🥀 Chapitre 7 : Les liens

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Je reprends difficilement mes esprits. Je suis dans les vapes et complètement déboussolée. Il faut que j'ouvre les yeux, je le sais. Mais je n'y arrive pas, même fermés, mes yeux piquent. De ce que je perçois, je suis dans un endroit moelleux dans lequel je m'enfonce à chaque mouvement. Je sens aussi un tissu extrêmement doux au-dessus de moi qui me recouvre entièrement, m'apportant une agréable sensation de chaleur. Je m'y sens bien. Ce passage dans le néant m'aura servi de leçon. La prochaine fois que je franchis une porte, je veux être sûre de ce qu'il y a derrière. De plus, je dois comprendre que le livre ne me dit pas tout, et que je dois aussi me fier à mon instinct. Après tout, l'auteur du livre n'est jamais allé dans la Magnificence, il n'a fait que répertorier ce qu'il a découvert tout le long de sa vie.

Il y a du bruit près de moi. Il est persistant mais irrégulier. Désagréable. J'ai envie de l'arrêter. Mais mon corps se sent si bien ici : au chaud et en sécurité.

Cinq minutes, dix minutes : ça continue. Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est agaçant. Ça m'a l'air un peu trop enjoué ou violent...au choix. Je vais me forcer à ouvrir les yeux, tant pis. Je ne peux pas rester éternellement ici.

Ma chambre. Je suis dans ma chambre. Enfin, ça en a tout l'air, les volets sont fermés donc je ne vois pas grand-chose. J'étais donc dans mon lit depuis le début. Le bruit insupportable, c'est quelqu'un qui toque à ma porte. Plus violent qu'enjoué.

Après réflexion, vu le bruit, c'est plutôt un buffle. Ou une dizaine d'humains.
Je me lève difficilement et regrette instantanément mon choix, j'ai mal partout et je découvre des parties de mon corps que même Carden n'avait pas réussi à blesser, un exploit. Un pas, deux pas, trois pas... Me voilà devant ma porte.

« Oui ? »

« Enfin bordel, c'est pas trop tôt ! C'est nous Eirlys ! Tu sais, tes amis ? Tu ne pensais quand même pas qu'on allait avaler les conneries que t'as sorties ce matin, si ? »

Mes amis... Comment ça une journée ? Et ma déprime d'une éternité dans tout ça ? Mon regard se pose sur mon grimoire, posé sur le meuble des clés à ma gauche. Ah oui, c'est vrai, en tant qu'épreuve, elle s'est déroulée dans un monde parallèle au même titre que la Peur. J'ai déjà créé au moins trois boucles temporelles pour ma quête, l'univers ne doit pas beaucoup apprécier mes actions.

« J'imagine que non, si vous êtes tous là, devant ma porte. »

J'ai répondu d'une voix si faible que j'ai douté de ma propre identité pendant un instant, tout en provoquant un blanc du côté de mes amis.

« Eirlys ouvre la porte. On est tes amis et on est là pour toi que tu le veuilles ou non. Si tu veux te foutre en l'air, laisse nous te sauver ou t'accompagner. »

Ma main se dirige vers la poignée, mais j'hésite. Et si ça m'empêchait de la retrouver ? Si je les repousse maintenant, peut-être que les liens lâcheront, se briseront à jamais ? J'ai tellement pleuré pour eux pendant la déprime, je les voulais à mes côtés. Durant mon bonheur faux, Aimée et Kearne faisaient partie des principaux acteurs. Mais elle passe avant tout...

« Eirlys. »

J'arrête tout mouvement, c'est Aimée qui cherche à me parler, seule, cette fois-ci.

« Mon cœur, je sais très bien que tu nous caches quelque chose. Si tu ne nous en parles pas, on ne pourra pas t'aider. C'est sûrement à cause de ce secret que tu veux te débarrasser de nous, mais 'Lys, on s'en sort toujours ensemble. Il y a des solutions à tout. Même à l'impossible. On s'en fiche de ce que tu veux là, on veut te sauver de toi-même et du lavage de cerveau que tu t'es imposé. On est tous là, pour toi. Uniquement pour toi. On va faire en sorte que ton problème porte son nom par erreur. Au passage, je tiens à te signaler que Tristram et Kearne sont à deux doigts de défoncer la porte. »

« C'est nous tous ou rien du tout Eirlys, on ne te laisse pas le choix. » Rajoute Kearne, juste après.

N'y tenant plus, j'ouvre la porte et m'effondre en pleurs contre ma meilleure-amie. J'ai tellement mal, physiquement, mentalement, tout n'est que douleur. J'ai échoué de tellement de façons différentes que je ne suis plus à ça près. Ils m'ont terriblement manqué.

Elle me serre dans ses bras sans un mot, et quelques secondes plus tard, je sens Lisha m'enlacer par derrière tandis que Kavita pose sa main dans mes cheveux pour les caresser. Par-dessus l'épaule d'Aimée et avec mes yeux brouillés de larmes, je pense voir Amris s'essuyer les yeux. Je tends une de mes mains vers lui et il s'approche assez de moi pour me faire un demi-sourire et joindre sa main à la mienne. Tristram vient se joindre au câlin, en entourant de ses grands bras les quatre sangsues que nous sommes. Kearne reste en retrait, mais je sens son regard sur moi. Il reste silencieux quelques instants avant de craquer :

« Si tu nous refais un coup pareil, je te rase les cheveux avant de te couper la tête. »

J'avais oublié sa façon particulière d'exprimer ses sentiments. Il dit toujours n'importe quoi quand il panique. Je pleure toujours quand on se lâche, plusieurs minutes plus tard. Après ça, je baisse la tête et laisse s'instaurer un énième blanc.

« On va aller chercher à manger, parle avec Aimée 'Lys, on revient avec le repas pour que tu nous expliques à tous ensuite. On t'aime, tu sais ? »

Ma Lisha... Ils sont tous tellement incroyables ! Je n'en reviens pas à chaque fois. J'essaie d'ignorer la boule d'angoisse qui se forme dans mon estomac au fur et à mesure que je réalise avoir bâclé mes épreuves, m'éloignant à chaque fois de mon but par manque de précautions. Parce qu'après-coup, trouver la Magnificence ne pouvait pas être aussi simple.

« D'accord. Merci. Je vous aime aussi, plus que vous l'imaginez. »

Au point que mon subconscient a résisté et m'a empêché de la retrouver...

« Alerte cringe ! Stop ! »

Merci pour ton intervention Amris.
Ils me sourient, et je peine à leur rendre le geste.

« À nous deux mon cœur. Entrons, on ne va pas discuter sur le palier. »

Et Aimée m'entraîne à l'intérieur. Je suis faible, fatiguée, endoloris et elle est ma meilleure amie : je déballe tout. Je lui montre le livre, lui explique mon objectif et raconte les épreuves, une par une, sans que je ne sois jamais interrompue.

J'ai peur qu'elle ne me croie pas. Qu'elle me traite de folle. Qu'elle m'abandonne. Qu'elle soit trop rationnelle pour comprendre la subtilité des mondes.
Rien de tout cela n'est arrivé. Les miracles existent.

« Je te crois. C'est complètement fou, mais je te crois. Tu es incroyablement courageuse. Je vais t'aider, je sais très bien que la tête de mule que tu es, tu n'abandonnes pas. Les autres le feront aussi. Je suis perplexe, il faut bien l'avouer, mais quel genre de meilleure amie ne croirait pas sa moitié ? »

Comment c'est possible d'avoir une telle personne dans sa vie ? Elle me voit comme si importante, qu'elle me considère comme sa moitié. De la même façon que moi envers la personne que je cherche à ramener de la Magnificence.

Finalement, je ne suis peut-être pas si maudite que ça...

Entre temps, les autres sont rentrés et on s'est installés à table. Aimée me couve de son regard rassurant et m'encourage à leur expliquer, il est temps de se jeter à l'eau.

La Magnificence - Tome 1 (terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant