Battante - Original

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Je dois bouger.

Faire quelque chose.

Réagir.

Vite.

Bouge mon corps.

Ne reste pas planter là !

Si tu n'interviens pas personne ne le fera !

Un pas, puis deux et je sors de l'ombre. Allez !

La fille est à terre, ils sont deux. Calme. Ça va bien se passer. Elle est la priorité. Desserre ton poing. Protège. À pas lent. Redresse-toi. Déploie. Ils m'ont vu. Courage.

Je me fais la plus imposante possible alors que je me dresse devant celle qui ne peut rien faire.

Mains ouvertes, apaisantes, mais aussi prêtent à sortir les griffes.

Pupilles dilatées, ne rien louper, mais aussi les fixer, sans ciller.

Maintenant, je dois parler, débiter, ne pas leur laisser la moindre occasion de riposter. Tout lâcher, sans oublier le danger.

- Je me permets d'intervenir.

Cassante. Briser le rythme. Calmer le jeu.

- Mon amie, n'a pas l'air bien. La réalité, c'est qu'elle a une toute petite voix, si petite qu'on ne l'entend pas, même si elle crie intérieurement. Même si elle hurle à l'aide. Certains laisseront passer en fermant les yeux. Heureusement pas moi. Pas moi, car j'y suis habituée à cet appel, car je l'ai entendu maintes fois. Et que je l'ai reconnu alors que je passais. Ne vous inquiétez pas, j'ai prévenu ses proches comme ça, ils ne vont pas tarder et vous serez tranquille. Je vais prendre le relais et l'emmener au soleil, on est toujours mieux au soleil non ? Ce que je vous propose, c'est que vous alliez attendre que sa famille arrive. Un couple la quarantaine. Pour son grand frère, vous allez le reconnaître facilement, il lui ressemble en plus grand et plus costaud. Comme ça, vous allez leur dire où nous sommes. Nous, car je ne vais pas la laisser seule. Et parce que tant que je serai là, rien ne lui arrivera. Rien, je le jure.

Maintenant agir. Le temps de déblatérer mes semi-mensonges, je me suis baissée sur mes appuis sans jamais décrocher mon regard du leur. Ma main est tendue en direction de la fille. Allez, attrape ! Laisse-moi te sauver ! On doit partir loin d'ici !

Elle ne le fait pas, elle doit être bien trop terrifiée pour. Que faire ? Reprends ton baratin.

- Après tout, personne n'oserait chercher des problèmes en plein après-midi, dans le quartier le plus surveillé de la ville. Encore moins quand la police est actuellement en train de faire des rondes. C'est ce que mon père m'a assuré ce matin avant de partir en intervention. De toute manière, il ne s'inquiète plus pour moi. Je pense qu'il me fait confiance pour me défendre en cas d'incident. Non, j'en suis même sûre. En revanche, ce n'est pas le cas de mon petit copain. Mince, on a rendez-vous d'ailleurs. Ce que je veux dire, c'est que sous-prétexte que je n'aie jamais battu monsieur le ceinture noire de pancrace, il veut jouer le protecteur. Et comme il est un peu sanguin, il serait capable de se jeter sur n'importe qui lui semblant menaçant. Et l'une des raisons pour laquelle entre autres, je voulais que vous alliez attendre la famille sur l'axe principal, c'est que mon copain a ma localisation et que vu que je suis en retard, il va vouloir me chercher. Et qu'en voyant deux gars, aussi sympathiques soit il, face à deux filles dont une en crise de panique, il pourrait être porté à confusion et s'emporter. Alors allez voir si les parents de mon amie arrivent, afin qu'il n'y ait pas de problème inopiné et qu'on évite tout malentendu.

Maintenant, je ne peux plus rien faire. Les dés sont jetés. Je ne pourrais plus parler davantage sans que ce ne soit sans queue ni tête. Faite, que ça ait marché ! Faite, qu'ils partent !

Ils s'approchent, le premier me dévisage alors je lui sors mon sourire le plus hypocrite et mon regard le plus noir tout en bloquant imperceptiblement le passage vers l'inconnue. N'avance pas plus. Mon cœur mitraille dans ma poitrine. Je ne peux rien faire. Je ne fais pas le poids physiquement. Je ne peux pas me défendre et la protéger. Maintient les apparences, maintient les apparences ! Pas de place pour le reste, tu n'as que ça. Ne baisse pas les yeux ! Cette fois plus de sourire, il n'a le droit qu'à la défiance froide et haineuse. Tout mon corps est crispé alors qu'il amorce son prochain mouvement.

Il semble hésiter, crache à mes pieds, puis il se retourne vers son comparse.

- C'est plus marrant, elle a niqué l'ambiance, on se tire.

Je les vois partir et tourner au coin de la rue. Disparaitre. Il me faut une vingtaine de secondes pour réagir, assimiler l'information. Mon bluff a fonctionné ? Mon stupide bluff improvisé a fonctionné ?! Pas le temps de réfléchir, je dois vérifier si celle qui est à terre va bien et nous mettre à l'abri. Ce n'est pas fini.

Je finis de m'accroupir devant elle. Son visage est entièrement baigné de larme et ses cheveux décoiffés. Elle sert les bras devant son cœur comme pour le protéger. Enfin, ses yeux grands ouvert et perdus finissent de mettre mon empathie en charpie.

- Viens, on va aller ailleurs, il y a une rue commerçante à quelques croisements d'ici, là-bas, on sera définitivement tranquille. Tu as été forte, je te demande de l'être encore un peu.

Sans la brusquer, je lui tends ma main de nouveau. Elle la saisit et se redresse. C'est là que je me rends compte que quelque chose ne va pas. Je commence à voir flou, ma tête me lance et mes pensées ne sont plus qu'incohérentes et paniquées. Mon estomac se soulève et une remontée acide m'assaille la bouche. Mes jambes me semblent lourdes ?! J'ai du mal à reprendre mon souffle.

- Je vais tomber.

Elle me regarde avec incompréhension.

- Je vais tomber, je vais m'évanouir.

La réalité de mon mal-être me rattrape alors que l'adrénaline retombe accompagnée de mes nerfs. Non, non, non ! C'est le pire moment. Pas maintenant. Pas tant que nous ne sommes pas totalement saines et sauves.

Elle semble avoir compris et à son tour vient m'aider, passant son bras derrière mes épaules. Nous esquissons quelques pas avant que le bruit que je craignais temps ne refasse surface. Ils sont de retour. Je les entends arriver. Ma camarade d'infortune aussi et accélère le pas. Mais je la gêne.

- Court. Sauve-toi. Et appelle à l'aide dès que tu peux.

Je crois qu'elle va protester, en tout cas, elle s'y apprête. Mais elle à du comprendre que je ne dis pas ça de gaieté de cœur non plus. Que c'est la seule solution qui me soit venue. Que je respecterai ma promesse à mes dépens. Et fait ce que je dis.





Mes jambes mobilisez-vous.

J'ai encore besoin de vous.

Un autre combat pointe a l'horizon.

J'ai peur, évidemment.

Mais...

Hors de question de me laisser faire.

Je vais me battre.

Avec mes mots.

Et mon corps s'il le faut.

Je suis fière, je suis forte.

Qu'importe le dénouement...

Je le resterai coûte que coûte.

Car je suis une battante.

Car je suis Isa.









******





Isa. Un nom comme un autre. Pour moi elle est plus qu'un personnage. C'est Mon personnage. Mon héroine. 

Ici vous n'avez qu'un éclat de la constellation de sa personnalité et je comprend qu'elle puisse paraitre "incomplète" ou trop "parfaite" mais je ne sais pas, j'avais envie de la voir en action, de l'écrire un peu.

J'espère que vous avez aimé ce chapitre et que vous avez aimé découvrir Isa et ses pensées. 

Merci à vous mes cher(e)s lecteurs/ lectrices.

Ôde Rose - Recueil d'OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant