Éclipse - Reo Mikage - 2

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17 jours. 17 jours qu'elle l'avait quitté. Le laissant troublé. Même plus. L'envoûtement qu'elle exerçait sur lui était tel, que deux fois déjà, ses bras chauds étaient venus l'enlacer et ses lèvres divines avaient effleurer le coin de sa bouche. Et chaque fois Reo, bien que sachant être l'heureuse victime d'illusions de son subconscient, débattait intensément l'idée de mettre fin à ce rêve familier.

Elle le hantait. Et chaque réveil était marqué par son absence.

C'était incongru. C'était merveilleux. L'attirance qu'il avait pour elle relevait de la fascination.

Il était incapable de dire si elle répondait aux critères de beauté tant elle l'éblouissait.

Incapable de lui trouver des défauts tant il l'estimait.

À la fois perfection et simplicité, elle était une évidence. Son évidence. Et son évidence lui manquait.

Il avait déjà été en couple auparavant, avait déjà été attiré par autrui, mais toujours, il avait vu la fin.

Aujourd'hui, l'histoire avait à peine commencé, et l'idée que ce sublime prélude ne trouve pas de suite lui enserrait la gorge et le plongeait dans un état de détresse différent de tout ce qu'il avait connu.

Ils n'étaient que connaissance ; son cœur lancinait atrocement. Il devait faire quelque chose, n'importe quoi pour se prouver que le rêve était bien une réalité.

Et pour avoir une chance qu'il se poursuivre.



***

Le lycée était excentré, joli bâtiment perdu en banlieue de Tokyo. Il lui avait fallu un peu de temps pour découvrir le lieu, mais il fallait encore la trouver elle. Heureusement, leur retrouvaille ne savent tarder.

Sous les arbres nus de la cour de givre ;

La voilà.

Son manteau flottant sous la brise ;

La voilà.

Seule l'envie intenable de combler la distance les séparant retenait Reo de... De quoi ? Il ne savait même plus. L'unique réalité acceptable était devant lui. Enfin. Qu'importe que toute logique le quitte, il l'avait rejoint.

Il aurait pu rester immobile des heures tant le soulagement le prenait. Mais il fallait bouger. Car le monde des Hommes est en continuel mouvement et n'accepte pas les plaisirs absolus apportés par les fugaces instants figés. Alors poussé par la force immuable des choses, ses pas se succédèrent hésitants, mais pour autant avides de s'approcher.

- Akemi.

Le nom est prononcé avec dévotion : battement d'aile de papillon, bouée dans l'océan terne, chaleur délicate, sublime et précieux flocon indétournable alors qu'il se fond dans le vide.

C'est une prière imperceptible. Nous n'aurions entendu que le chuchot du vent. Pourtant, elle se retourne, répond à l'appel.

Tout est rien. Le cœur bat. Si vite qu'il n'est plus. Le monde est gris, le monde n'est plus. Plus qu'un électrochoc. Qui ranime une flamme. Passion, malédiction, qui jusque-là les hantait. Qui à présent les bénit, les lie, réunis.

- Reo.

Et alors qu'elle prononce son nom, elle parait soudainement loin de la confiante fille dont le souvenir est gravé plus profondément que sa peau. Où est partie cette lueur, ce rayonnement profond et inouï ? Pourquoi semble-t-elle hésitante ? Tremblante ?

- Tout va bien ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu habites à l'autre bout de la ville.

Pourquoi avait-elle l'air paniqué ?

- Je ne sais pas, j'ai eu l'occasion de passer.

Et lui pourquoi mentait il ? Non, il ne voulait pas de ça, pas entre eux :

- Et je voulais te revoir.

Elle a l'air de douter, de vaciller, Reo le voit maintenant : elle a peur. Et fait comme si elle n'avait pas entendu.

- Je suis désolée, je, on, je dois rentrer chez moi. Je ne pensais pas que tu viendrais. Pardon.

Elle n'arrive plus à cacher sa nervosité, cherche à fuir comme une criminelle face à son délit.

- Akemi ! Ne me fais pas ça... Ne fuis pas... Tu n'as pas le droit ! Pardon, si, tu as tous les droits. Mais, je t'en prie, ne le fait pas.

L'interpellée se fige, statue de cire incapable de lui refuser sa demande, mais tout aussi incapable de le regarder.

Reo ne comprend pas tout, mais une chose est sûre, lui saute aux yeux : s'il ne communique pas, s'il ne lui fait pas réaliser maintenant, alors le cauchemar se réalisera, le rêve sera sans lendemain et l'histoire au lien puissamment indescriptible mourra.

Alors authentiquement, juste, sa vérité s'élance afin de briser la barrière invisible, sauver le futur non-écrit :

- C'est toi qui mènes la danse. Ça me paraît évident. Pourtant, aujourd'hui, je crois que tu veux tout lâcher, alors je ne te suivrai pas. Je vais prendre les rênes un instant, je te demande seulement de m'écouter.

" Qu'est-ce qui a changé ? Tu y croyais. C'est toi-même qui l'as dit : à bientôt. Ces paroles se sont gravées en moi comme un serment. Maintenant, le temps de se revoir est arrivé. Oui, on a subit un entracte. Et peut-être que notre situation est un peu étrange. Mais en ce nouvel an, je ne jouais pas, toi non plus, j'en suis certain. Tout ça pour te dire que je ne mentais pas. Je ne serais même pas capable d'expliquer ce qui s'est réellement passé entre nous. Mais si tu doutes de tes souvenirs, regarde-moi au présent. Je te promets que rien n'a changé. "

Elle est touchée. Et alors il la retrouve, son étoile, forte, brillante, étincelante, irradiante, courageuse. Qui ose de nouveau. Se débarrasse de sa crainte. Et lui donne les explications qu'elle lui doit.

- J'ai cru avoir tout inventé. Chaque fois que cette nuit me revient, me revenait, mon cerveau me disait que je m'étais méprise, que tu ne me voyais comme une bonne amie, ou alors que je te faisait pitié à danser n'importe comment. Que j'avais monté de toute pièce tes intentions, fait du forcing. Que ce n'est pas possible que toi, tu puisses t'intéresser à moi...

Cette facette est si différente de celle rayonnante qui l'a marqué. Pourtant, Reo comprend qu'Akemi vient de lui révéler sa part d'ombre. Il est fier qu'elle s'ouvre à sa personne, lui confie ses doutes, cependant, c'est à elle de trouver la force de resplendir. En attendant, il la soutient et l'enveloppe d'un regard de pure tendresse alors que ses cils se bordent de larmes.

- Tu étais là. Ta présence était la preuve, et en réponse, je n'hésitais de rien. Mais on a été séparé et toute ma confiance m'a quitté, je n'avais plus aucune certitude. Quand je t'ai vu, devant le portail, j'ai paniqué. Quelle version de toi était la bonne ?

- Si tu hésites encore, laisse-moi te convaincre.

Elle comprend et renoue leurs regards.

Les mots sont parfois superflus, parfois, ils ne sont pas à la hauteur. À l'instar du monde des Hommes qui s'incline et leur offre un temps d'infinité.

Un rien est tout. Les cœurs battent. Si vite qu'ils ne se distinguent plus. Le monde est infini, le monde est doux. Doux comme un baiser. Qui conclut une promesse. Passion, bénédiction, qui toujours les unit. Qui à jamais les lient.






*******

Bonsoir, comme vous avez pu le voir ce chapitre est la suite d "Etoile" le premier OS avec Reo.
Est-ce donc encore un One-Shot ?

Et avez vous appréciez avoir la suite ?

Pour ce qui est de mon absence de publication je suis désolée, mais je ne vais plus promettre aucune régularité pour le moment.

Le chapitre ci dessus était prêt en temps et en heure pour être posté il y a 3 semaines mais l'ancienne tournure de la fin ne me parlait pas. Alors je n'ai rien publié.

Ôde Rose - Recueil d'OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant