Chapitre 8

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Tra la pouòrta e la paret noun cau jamai metre lou det.
Entre la porte et le chambranle, il ne faut pas mettre le doigt.
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Peu après leur rencontre avec la jeune femme, les deux compères avaient pris deux chambres à l'auberge du Midi. Ils avaient découvert que le fameux établissement n'était pas seulement réputé que pour sa bonne table mais également pour offrir aux voyageurs cinq belles chambres.

Celles qu'ils occuperaient étaient chacune composées d'une seule pièce avec un petit cabinet de toilette astucieusement dissimulé derrière une porte. Les murs, bien que simplement plâtrés, laissaient apparaitre les grosses poudres de la structure de la maison. Le sol recouvert de modestes carreaux de terre vernissée et le plafond en bois témoignaient de la ruralité des lieux mais conféraient aussi à la pièce une ambiance chaleureuse.
Le lit placé dans un renfoncement du mur était confortable, propre et sans puces. Un épais édredon ainsi que les lourds pans des rideaux de velours assortis que l'on fermaient la nuit pour garder la chaleur, semblaient promettre au voyageur un repos bien mérité dans cette alcôve douillette. Une petite cheminée de pierre sur laquelle était posé un chandelier, permettait de chauffer la pièce. Le mobilier de style campagnard se limitait à une petite table faisant office de bureau avec sa chaise à haut dossier et à une commode à trois tiroirs sur laquelle on trouvait un pot de terre accueillant un bouquet de fleurs séchés. Un tableau de style scène de chasse et un tapis quoique banal finissaient la décoration. L'ensemble était somme toute agréable et on leur avait même apporter un baquet pour leur bain. Pour les deux hommes qui avaient souvent dormis dans des établissements miteux ou encore à la belle étoile, ce fût comme découvrir un petit trésor caché dans les montagnes.

Ayant apprécié la qualité du confort et déposé leurs affaires, les deux compères avaient pris la direction de la maison du tailleur située dans un minuscule bourg en contre-bas du village, en espérant trouver leur bonheur. Leurs sacoches de voyage ne contenant pas de costume digne de ce nom, il leur fallait en louer un.
Mathieu avait exprimé à Pietro ses doutes quant à trouver, ici dans une maisonnée au fond d'un ravin, vestes, culottes, jabots et encore moins des bas de soie.

- Bah ! On verra ce que l'on dénichera. Non importa, avait-il répondu tout naturellement, avant de dévaler le chemin pentu à grands pas.

- Bah si, en fait cela importe. Je n'ai pas envie de me faire mettre à la porte par le seigneur du village, moi, lui avait crié Mathieu alors que son ami se trouvait déjà à dix pas en contre-bas.

- Dit surtout que tu ne veux pas décevoir la jolie demoiselle. Aurais-tu peur de passer pour un pauvre va nu pieds, povero innamorato ? S'était moqué Pietro.

- Non, je dois faire honneur à mon rang, c'est tout ! Avait rétorqué Mathieu piqué.

- Ton rang ? Parlons-en, ton frère ne t'a-t-il pas foutu dehors ? En tant qu'aîné, n'est-ce pas lui, le seigneur du domaine familial et toi, mio amico, n'est-tu pas qu'un un simple militaire ?

- Peut-être mais je porte toujours le nom de mes aïeux à ce que je sache, avait maugrée Mathieu.

Il s'était arrêté de marcher à la dernière remarque de son compagnon, l'orgueil légèrement froissé par le portrait que ce dernier avait fait de lui.

- Et de ce fait, il est de mon devoir de faire honneur à ma famille ! Je te rappelle que certains membres de celle-ci sont chevaliers de Malte et même titulaires de Commanderies. Je dois donc me comporter de manière convenable en toute circonstance, avait-t-il conclu.

Il avait lâché sa dernière tirade sur un ton plus rude qu'il ne l'avait réellement souhaité, tout en se remettant à marcher avec une allure militaire comme pour se donner de la prestance. Il avait find l'indifférence en dépassant Pietro car son ami le connaissait malheureusement trop bien. Ce dernier avait effectivement bien compris qu'il avait apprécié la jolie et pétillante Ariane et que, tel l'idiot de coq prétentieux qu'il semblait être, il s'empressait de gonfler le torse et de lui montrer ses plus beaux atours. Merde ! C'est tout à fait se qu'il était en train de faire, s'était-il dit. Mais moins la remarque sur son rang dans sa famille que la capacité de son ami à deviner ses inclinaisons l'avait irrité. Etait-il aussi facile de lire en lui ? Et pire, la jeune femme l'avait-elle compris aussi lorsqu'il s'était pompeusement présenté à elle ?

Les larmes du RocherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant