Chapitre 47 - "GOODBYE MY LOVER"

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Riley

J'attrape mon manteau à l'entrée, enfonce mon bonnet sur mon crâne puis sors avec ma canne que j'utilise uniquement quand je suis seule : totalement dépendante d'elle. Une voiture approche, le son du frein à main m'interpelle. Une vitre se baisse et une voix accueillante s'évade du véhicule : c'est mon taxi.

— Capitaine Greg à votre service, mademoiselle ! Besoin d'un coup de main pour monter ?

— Non merci, je vais me débrouiller.

— Comme vous voulez, je vais juste m'occuper du bagage, alors.

Greg le taxi descend de son carrosse pour venir s'emparer de mon bagage. J'entends le coffre s'ouvrir puis se refermer aussi sec.

Claire ne vit pas très loin, mais je ne peux pas m'y rendre avec ma valise dans une main et ma canne dans l'autre. Tributaire de mon handicap, je dois donc faire le trajet en voiture. Je fais quelques pas en avant, jusqu'à ce que ma canne bute sur les roues, puis mes paumes rencontrent la carrosserie fraîche. Je tâtonne, cherche la portière, la poignée, la trouve grâce au chauffeur qui me guide. On dirait un vieux jeu de gamins « tu chauffes, tu refroidis... ». Sauf qu'ici, il m'oriente :

— Un peu plus à droite. Non attendez, à gauche, pardon !

Je souris alors que mon cœur saigne toujours, tire enfin sur la poignée et m'installe à l'arrière. L'habitacle sent bon le propre et la vanille, j'imagine un petit arbre pendant à son rétroviseur intérieur. Greg s'installe, un clic m'indique qu'il vient de boucler sa ceinture de sécurité tandis que je fais de même.

— Je vous dépose où, ma petite dame ?

Je lui fournis l'adresse de ma brunette et précise :

— Il faudra bien me laisser devant l'escalier de l'immeuble 3B, s'il vous plaît.

— Bien sûr, confirme-t-il avant d'accélérer, puis d'augmenter le volume de la radio. Goodbye My Lover s'évade des enceintes – encore un signe de merde. Je retiens mon envie de pleurer mais j'essuie à plusieurs reprises les petites perles coincées aux coins de mes yeux.

Ne craque pas, Riley.

Je suis sortie de mon mantra, que je me répète en boucle « rien ne dure pour toujours, ni le bon ni le mauvais », par la voix de Greg. Mon chauffeur m'annonce que nous sommes arrivés à bon port. Je quitte l'habitacle confortable, pose ma canne au sol et avance.

— Oh attention, il y a une marche ici, pense-t-il me renseigner.

— Je sais, merci.

— Non, mais attention quand même, je peux vous aider et vous dire où elle est, insiste-t-il.

Il place son bras sous le mien sans autorisation et me demande de lever la jambe. S'il le pouvait, il serait capable même de diriger mon pied pour le poser au bon endroit : impotente.

— Lâchez-moi et occupez-vous plutôt de ma valise, m'agacé-je.

— Ça va, je fais ça pour aider, vous êtes aveugle !

Non sans déconner, je n'avais pas remarqué !

Je souffle, musèle mon envie de l'étriper et monte les escaliers ; sans son aide. Ce n'est pas parce que j'ai un handicap que les gens doivent se permettre de me prendre le bras sans mon accord ni s'octroyer des droits arbitraires sur moi. Si j'ai besoin d'aide, je suis capable de le demander et si je refuse, c'est que je suis capable d'exécuter la tâche. Ce n'est pas un problème d'ego. Je me repère à ma manière et les gens, même bien intentionnés, devraient le comprendre. C'est d'ailleurs plus dangereux pour moi que l'on bouscule les habitudes ou mes points de repérage dans l'espace.

Sous Le Sapin ? Une Fausse Fiancée! - [ &H Edition ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant