Le Chant Des Loups (Got)

◇ Dans l'ombre de l'échiquier - Game of Thrones

-> Tyrion Lannister

⚠️ Spoil ⚠️

La haine. Flamme carnivore, lame asserrée, foyer brûlant. Elle prend sa source dans le souffrance.

Discrimination, insultes, mépris.

Servis sur un plateau doré, camouflés, dans les broderies, les rires sous les capes, les moqueries dans son dos.

La haine il la connaît bien. La honte également. Il les lit dans les yeux de son père, chaque fois qu'il le surplombe de sa hauteur. Le roi des lions, qu'il est. Il n'est quant à lui qu'un lionceau, trop court sur pattes, trop dervergondé, trop intelligent. Toujours trop. Jamais assez.

Honneur disent-ils ? Mais quel honneur ?

Où tout n'est qu'hypocrisie, que faux semblants, que manigances dans l'ombre.

Sur l'échiquier il se complet, il avance ses pions, nullement noirs, aucunement blancs. Des pions gris de fer sombre, assortis au trône, siège de tous les désirs. La cupidité le sert, poison du cœur. Il joue dans les ténèbres du plateau, caché derrière les pièces.

La mort ne lui sied guère, en dépit des souffrances de la vie. Du moins, le concernant, bien qu'il entrevoit les contours de son trépas dans le regard de sa sœur.

Il s'amuse de tous ces hommes, ô honorables chevaliers. Vendre son honneur n'en est point un. Mais lui n'achète rien. Il prend ce qui s'offre à lui, survie, esquive tant bien que mal le tranchant des lames. Le sang qui en coule. Tiens, parlons sang ! Glorieuse famille, piteux fils. Il fait ombre à leur nom disent t-ils, honte à son rang. Meutrier de sa mère, contre sa volonté. Patricide, de son plein gré cette fois. Accusé, il ne compte plus les procès falsifiés. Coupable, il l'est à leurs yeux. Pour sa morphologie, pour ce qu'il est, ce qu'il représente. Seul son frère lui offre sa main en soutien. Fraternité. Même d'or, même loin.

Assez de famille aimante, évoquons le cœur. Quand on ne connaît que l'aigreur du mépris, le moindre regard est une invitation. Il s'était juré de ne plus tomber. De ne plus céder la clé de son organe vitale. Mais il l'avait fait. Et en retour, il avait cru toucher son cœur. Il avait cru trouver un refuge, un foyer en son sein. Il aurait dû savoir. Il aurait dû reconnaître la feinte, fin joueur qu'il était. Mais l'amour rend aveugle, et nous dévore de sa flamme. Qu'y pouvait le lion ?

La haine est un poison, elle tue toujours son détenteur. À petit feu, elle le consume, opposition des sentiments amoureux, et pourtant d'effets semblables. Que le cerf à crinière meurt, il n'avait de roi que le titre et l'anneau d'or sur la tête. Quelle satisfaction pour le lion. Quel délice, quelle complaisance. Mais quand le clan vous tourne le dos, le sucre devient acide. Le feu devient cendre. Le délice devient supplice.

Quand il ne vous reste qu'un frère pour vous retenir, alors que le précipice s'ouvre sous vos pieds, que l'amour achève de se consumer, que sa flamme dorée devient noire, devient haine. Tout bascule, tout lâche, tout brûle. Quelle importance ?

Oh que oui, il le connaît ce sentiment. Il le voit chaque fois que son reflet s'affiche dans le miroir. Il le voit brûler dans ses yeux, sur la surface de glace. Il hante les cœurs, le sien, ceux qui l'entourent. Il le suit jusque dans les flammes du dragon.

Que peut la douceur, la tendresse, la paix de l'amour face à la mort, sa violence et ses envies ? Face à la souffrance et sa lueur noire ? Que peut le soutien d'un être face au rejet de centaines ?

Seul le jeu compte en vérité. Seuls les coups importent. Calculs, stratégies, réflexions. Seuls les risques permettent la survie. Seul l'échiquier vous maintient en vie.