Chapitre Septième

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De : Type de la boulange

Tu tiens le coup, pour ton travail de groupe ?

De : Eliott

Oui. On l'a rendu hier. Juste à temps, la bibliothèque est fermée huit jours pour travaux à partir d'aujourd'hui. Je vais devoir trouver un autre coin pour bosser au chaud.

De : Type de la boulange

Tu veux venir chez moi ?

De : Eliott

Non.

De : Type de la boulange

C'est mon jour de repos. Je suis là mais je te dérangerais pas, et le bureau de ma chambre a besoin de retrouver sa fonction d'origine. Je fournis le café et les croissants (d'hier).

De : Eliott

T'es chiant.

De : Eliott

J'arrive.

**

L'appartement n'avait jamais été aussi rangé : Eliott allait venir. En pleine journée. Sobre. Pour plusieurs heures. Mathis avait fait mine de le prendre à la légère, par SMS, mais en réalité il avait rarement été aussi nerveux à l'idée de recevoir quelqu'un chez lui. Ils ne s'étaient pas revus depuis quelques semaines, hormis les brefs moments à la porte de la boulangerie, mais chaque jour ils bavardaient via leurs téléphones.

Mathis tournait sur lui-même, cherchant à s'occuper constamment. Le café était prêt, les croissants dans une corbeille comme au restaurant, il avait plié et déplié le plaid du canapé au moins trois fois, ne voulait pas que l'appartement semble en bazar, mais que ça ait l'air naturel quand même et aussi que...

On sonna à la porte.

Passées les premières secondes où chacun regarda l'autre d'un air embarrassé, les jeunes hommes se détendirent et Mathis conduisit l'étudiant vers sa chambre, désignant ce qu'Eliott n'avait jamais connu que comme « monticule de vêtements » et qui s'avérait en fait être un grand bureau de bois clair, muni d'une lampe à la luminosité parfaite.

— Wow. Je ne savais même pas que tu avais ça là-dessous... Tu as du mettre les bouchées doubles pour le dégager...

— Oui euh... » Mathis passa une main nerveuse dans sa nuque et murmura : « Il date de l'époque où mes parents avaient encore un peu d'espoir pour moi... Installe toi, je t'apporte du café, ponctua-t-il en espérant que son changement de sujet passerait inaperçu.

— Comment ça de l'espoir ?

Perdu.

Eliott regarda autour de lui avant de poser son regard sur Mathis.

— C'est quelque chose que je me demandais, d'ailleurs. Ton appartement ne colle pas trop avec le mode de vie d'un boulanger... N'y vois pas à mal hein. Tu as bien vu où je vis quand tu m'as ramené chez moi l'autre jour. Je viens d'un milieu ouvrier.

— Mmh. J'ai fait le chemin inverse. Mes parents sont très, très riches. Ils possèdent plusieurs médias. Mais on s'est... éloignés ? Je ne colle pas à l'image qu'ils voudraient pour moi.

— Parce que tu es gay ?

— Non, parce que je suis idiot. Avoir un fils gay les enchante, ça fait bien sur leur CV de journalistes de gauche mainstream. Mais un fils con, ça, non. Ceci dit, reprit-il avait qu'Eliott ne puisse faire une remarque, ils n'ont pas coupé les ponts totalement, la preuve puisque je vis dans un de leurs appartements gratuitement. Juste, on n'a pas grand-chose à se dire. C'est tout.

Eliott le regardait, bouche bée.

— Mais tu n'es pas idiot du tout !

Mathis haussa une épaule.

— Je n'ai jamais pu tenir tranquille assis sur une chaise à l'école, alors forcément j'ai pas appris grand-chose. Il suffisait qu'un crayon tombe et j'étais déconcentré. Bon, je vais te chercher un café.

Déterminé cette fois à clore la discussion, le boulanger tourna les talons et s'enfuit vers la cuisine, laissant l'étudiant, perplexe, installer sa montagne de livres sur le bureau fraîchement dégagé.

**

De : Type de la boulange

J'ai caché un double des clés sous le paillasson, tu as déjà le code. Bonne révisions.

De : Eliott

Mais je ne vais pas squatter chez toi quand t'es pas là !

De : Type de la boulange

Ben si. Je suis pas là, tu pourras bosser tranquille. Garde la clé avec toi.

De : Type de la boulange

Je le saurais si tu viens pas.

De : Eliott

Parce que tu vas m'espionner ? Tu as mis des caméras partout chez toi ?

De : Type de la boulange

Eh ! Je suis beaucoup plus subtil que ça ! Tu verras !

**

Sur le bureau, un thermos de café, une serviette et une assiette avec deux croissants.

Eliott s'installa au bureau et se mit au travail, dévorant les croissants sans même le réaliser, dans ce qui deviendrait bientôt une routine régulière. Lorsque Mathis était en repos, les jeudis et vendredis, ils prenaient le temps de bavarder, puis Mathis vaquait à ses occupations en silence pendant qu'Eliott travaillait. Les trois autres jours de la semaine, il ouvrait avec sa clé et trouvait immanquablement sa boisson favorite et des viennoiseries sur la table de travail. À chaque fois, il laissait un petit post-it avec un gribouillage et un mot de remerciement. Il les retrouvait le jour suivant sur le frigo, où Mathis les collectionnait.


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