Si j’étais honnête avec moi-même, j’avouerais que j’ai dû me donner un grand coup de pied au derrière pour reprendre ce livre et continuer ma quête de la Magnificence. Si j’étais encore plus honnête, j’accepterais le fait que le principe d’être heureuse me fait bien rire, mais me donne aussi bien envie.
Cependant, l’étape qui suit est la renaissance. Cela signifie que lorsque j’aurai eu accès à ce bonheur, je devrai le quitter de mon plein gré pour renaître. Qui a envie de tout faire pour être heureux pour tout abandonner ensuite ? Moi, je ne me sens pas la force. L’absence de mes amis me pèse, j’en viens à regretter ses journées barbantes que je passais à la fac. C’était, il y a un moment maintenant.
Pourtant, me voilà à préparer cette mixture étrange qui est censée m’amener à l’équivalent du pays des merveilles. Le livre garantit le processus indolore : il le dit pour chaque épreuve. Quel hypocrite. Soja, citron, piment, citrouille, parmesan, jambon, éclats de quartz, pomme de terre, graines diverses, plume de poule : cette mixture à l’air infâme. J’en viens à me demander si tout ce que je fais à un sens. Vais-je arriver à elle ou juste à ma perte ? Bordel ! Je m’enfonce dans des boucles temporelles et des mondes parallèles depuis des années pour réaliser les épreuves, je les ai tellement préparées pour réussir à les compléter.
Elle ne devrait pas exister et c’est pour ça que je vais la boire. Je suis, à mon avis, loin d’être saine d’esprit de continuer cette quête. Malgré tout, j’amène le verre à ma bouche. Aussitôt, j’ai une remontée : l’odeur est infecte. Le goût va être terrible.
Je me pince le nez et poursuis en tentant de me retenir de vomir. Je dois juste boire cul sec, et j’atteindrai le monde parallèle qui me guidera vers un moment de bonheur. Une gorgée, deux, trois… Je ne me sens pas très bien. Quatre, cinq…Je crois que je commence à partir. Six… -« Ma puce, tu vas être en retard à ta propre remise de diplôme si tu continues ! »
Ma remise de diplôme ? Mais quel jour on est ?
« J’ai une nouvelle qui va te motiver un peu plus ! Kearne arrive dans trente minutes. »
Kearne, mon ami. Non, Kearne mon petit ami ? Remise de diplôme, la mienne. Ma tête est sens dessus dessous. Je me lève pour faire plaisir à ma mère qui est morte… Non, elle est en vie. J’ai réussi, mais c’est perturbant de m’y faire. Tout me semble réel et pourtant, tout sent le faux, la mise en scène.
« Je te l’avais dit Carden, son petit ami est le meilleur moyen pour la faire se lever rapidement ! »
Ma mère rit avec mon frère, ils sont tous les deux dans ma chambre.
Je lève les yeux, apeurés, au son de la voix de mon frère qui répond par un rire à maman. Je le vois s’approcher de moi alors qu’elle quitte la pièce et me voilà sur le point de fondre en larmes.« Hey, ça ne va pas ce matin ? Tu veux m’en parler petit cœur ? »
Ce n’est pas Carden, il a été possédé. Ou alors est-ce un piège de sa part ? Je ne lui réponds rien. Il penche la tête sur le côté avant de s’asseoir à mes côtés, me faisant esquisser un mouvement de recul.
« Je ne vais rien te faire, tu sais. Tu ne t’es jamais reculée comme ça à mon approche… J’ai fait quelque chose de mal ? »
Mais bien sûr, je le crois le vil menteur.
« Je veux juste t’enlacer, tu vas toujours mieux quand je te fais un câlin. Et puisque c’est ton jour de gloire, je veux bien te préparer mon fameux chocolat chaud dont tu raffoles ! »
Carden qui m’enlace pour autre chose que m’étouffer. Carden qui me propose un chocolat chaud de sa part. Maman qui est en vie. Kearne qui est mon petit ami. Moi, Eirlys, qui ai mon diplôme. J’ai 18 ans ? C’est la fin du lycée. Ou alors j’ai 22 ans et j’ai mon diplôme universitaire ? Je me raisonne : c’est mon moment de bonheur. Ça veut dire que je peux enlacer mon frère sans danger. Tout est faux, mais dans le bon sens.
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La Magnificence - Tome 1 (terminé)
FantasyEirlys veut la retrouver. C'est son unique raison de vivre depuis ses sept ans. Pour ce faire, elle doit traverser des épreuves, toutes plus douloureuses les unes que les autres afin d'entrer dans la Magnificence. Tout porte à croire qu'elle ne peut...