blancs, ou dorés, il ne savait pas il n'a pas eu le temps de voir, parce que dans le lit immense ça grognait et ça remuait encore et « ça » était un homme. Un homme nu. Le garçon se rua hors du lit, s'empêtra dans les draps, trébucha sur son jean élimé et l'enfila sans réfléchir alors que l'autre émergeait.
Non.
Non non non non non !
Il fallait qu'il parte d'ici avant que le... que l'autre ne soit réveillé.
— Eh... Eliott... Bonjour.
Il se frotta un œil, de la paume, mais Eliott ne le remarqua pas : il était déjà en train de courir, ses rangers mal attachées à ses pieds. La porte claqua, il dévala un escalier et déboucha dans une rue baignée par la lueur dorée de l'aube, tamisée de brumes hivernales. Il reconnut à peine le quartier mais il courut encore, même s'il n'avait plus de souffle. Il courut comme si on en voulait à sa vie, et d'ailleurs peut être qu'on en voulait à sa vie !
Il ne s'arrêta que lorsqu'il reconnut le campus.
Il respira enfin : il n'était pas perdu.
Il tâta sa poche arrière. Son portefeuille s'y trouvait toujours, bien retenu par la chaine argentée. Dans sa main, son portable qu'il avait ramassé en même temps que son jean.
Il frissonna, la fraîcheur de l'air lui rappelant cruellement deux choses : il avait perdu son manteau, et il avait transpiré en courant. S'il ne voulait pas finir malade il avait intérêt à se mettre au chaud rapidement. Une maigre lueur d'espoir roulait cependant droit vers lui : le bus qui traverse la moitié de la ville pour le conduire – presque – jusqu'à chez lui. Il s'y engouffra et se tassa dans un siège, au fond, loin des portes. Il avait presque une heure de trajet. Tout le temps nécessaire pour essayer de se souvenir de la soirée passée.
Sauf que.
La migraine qui menaçait depuis son réveil explosa subitement sous son crâne.
Il avait beaucoup trop bu.
Voilà la véritable explication.
En plus, il ne voulait même pas y aller, à cette soirée.
Mais être étudiant en médecine et refuser toutes les soirées c'était mal vu, comme le lui avait rappelé Jules, son à peu près seul camarade de promo. « On va t'ostraciser encore plus si tu viens pas, t'as pas vraiment besoin de ça, vieux ». Certes. Il n'avait pas vraiment besoin non plus de se réveiller nu dans le lit d'un inconnu.
Mais il y était allé, à cette soirée. Et pour faire bonne figure, il avait bu tout ce qu'on lui proposait. Il avait accepté d'aller en after dans un bar branché non loin du campus, et là, il avait bu encore, vidant par là même son compte en banque parce que sérieux, 15€ pour un cocktail ?
Il y avait du monde, du bruit, de la musique, il avait perdu de vue ses camarades, les avait retrouvés, avait bu encore, et dansé, enfin remué en rythme en tous cas, et après...
Après il était nu, il avait la migraine et...
Oh, bordel ! Il était cul nu sous son jean ! Il... il avait oublié ses sous-vêtements chez l'inconnu ?
— Merde...
Une vieille dame tourna un regard outré vers lui. Il fallait admettre qu'il devait offrir une image conforme à ses opinions de la jeunesse : les boucles brunes en désordre, la chemise froissée et boutonnée de travers, une haleine à faire fuir une hyène, des cernes violacée et des effluves d'alcool. Le portrait typique d'un étudiant le vendredi matin, après les soirées arrosées des jeudis soirs. Il se retint très fort de brandir son majeur vers la vieille. Il n'avait absolument pas besoin de s'engueuler dans le bus. Et puis il avait trop froid. Trop mal et... trop à penser.
Pourtant, il s'endormit, le front contre la vitre. Il ne se réveilla qu'au terminus, pas loin d'une heure plus tard. Dans la banlieue la plus reculée de la ville, le vent était plus glacial encore que sur le campus. Pour ne pas mourir de froid il trotta plus qu'il ne marcha jusqu'à chez lui et c'est blême et essoufflé qu'il passa la porte de la petite maison hlm au crépi grisâtre.
— C'est à cette heure-ci que tu rentres ?
— Pardon Tata, murmura-t-il d'un air contrit.
La femme, aussi brune que lui, lui ébouriffa les cheveux en souriant.
— Je plaisante, Chaton. Je ne t'attendais pas avant au moins midi. Tu as le droit de vivre, tu sais ?
— Mmmh. Maman est bien rentrée ?
Sa tante opina, et le regarda un peu plus attentivement.
— Tout va bien, Chaton ? Tu veux dormir un peu ? Je peux rester encore tu sais ?
Il secoua la tête.
— Je vais juste aller prendre une douche et puis ça ira. T'inquiète, j'ai l'habitude.
— Justem...
Il ne la laissa pas finir et s'enferma dans la petite salle d'eau. Il n'aurait pas tenu plus longtemps. Il ouvrit le robinet juste à temps pour que le bruit de l'eau ruisselant sur les parois de la douche couvre le bruit : plié en deux au-dessus de la cuvette des WC, il vomit son trop plein d'alcool et d'angoisse.
*****
J'avais envie d'une petite pause dans Cherche et Trouve, celle-ci sera très courte, juste une petite respiration en passant ! J'espère que ce premier chapitre vous donnera envie d'en savoir plus sur Eliott !
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Appartenir
Lãng mạnappartenir : (bas latin appartinere, être attenant, de pertinere, se rapporter à) 1. Être la propriété de quelqu'un, son bien, soit de fait, soit de droit. 2. Être à la disposition de quelqu'un, dépendre de lui, se prêter à une quelconque a...