A deux on est plus fort

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Lorsque j'ai franchi les portes de l'hôpital, je me suis senti différent. Quelque chose avait changé. La présence de Cassie à mes côtés y était pour beaucoup.

Pour la première fois depuis que maman était hospitalisée, je me sentais plus courageux, moins déprimé. Porter cette charge mentale seul, en tant que fils unique, était trop lourde pour moi. Je n'ai jamais eu personne pour me soulager, m'accompagner. Alors oui, il y a ce groupe de paroles pour les proches aidants de personne en fin de vie ; Il y a aussi l'aumonier qui passe parfois dans les couloirs, mais je ne suis jamais senti impliqué. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'intégrer l'un ou de me confier à l'autre. Je pense que ce dont j'avais besoin, c'est d'une copine, une amie comme Cassie, aussi insouciante que naïve, qui ne me pose aucune question, mais qui me propose juste son épaule sur laquelle me reposer. Chacun gère sa douleur comme il peut. Je n'avais pas eu besoin de rentrer dans les détails avec elle, sa présence me suffisait. Je suis un taiseux, je garde tout au fond de moi, avec le risque que cela explose un jour. Je ne souffre d'aucune addiction, je ne fume pas, je bois rarement. Mais il faut que je compense. Quand la douleur ou la peine est trop forte, je me tatoue. Cela peut être un simple trait, ou un symbole. Depuis que maman est hospitalisée, je me suis réalisé huit tatouages. Celui dont je suis le plus fier, c'est une Vierge qui pleure.

Lorsque j'ai franchi les portes de l'hôpital, quelque avait changé. Pas seulement en moi. Mais dans le regard des autres aussi. Les infirmières me dévisageaient, les autres patients qui me connaissaient aussi. Paty est venue à ma rencontre, mais elle a pris un instant pour dévisager Cassie avant de m'adresser la parole.

- Comment va-t-elle aujourd'hui, lui ai-je demandé pour rompre ce silence gênant

- Pas mieux, voire pire, je ne vais pas te mentir. Mais ça lui fera du bien de voir que tu es.. accompagné

- Oui, il faut du changement. Paty, je te présente Cassie, mon...

Et merde, je reproduis les mêmes erreurs que Cassie. Lorsqu'on doit se présenter, on ne sait jamais sur quel pied danser. Si on doit mentir aux autres, si on doit se mentir à soi. Si on doit idéaliser l'autre. Ou prendre en compte la réalité.

- Je suis sa petite-amie, reprend Cassie.

Paty sourit, sans insister davantage. J'ai serré plus fort la main de Cassie pour la remercier de m'avoir tiré d'un mauvais pas. Je n'ai pas l'habitude de me montrer en couple, et cela me gène. A mes côtés, je sens que quelque chose tracasse Cassie, elle semble mal à l'aise. Je décide de crever l'abcès et en serrant sa main plus fort, l'incite à se confier. Peut être est-elle comme moi, qu'elle n'aime pas les hôpitaux ?

- Tu m'as dit que ta mère était très malade... pas mourante

- Je suis désolé Cassie, je ne voulais pas ...

- Me mettre la pression ? C'est le cas maintenant. Tu m'as menti par omission Riley, et cela me contrarie.

Je me suis arrêté à sa hauteur. Je me suis rappelé ce qu'elle m'avait dit dans la voiture et je m'en suis voulu. Je me suis toujours efforcé jusqu'ici de donner la meilleure version de moi-même à Cassie, et je venais d'échouer.

- Quoiqu'il se passe entre nous pour la suite, ou peu importe ce que je suis à tes yeux, je ne veux pas de mensonge entre nous Riley. Je veux qu'on soit le plus honnête possible.

- Je te le promets Cassie.

Je n'ai pas envie de la perdre, peu importe ce qu'il y a entre nous. J'apprécie sa présence en tant qu'amie. Et je la verrais même comme une petite amie potentielle. Elle est douce, déjantée par moment, mais plus équilibrée que moi en apparence.

Nous sommes rentrés sur la pointe des pieds, en retenant notre souffle. Ma mère était allongée comme toujours, avec en fond sonore le bruit des respirateurs artificiels.

Je me suis délesté de ma veste et je lui effleurais la main de mes doigts pour lui signifier ma présence. Cassie, elle, est restée en retrait. Ma mère n'a pas réagi. Alors je lui ai embrassé le front, en pensant comme à chaque fois, que ce serait la dernière fois. Sa peau était plus froide que d'habitude. Je déteste cette sensation. Cette fois, elle ouvre les yeux.

- Tu es venu fils...

- Je ne raterai ça pour rien au monde.... Je t'ai amené quelqu'un...

D'un signe de la main, je fais signe à Cassie de se rapprocher. Ce qu'elle fait timidement. Je passe ma main dans son dos pour lui apporter mon soutien. J'ai l'habitude d'aller voir ma mère, de l'assister. Même si cela me coûte beaucoup émotionnellement. Cassie non. Je m'en veux de lui imposer ça, alors je tente de l'épauler aussi.

- Elle est jolie mon fils...

Je souris. C'est vrai qu'elle est belle. Cassie est tout à fait mon type de femme. Et encore, nous ne nous connaissons que depuis peu. Il me tarde d'en découvrir encore plus sur elle.

- Je m'appelle Cassie...dit-elle pour se présenter

- Cassie... répète faiblement ma mère.

Ma mère tourne le visage et ferme ses yeux. Je signifie à Cassie que ce sera tout pour aujourd'hui en reprenant ma veste posée sur la chaise. C'est à cet instant que les machines s'emballent. La seconde d'après, je vois débouler Paty, paniquée, assistée de deux autres infirmières.

- Tu devrais sortir Riley. Quitte la pièce... maintenant !

Cassie me tire en arrière alors que je lutte pour apercevoir ma mère. J'ai un mauvais pressentiment. Ce ne peut pas être la dernière fois que je la vois... Mon cœur s'emballe aussi et je suffoque. Je perds pieds, mes repères... Tout ce qu'il me reste c'est Paty... et la main de Cassie qui me retient. D'autres personnels entrent dans la pièce en courant. C'est un cauchemar, je vais me réveiller..

My Rebound GuyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant