Chapitre 48

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Tous ceux qui le peuvent se transforment en loup. Je vérifie que Florence a bien mes pieux en main, ce qui est le cas. Sa trouille semble avoir été remplacée par une grande détermination. Grand bien lui en fasse.

Fleur ouvre la fenêtre du fond et nous sautons les uns après les autres.

Je me sens plus à l'aise sous ma forme de loup, malgré mon manque de coordination dans les pattes. Et puis faire partie d'un groupe a quelque chose d'exaltant. Il y avait une chose à laquelle Mme Jean n'avait pas pensé lors des entraînements qu'elle m'a infligés : c'est le fait que les loups chassent en meute et sont plutôt efficaces dans ce domaine. Les vampires en font d'ailleurs immédiatement les frais lorsque nous nous jetons sur eux après avoir contourné la gare.

Stéphane mène le mouvement, après une interminable discussion à ce sujet. Il a finalement été conclu qu'il était l'alpha le plus âgé. Je pense que Martin et Éric ont cédé essentiellement parce qu'ils se refusaient respectivement ce poste. Les deux autres alphas doivent se contenter de suivre ses directives et attaquent à la gorge les victimes qu'il désigne. Nous autres, les loups moins doués, les demis vampires ou humaines ceinture noire de karaté (et deux K d'abonnés) nous contentons de les assister en achevant leurs proies ou en les mordant un peu partout pour les déstabiliser. Même moi je suis utile. Enfin, je crois. En tout cas, j'ai réussi à attraper un vampire au mollet et à le maintenir pendant plusieurs secondes.

Je jette un regard sur le côté pour voir comment se débrouille Florence. À mon grand désappointement, je dois dire qu'elle se révèle beaucoup plus douée que moi dans le domaine du pieu. Elle ressemble un peu à la fille de la série, à s'agiter comme ça, sauf qu'elle n'est pas blonde. Elle le deviendra peut-être un jour, quand elle cessera d'avoir envie de ressembler à une plante verte.

Mon attention dérive sur Joséphine. On ne le croirait pas, comme cela, mais mon amie, sous sa fourrure claire et sa carrure chétive se révèle une formidable combattante. Ses bonds sont bien plus élégants et précis que les miens.

Je n'avais encore jamais participé à une bataille. Certes, l'année dernière, j'ai vécu quelques intéressantes péripéties lorsque des loups ennemis - menés d'ailleurs par l'un des types qui se tient aujourd'hui à mes côtés - m'a enlevé à deux reprises, notamment après une course poursuite épique dans la forêt où j'avais même fini assommé. Je pensais donc que je serais si terrifié que je me retrouverais pétrifié dans un coin, incapable d'agir. En réalité, je suis surpris de constater que je garde la tête froide. Ma seule peur vient que Martin ou un autre de mes compagnons soient blessés, ou pire. Oui, même Florence, parce que sa disparition risquerait d'être dure à faire passer auprès de mes parents. À coup sûr, ils trouveraient le moyen de dire que c'est de ma faute. "Tu n'aurais pas dû amener ta cousine dans un combat contre les vampires, lapin, et gnagnagna". Comme si Florence m'écoutait !

Puis les choses commencent à se compliquer lorsque cinq nouveaux vampires sortent des bois. Bon sang ! Mais combien sont-ils ? Est-ce que mon sang est si attirant que cela ?

D'accord, j'ai dit que les loups étaient plutôt doués pour chasser en meute. Mais je parlais de chasser de paisibles moutons ou de frêles chevreuils, pas des créatures qui, à en croire leur comportement, considèrent que ce sont elles qui nous chassent. Leur agressivité inutile perturbe notre belle formation et les rangs s'espacent. Je cherche Martin du regard. Il est occupé à tailler un immense vampire en pièce avec Éric Raspail. Oui, ils collaborent tous les deux, et plutôt bien. Comme quoi, un bon ennemi commun suffit à effacer des années de tensions stupides.

Bientôt, je suis cependant trop occupé pour continuer à surveiller mon petit ami, car pas moins de trois vampires tournent leur regard vers moi. L'un d'entre eux se lèche même les babines en me contemplant comme Pruneau le fait pour les poulets rôtis que mon père achète certains dimanches !

Je fais la première chose qui me passe par l'esprit : je me barre en courant dans l'espoir de semer mes adversaires sur place grâce à ma rapidité. Quand je tourne la tête, je vois qu'Émile et Joséphine se sont mis en travers du chemin de l'un de mes poursuivants qu'ils attaquent avec férocité. Il n'en reste plus que deux à mes trousses, une vampire aux longs cheveux noirs, qui est peut-être celle que j'ai naguère rencontrée dans les bois, et un immense type qui doit faire trois têtes de plus que moi quand je suis sous ma forme humaine.

J'agite mes pattes de plus belle, fonçant dans le noir. Heureusement que les loups disposent d'une bonne vision nocturne ! Malheureusement, cela semble être également le cas des vampires, car mes poursuivants ne me lâchent pas d'une semelle. J'accélère dans l'espoir de les semer. Un loup est capable de faire des sprints à cinquante kilomètres heures. Du moins quand il dispose d'une bonne coordination des pattes. Dans mon cas, je dois plutôt avoisiner les... euh... je n'en sais rien. Ce n'est pas comme si je courais à proximité d'un radar qui pourrait mesurer ma vitesse. Disons simplement que j'avance très vite. Les vampires aussi, surtout le grand type aux jambes immenses, car la distance entre nous n'augmente pas, ce qui est bien le problème.

Lorsque j'ose à nouveau regarder derrière moi, je constate que la vampire femelle perd enfin du terrain et finit par se laisser distancer. Ce n'est pas le cas de son compagnon qui ne semble même pas fatigué.

Je tourne le museau devant moi. Il est grand temps d'élaborer un nouveau plan, un peu plus brillant, cette fois.

L'idée me vient lorsque je me prends les pattes dans les rails qui mènent à la garde (d'accord, je ne les avais pas vus, malgré ma vision nocturne. Par chance, j'ai réussi à ne pas me casser la figure) et que j'entends un grognement au loin. Un train approche.

Ni une, ni deux, je me mets à courir au milieu des rails. Je constate avec satisfaction que le vampire m'a emboîté le pas, trop affamé pour réfléchir correctement.

Amis lecteurs, sachez que la stratégie que j'ai mise en place n'est pas à reproduire chez vous. Elle est réservée aux professionnels, comme moi (si si, j'en suis un). En effet, elle comporte beaucoup de dangers et je ne m'y serai certainement pas risqué si je ne risquais pas de finir comme amuse-gueule pour vampire.

Le grognement derrière nous est de plus en plus fort et nous a presque rattrapé.

Hop ! Je bondis sur le côté au dernier moment.

Moins vif que moi, le vampire ne réagit pas à temps. J'entends un craquement très satisfaisant derrière moi et le train passe à côté de moi à toute vitesse après avoir pulvérisé le buveur de sang.

Je ralentis le rythme, toute essoufflé, en laissant ma langue pendre hors de ma gueule.

Certes, je ne suis pas très doué pour la chasse au pieu, mais vous devez tout de même admettre que je me débrouille plutôt bien avec un train. Vous avez vu comme j'ai mis mon adversaire hors d'état de nuire ? Et cela tout seul, comme un grand, et sans trop me fatiguer. On ne surprendra plus ce vampire à me chercher des noises. ça, c'est sûr.

C'est au moment où je me congratulais tout seul qu'une forme sombre se jette sur moi. Je pousse un glapissement tandis qu'une douleur sourde se répand depuis mon flanc. Je tourne le museau. La femme vampire que je n'avais finalement pas si semée que cela est accrochée à ma fourrure comme une sorte de grosse tique. Ajoutons que, exactement d'ailleurs comme une grosse tique, elle est en train de boire mon sang ! Et pas qu'un peu, à en croire les bruits de déglutition satisfaits qu'elle produit. Fleur avait raison : je suis apparemment délicieux !

Le loup et moi 2 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant