Kawaakari - Demon Slayer

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Tout n'est plus que silhouettes sombres sous le crépuscule, cime et bosquets se dressent, lances de ténèbres, unique plan à l'avant de l'horizon. Il n'y a plus qu'ombre, dont on n'arrive à discerner le contour, excepté l'eau, reflet du firmament azuré qui se pare des teintes de l'ambroisie. Les profondeurs aqueuses cachent leur noirceur habituelle pour ne renvoyer bientôt que l'image d'un ciel de feu et de pastel éclatant. Dans ces psychés idylliques, viennent tantôt se distordent les formes arboricoles pour parachever le tableau mystique.

Une moiteur nocturne et estivale venait embaumer l'air encore chaud bien que balayé par une brise fraîche et agréable. La terre baignée de mousse et de feuilles relâchait son odeur si particulière mêlée à celle de l'orage couvrant loin à l'horizon. Bientôt, la nuit recouvrirait le monde de son paisible manteau indigo strié de l'argent des étoiles et alors reviendrai le discret règne de la lune.

Dans un bassin de grès taillé à même la source, une femme priait. De la nappe aqueuse où n'apparaissait aucune onde, ressortaient uniquement ses épaules et ses mains entreliées. Sa longue chevelure platine, semblait presque translucide alors qu'elle se déversait, cascade en sa nuque. Le grain de sa peau était pale, lait lunaire baigné dans les rayons stellaires. La silhouette blanche brillait au centre de son aquarelle boréale encadrée de ténèbres.

Lorsqu'il la vit, il crut avoir dérangé une naïade, ou la déesse Lune elle-même dans ses ablutions nocturnes, tant l'apparition était sublimement surnaturelle au sein du silence de la forêt. Il ne pouvait détacher les yeux. Subjugué. Puis lui revinrent les instructions reçues la veille :

« On a signalé un démon dans ces montagnes, élimine-le ».

Ainsi, il devait l'avoir trouvé. Pourtant, l'atmosphère calme le déconcertait. Elle était loin, la haine et le climat sinistre propre aux engeances démoniaques. Il devait vérifier, néanmoins, il se répugnait à briser ne serait-ce qu'un élément faisant la majestuosité des lieux. Et le calme y était inclus. Alors sur un coussin de mousse posé à la naissance d'un tronc, il s'assit, attendant.

La voûte astrale eut le temps de tourner dévoilant l'éclat de contrées plus que lointaine à jamais vierge de pas humain. Les nébuleuses semblaient à l'instar de voiles de gaze organza diaphane, piquetés de la broderie des constellations, tel qu'Andromède dominant les flots déchaînés de la Voie lactée. La légende grecque de la belle sacrifiée lui revint quand celle qui baignait désormais dans les étoiles se redressa.

- Vous êtes le chasseur.

Sa voie à la pureté du cristal sonnait impérieuse. Malgré tout, le bien-nommé chasseur y perçut une forme de lassitude. Comme si peu lui importait le cours des événements à venir.

- Et vous, êtes-vous un démon ?

- C'est l'un des noms que l'on me donne.

- Quels sont les autres ?

- Monstre, sorcière de l'ouest.

- Et est-ce vrai ?

- S'ils continuent peut-être que ce le deviendra. Ma vérité pourrait s'effacer sous la majorité. Pour enfin disparaître.

- Alors qu'êtes-vous donc véritablement ?

- Une humaine déchue de ce titre par ses pairs. Une flamme froide, un poids mort. Un écho glorieux. Une étrangère, une veuve, une mère mort-née.

- J'ai du mal à croire que votre vérité se résume à une telle vision.

- Il faut croire, alors, qu'ils ont réussi.

- Pourquoi ?

- Car les monstres ne sont pas toujours ceux qui en ont l'apparence. Car au-delà des créatures de la nuit vivent d'autres serpents. Et je ne saurais dire s'ils ont plus d'humanité que vos démons.

Ôde Rose - Recueil d'OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant